L'Union européenne a lancé officiellement lundi, lors d'une réunion de ses ministres des Affaires étrangères à Luxembourg, une mission navale de lutte contre le trafic de migrants en Méditerranée, qui sera limitée dans un premier temps à une surveillance accrue des réseaux de passeurs. «Je vous le dis clairement, les cibles ne sont pas les migrants mais ceux qui gagnent de l'argent sur leurs vies et, trop souvent, sur leurs morts», a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. «Cette première phase de l'opération commencera à être mise en oeuvre dans les jours à venir, à savoir un recueil d'informations et des patrouilles en haute mer pour aider à la détection de réseaux de passeurs», a-t-elle expliqué. Baptisée EU Navfor Med et forte d'un millier d'hommes l'opération est dirigée par l'amiral italien Enrico Credendino, basé à Rome. Son navire de commandement sera le porte-avions italien Cavour, doté d'un hôpital. Quatorze pays de l'Union y contribuent, en matériels ou en hommes : Italie, Royaume-Uni, Allemagne, Slovénie, Grèce, France, Luxembourg, Espagne, Belgique, Finlande, Hongrie, Lituanie, Pays-Bas et Suède. Elle est censée in fine permettre de détruire les embarcations utilisées par les trafiquants au plus près des côtes libyennes, notamment les «bateaux mères» qui servent à tracter en haute mer des radeaux de fortune chargés de migrants. Mais, en l'absence d'une résolution du Conseil de sécurité autorisant l'usage de la force dans les eaux territoriales libyennes, elle sera pour l'instant très limitée. Une telle résolution ne peut être votée qu'avec le consentement des autorités libyennes, alors que le pays est plongé dans le chaos, avec deux gouvernements rivaux. Ceux-ci sont actuellement en pourparlers, sous l'égide de l'ONU, pour former un gouvernement d'union nationale. Une solution qu'encourage vivement et unanimement l'UE, a assuré Mme Mogherini lors d'une conférence de presse, car «ça créerait de meilleures conditions pour travailler à une gestion commune des flux de migrants et de demandeurs d'asile». En attendant, «nous pouvons faire quelque chose en haute mer», a-t-elle fait valoir. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a chiffré à plus de 100.000 le nombre de migrants et réfugiés arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l'année, l'Italie et la Grèce ayant eu à assumer à deux la quasi totalité de ce flux. «3.200 migrants sont entrés (en Grèce) ce week-end (...). Nous nous attendons à 100.000 arrivées cet été, c'est une ville entière, c'est sans fin», a déclaré lundi le ministre grec de la police Yannis Panoussis sur la radio Vima FM, en appelant l'UE à trouver des solutions. Menaces Les 28 Etats membres se déchirent actuellement sur l'accueil de 40.000 demandeurs d'asile que Bruxelles souhaite voir mieux répartis entre pays membres, un autre volet de plan élaboré par l'UE sur la question migratoire. A ce stade, l'opération navale mobilise cinq navires de guerre, deux sous-marins, trois avions patrouilleurs maritimes, deux drones et trois hélicoptères. «Dans les jours à venir, les avions et navires vont arriver dans la zone d'opération», a assuré un haut responsable européen à des journalistes. Les commandants de la mission ont pris en compte plusieurs «menaces», alors que le groupe jihadiste Etat islamique contrôle une partie de la côte libyenne et que des navires marchands longeant la côte libyenne ont à deux reprises été attaqués par des avions de combat et des tirs depuis le rivage, a-t-il ajouté. «C'est un environnement complexe, c'est la raison pour laquelle ceci est une opération militaire», a expliqué ce responsable, soulignant «l'instabilité» qui règne en Libye. L'idée d'une telle mission est née en avril, «il y a exactement deux mois, après la mort de 900 personnes» dans le naufrage d'un chalutier chargé de migrants au large de la Libye, avait rappelé Federica Mogherini en arrivant à la réunion. «C'est le commencement, la mise en place d'une série de mesures qui nous permettront d'interrompre, de détruire le business des passeurs, de travailler avec les pays en amont, pour essayer d'arrêter les pressions qui poussent ces vagues de migrants vers l'Europe», a souligné le ministre britannique Philip Hammond. Les Européens ont injecté plus d'argent dans le sauvetage en mer, et renforcé leur présence à Agadez, une ville du nord du Niger par laquelle passent une grande majorité des migrants qui affluent en Libye. Ils entendent aussi soutenir d'autres pays de transit dans leurs contrôles aux frontières.