Le Qatar a décidé de commander 24 avions de combat Rafale de Dassault Aviation et des missiles fournis par MBDA, pour 6,3 milliards d'euros, a annoncé jeudi l'Élysée. C'est le troisième contrat à l'exportation annoncé depuis le début de l'année pour l'avion français, après l'Égypte mi-février et l'Inde le 10 avril. Cela portera à 84 le total de Rafale exportés, l'accord avec New Delhi restant cependant à finaliser. "Nos exportations d'armement vont dépasser pour la première fois en 2015 les 10 milliards d'euros", dit-on au ministère de la Défense, où on table sur au moins 12 milliards. Le gouvernement français a d'ores et déjà gagné un pari, qui avait paru hasardeux à beaucoup d'analystes: faire reposer l'exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019 sur la vente à l'étranger d'au moins 40 de ces appareils, que la France n'avait pas réussi jusqu'ici à exporter. "Pendant longtemps il y a eu des doutes sur ce Rafale", a dit François Hollande à la presse lors d'un déplacement à Brest. "Nous avons pris le temps nécessaire (...) et fait en sorte que les entreprises puissent proposer les prix qui pouvaient déterminer les choix des pays concernés." L'accord qatari, qui prévoit une option sur 12 appareils supplémentaires selon le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier, pourrait relancer les discussions avec d'autres pays de la péninsule arabique. Il sera signé lundi à Doha en présence du chef de l'Etat, qui est la semaine prochaine l'invité d'honneur du Conseil de coopération du Golfe, à Ryad. Selon une source diplomatique française, "ça se passe plutôt bien avec les Émirats arabes unis", qui pourraient commander jusqu'à 60 avions. Le Koweït est également réputé intéressé. Ces deux pays ont intérêt à avoir une flotte cohérente avec celle du Qatar voisin, font valoir des sources industrielles. La France discute par ailleurs avec la Malaisie d'un marché portant sur 16 Rafale, dit-on de source proche du dossier. Le contrat qatari est l'aboutissement de discussions lancées en février 2013 lors d'une visite du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian dans ce richissime émirat. Selon le ministère, Dassault Aviation commencera à livrer à la mi-2018 les 24 Rafale commandés, dont six biplaces, au rythme d'un par mois (11 par an). Ils seront équipés, comme les Rafale français, des armements les plus modernes, notamment de missiles de croisière Scalp et de missiles air-air Meteor. L'accord prévoit aussi la formation en France de 36 pilotes qataris et d'une centaine de mécaniciens, mais hors enveloppe de 6,3 milliards d'euros. "Il y aura un accord entre les deux armées de l'air", précise-t-on au ministère. Sauvegarde de l'outil industriel et création d'emplois Le Qatar, un pays de 11.737 km2 et deux millions d'habitants, va ainsi doubler la taille de son armée de l'air -une douzaine de Mirage 2000 de Dassault Aviation acquis dans les années 1980 et en fin de vie, mais qui participent aux frappes contre l'organisation radicale Da'ech en Syrie et les rebelles Houthis au Yémen. La France est liée à Doha par un accord de défense et a des relations économiques et politiques anciennes et étroites avec l'émirat, qui héberge la plus grande base aérienne américaine au Moyen-Orient mais veut diversifier ses alliés. Les contrats à l'export enfin décrochés par le Rafale vont amener Dassault Aviation à augmenter sa capacité et sa cadence de production. Il faudra adapter les lignes de montage et augmenter les effectifs, a précisé Eric Trappier. "Dans un premier temps, nous allons remplacer des avions qui étaient destinés à la France par des avions à l'exportation. C'est le cas pour ces deux premiers contrats signés que sont l'Égypte et le Qatar", a-t-il indiqué. Pour pérenniser l'outil industriel, soit aujourd'hui 7.000 à 8.000 emplois et 500 PME, la loi de programmation militaire (LPM) garantit la fabrication d'un minimum de 11 Rafale par an. Mais avec le ralentissement programmé des achats de l'armée de l'air française, le pari de l'exportation était incontournable. "Sans ces contrats, on aurait dû combler un trou de quatre milliards d'euros sur la durée de la LPM", souligne-t-on au ministère de la Défense. L'annonce du contrat qatari intervient au lendemain de la décision du gouvernement d'accorder des moyens supplémentaires aux armées afin d'adapter leur dispositif à la situation créée par les attentats de janvier.