La harira audiovisuelle ramadanienne nous confirma, souvent sans appel, la médiocrité, la stérilité, le manque douloureux et désespérant d'imagination de la part des faiseurs de cette grille annuelle tant attendue. Une stérilité, voire une impuissance avérée et flagrante d'éternels habitués de la trop fructueuse tranche de ce mois exceptionnel. Exceptionnel, du moins aux yeux de ceux et celles qui scrutent cette opportunité en se frottant des mains plus promptes à encaisser les gros chèques qu'à tourner les manivelles et mettre devant les yeux d'un public assoiffé une production d'un minimum syndical culturel et qualitatif. Seulement, cette manne ressemble de plus en plus à un jackpot, à un bingo qu'à un investissement dans un produit « national », comme on en réalisait jadis en se contentant de miettes en noir et blanc... « On s'est habitué », avancent, résignés, d'aucuns. On n'a qu'à zapper, somme toute. Sinon, la table dressée et bien garnie est autrement plus attrayante, du moins visuellement, que ces mièvreries et ces vulgarités sans nom défilant sur nos écrans plasma. Mimiques gratuites, jeux de mots infantiles, scénarii mal ficelés, réalisation (Ah ! cette foutue mode de la caméra sur l'épaule si prisée par les jeunes réalisateurs !) à la va-vite, comédiens dirigés... droit sur le mur ! Tout cela serait naturel et d'un ordinaire agaçant si ce n'est que depuis quelques années, l'argent se fait trop voir et notre Mercato ramadanesque devient trop voyant, criard à volonté. Et cela frise l'indécence. On pourrait ici résumer cette situation en évoquant le titre du movie de Woody Allen, « Prends l'oseille et titre-toi ! » La manne financière est trop tentante et l'on n'est pas loin d'une Harira Connection qui, faute de faire germer des hommes de cinéma ou de télévision, nous fourgue des nouveaux riches qui se croiraient déjà à Hollywood. En fait, c'est un signe des temps : il y'a quelques petites années, tout le « mal » que l'on pouvait souhaiter est que la manne financière profite amplement aux créateurs, réalisateurs, acteurs, comédiens, équipes techniques... Il semble que les étapes aient été brûlées d'un pas trop « enthousiaste », comme si certains, à leur tête ces producteurs, ou pseudo patrons de boites de production aux canines bien ciselées prêtes à mordre dans les milliards tombés du ciel, ou plutôt des fonds dégoulinants de cette vache à lait nommée SNRT, en ces temps où des téléspectateurs martyrisés ont du mal à boucler leur... débuts de mois difficiles, acculés à jeter leur dévolu sur les lacrymos made in Istanbul, Mexico, Bombay et j'en passe. Signe des temps, donc, le citoyen-téléspectateur lambda n'hésite plus à demander des comptes à nos producteurs carnassiers, comme il le demandait auparavant aux politiques, aux élus, aux décideurs, aux « aafarites », aux crocodiles, aux brebis galeuses, etc. Ce n'est que logique et justice : producteurs et compagnie, déjà pleins aux as (n'est-ce pas Ali'N ?) en l'espace de temps records, n'ont plus le droit, surtout moral, de fourguer au peuple une marchandise à la sauvette, juste histoire de respecter les délais imposés par la trop généreuse SNRT de M. Laaraichi et des cahiers de charges sans charges notables. Ils n'ont plus à nous imposer les sempiternelles mêmes têtes, les mêmes proverbes que mêmes nos grandes mères n'osent plus seriner à leurs petits-enfants, et surtout cette mortelle absence d'humour qui s'est transformée chez eux en une maladie contagieuse. Si cela devait changer, dès la saison en cours si possible, si les responsables de la SNRT acceptaient enfin de ne plus tabler que sur le sérieux, la qualité et le respect des marocains, on pourra alors dire à ces producteurs et autres réalisateurs richissimes au volant de leurs 4x4 rutilantes et à leurs suites, que la « récréation » est finie, même si elle aura duré plutôt trop longtemps. Les chiffres officiels de l'audimat en rapport avec la grille actuelle semblent rassurants, tant il est avéré que le public ne regarde que le produit de qualité qui le respecte et qui se respecte, même avec les poches pleines ! Alors, si la grille « Ramadan 2014 » réussit la gageure de se mettre les citoyens marocains de son côté, malgré la farouche concurrence du Mondial brésilien, là, nous oserons pousser l'optimisme jusqu'à nous souhaiter, à nous autres téléspectateurs, des ramadans cathodiques plus intelligents, plus attractifs et, surtout, moins précipités. Et maintenant, coupez !