Encore une fois, la harira audiovisuelle ramadanienne nous aura confirmé, peut-être sans appel cette fois, la médiocrité, la stérilité, le manque douloureux et désespérant d'imagination de cette grille annuelle tant attendue. Une stérilité, voire une impuissance avérée et flagrante d'éternels habitués de la trop fructueuse tranche de ce mois exceptionnel. Exceptionnel, du moins aux yeux de ceux et celles qui scrutent cette opportunité en se frottant des mains plus promptes à encaisser les gros chèques* qu'à mettre entre les yeux du public une production d'un minimum qualitatif requis. Seulement, cette manne ressemble de plus en plus à un jackpot, plus à un bingo qu'à un investissement dans un produit «national», comme on en réalisait jadis en se contentant du minimum syndical «On s'est habitué», avancent, résignés, d'aucuns blasés par cette monotonie mercantiliste. On n'a qu'à zapper, somme toute. Sinon, la table dressée et bien garnie est autrement plus attrayante que ces mièvreries et ces vulgarités sans nom: sitcoms, téléfilms, caméras soi-disant cachées (comble de manque flagrant de tact, on a vu mardi dernier la même personne se faire rouler dans deux programmes de caméra cachée exactement au même horaire, à la minute près sur TVM et 2M en prime time : vous avez dit coïncidence ?). Tout cela serait naturel et d'un ordinaire agaçant si ce n'est que cette fois l'argent se fait trop voir et notre Mercato ramadanesque devient trop voyant, criard à volonté. Et cela frise l'indécence, surtout si le chiffre annoncé de six ou sept milliards jetés par les fenêtres de Dar Brihi est avéré. En tous les cas, il ne fut point démenti. En fait, c'est un signe des temps: il y'a quelques petites années encore, tout le «mal» qu'on pouvait souhaiter est que la manne financière profite amplement aux créateurs, réalisateurs, acteurs, comédiens, opérateurs, équipes techniques Il semble que les étapes aient été sautées d'un pas trop «enthousiaste», comme si certains, à leur tête ces producteurs, ou pseudo patrons de boites de production aux canines bien ciselées prêtes à mordre dans les milliards tombés du ciel, ou plutôt des fonds dégoulinants de cette vache à lait nommée SNRT, en ces temps où des téléspectateurs martyrisés ont du mal à boucler leurs débuts de mois difficiles, acculés à jeter leur dévolu sur les lacrymos made in Istanbul. Signe des temps, donc, le citoyen-téléspectateur lambda n'hésite plus à demander des comptes à ces producteurs carnassiers métamorphosés illico en nouveaux riches, comme il le demandait auparavant aux politiques, aux élus, aux décideurs, etc. Ce n'est que logique et justice: les producteurs et compagnie, déjà pleins aux as en l'espace de temps records, n'ont plus le droit, surtout moral et déontologique, de fourguer au peuple une marchandise à la sauvette, juste histoire de respecter les délais imposés par la trop généreuse SNRT. Ils n'ont plus à nous imposer les sempiternelles mêmes têtes, les mêmes proverbes que même les grandes mères n'osent plus seriner à leurs petits-enfants, et surtout cette mortelle absence d'humour qui s'est transformée chez eux en une maladie contagieuse. Si cela devait changer, et ce dès la saison prochaine si possible, si les responsables de la SNRT acceptaient enfin de ne plus tabler que sur le sérieux, la qualité et le respect des marocains, on pourra alors dire à ces producteurs devenus richissimes et à leurs suites que la «récréation» est finie, même si elle aura duré plutôt longtemps. *Une boutade, certes de mauvais goût, circule depuis belle lurette dans le milieu : que font nos postulants à l'aide dite à la production nationale dès réception de leur chèque? Primo, se payer une voiture 4x4 flambant neuf ; secundo, s'offrir un appartement de haut standing ; tertio, changer de femme