Les élections régionales et municipales ont ebranlé, dimanche dernier, le bipartisme de fait qui dominait la vie politique au royaume ibérique depuis une trentaine ans. Si les deux grands partis traditionnels, le Parti populaire (PP, droite au pouvoir) et le Parti socialiste (PSOE), restent les premières forces politiques du pays, ils n'en sont pas moins acculés à composer avec les forces émergentes, Ciudadanos, et Podemos, pour gouverner dans les régions et dans les villes. Le PP du Premier ministre Mariano Rajoy, sévèrement sanctionné dans les urnes après quatre années d'austérité et plusieurs scandales de corruption, dépendra, dans certaines régions, d'alliances avec le nouveau parti de centre-droit Ciudadanos pour conserver le pouvoir. C'est le cas par exemple dans la région de Madrid. À gauche, c'est Podemos qui s'impose comme le partenaire incontournable. Le PSOE, première force de gauche dans les régions, devra pactiser avec la formation de Pablo Iglesias s'il veut renverser le PP dans au moins quatre d'entre elles, dont l'Aragon et les Baléares. Les Espagnols ont adressé dimanche soir un sévère avertissement à l'establishment politique, entrouvrant les portes de Barcelone et de Madrid aux "indignés", à l'issue d'élections municipales et régionales où l'antilibéral Podemos a globalement confirmé sa troisième place. A Barcelone, la liste de la militante anti-expulsions Ada Colau est arrivée en tête devant celle du maire sortant Xavier Trias, un nationaliste conservateur: elle a obtenu onze sièges contre dix pour celui-ci, cinq pour Ciudadanos (centre droit) et quatre pour le HYPERLINK "https://fr.news.yahoo.com/parti-socialiste/" Parti socialiste catalan. A Madrid, la liste "Ahora Madrid" de Manuela Carmena, comprenant notamment Podemos, est deuxième après celle du Parti populaire (20 conseillers contre 21 conseillers) mais pourrait gouverner avec l'appui du Parti socialiste (neuf sièges), Ciudadanos arrivant quatrième (sept sièges). Dimanche soir peu avant minuit, la liesse a gagné les partisans de cette ancienne juge de 71 ans qui ont fêté ce qu'ils considèrent comme une victoire, dans cette capitale de l'Espagne tenue par la droite depuis 23 ans, berceau du mouvement des "indignés" contre la corruption et l'austérité. Non loin du musée du Prado, ils hurlaient de joie en écoutant l'ex-magistrate évoquer un moment "extraordinaire" après une campagne financée par les seuls dons des militants. "C'est merveilleux, enfin cette ville cessera d'être triste", se réjouissait Nacho Lopez, un acteur de 38 ans, dénonçant la politique "revancharde" de la droite face à la culture. Pendant ce temps à Barcelone d'autres fêtaient la victoire de la liste d'Ada Colau, 41 ans, égérie des "indignés", soutenue par Podemos comme Manuela Carmena et qui, comme elle, avait hésité à se lancer en politique. "L'espoir a gagné, le désir de changement a vaincu la campagne de la peur, de la résignation", a-t-elle dit avec des larmes de joie. "J'ai toujours été dans le camp des perdants, je n'ai pas l'habitude de gagner, c'est étrange", déclarait un de ses fans, Fernando Ramos, 63 ans, avant d'assurer que le mouvement des "indignés" a été "un moteur de changement qui ne s'arrêtera pas ici".