Un Algérien, soupçonné de préparer un attentat contre une église et d'avoir assassiné une femme, a été arrêté à Paris et des documents en lien avec Da'ech et Al-Qaïda ont été saisis, ont révélé, mercredi 22 avril, les autorités françaises, en soulignant la persistance d'une menace "inédite". Sid Ahmed Ghlam, 24 ans, étudiant en électronique, arrêté dimanche 19 avril, était "en contact" avec une personne pouvant se trouver en Syrie "qui lui demandait explicitement de cibler particulièrement une église", a précisé le procureur chargé de l'enquête, François Molins. Actif sur les réseaux sociaux où il manifestait son attrait pour les terres de jihad, l'Algérien Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d'avoir planifié un attentat contre une église de la banlieue parisienne, était connu des services de renseignement français. Les expertises ordonnées par les enquêteurs sur le matériel informatique de Sid Ahmed Ghlam sont terrifiantes. Elles révèlent, que le terroriste présumé prenait directement ses ordres auprès de jihadistes vivant vraisemblablement en Syrie. Au matin du dimanche 19 avril, un individu fait appel au Samu. Il indique avoir été blessé par balles à la suite d'un vol avec armes dont il venait d'être victime devant son domicile, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Les secours arrivent sur place et constatent des blessures au niveau de la cuisse et de la rotule gauche. Dans le cadre de l'enquête ouverte en flagrance, les enquêteurs découvrent la Renault Mégane appartenant au jeune homme blessé. Les policiers s'approchent et remarquent à l'intérieur la présence de gyrophares, des traces de sang sur le fauteuil conducteur ainsi que la présence d'un sac. "Au vu de ces constations et de l'attitude suspecte de l'individu, qui refusait l'ouverture et la fouille de sa voiture, les policiers décident de la perquisitionner", a confié ce mercredi le procureur de la République de Paris, François Molins. À l'intérieur, un fusil d'assaut kalachnikov chargé, trois chargeurs garnis de munitions, un pistolet 6 mm approvisionné, un revolver sphinx 9mm, un gilet pare-balle et tactique, trois téléphones portables, un ordinateur portable, une clé USB, un GPS, ainsi que des documents manuscrits comportant des éléments sur des cibles potentielles, deux églises de Villejuif, et la manière d'opérer en vue de commettre des attentats. La parfaite boite à outils du terroriste ! Fiché par les services de renseignements La section antiterroriste du parquet de Paris est immédiatement saisie. Et découvre avec embarras l'identité de l'homme, passé du rang de victime à suspect : Sid Ahmed Ghlam, un Algérien de 24 ans, connu des services de renseignement. Le jeune homme fait en effet l'objet, depuis quelques mois, d'une fiche "sûreté de l'État" de la DGSI. Arrivé en France en 2001 dans le cadre d'un rapprochement familial, Sid Ahmed Ghlam avait ensuite oscillé entre la France et l'Algérie, jusqu'à ce qu'il passe son bac en Algérie en 2010. Le terroriste présumé avait ensuite suivi des études d'électronique en France, alternant entre le domicile familial de Saint-Dizier et Paris. Une partie de la famille de Sid Ahmed Ghlam s'était petit à petit radicalisée. Fait troublant : selon l'enquête, le terroriste présumé a un temps habité en tant qu'étudiant la ville de Reims, celle-là même où Saïd Kouachi, un des auteurs des attentats de janvier, avait élu domicile. Est-il possible que des contacts dans des milieux radicaux se soient noués à cette occasion ? Dimanche, le terroriste présumé est conduit à l'hôpital et placé en garde à vue, en même temps que l'on perquisitionne son domicile. Là encore, terribles découvertes : trois fusils d'assaut kalachnikov, gilets pare-balles et tactiques, brassards de police, chasubles jaunes de police, gilets pare-balles, camescope et appareil photo, 2000 euros en liquide, boitiers et puces téléphoniques, ordinateur... Et pour finir, une abondante documentation jihadiste. Très vite, un rapprochement est fait avec le meurtre, dimanche à Villejuif, d'Aurélie Châtelain, 32 ans, d'une balle dans l'épaule. La douille retrouvée dans la voiture d'Aurélie, correspond au revolver sphinx 9mm du suspect. L'ADN du tueur présumé sera retrouvé sur la scène de crime, et du sang appartenant à Aurélie sera identifié sur son manteau. La géo-localisation et les données GPS viendront corroborer tous les éléments accablant déjà livrés par l'enquête. Plus effrayant encore, les investigations vont montrer que Sid avait bel et bien l'intention de commettre des attentats sur le sol français. L'individu avait effectué des recherches sur les églises situées à Villejuif. Aurélie a d'ailleurs été tuée à deux kilomètres de l'une d'entre elles. Sur un bout de papier, Sid avait également noté les adresses de trois commissariats : Clamart, Vitry et Cachan. Les messages électroniques extraits du matériel informatique ont montré que le terroriste présumé était en contact avec plusieurs personnes se trouvant en Syrie, dont l'une au moins lui a demandé "explicitement de cibler une église", d'après le procureur de Paris, François Molins. Ces messages s'étaient intensifiés ces derniers jours, sous une forme toujours plus explicite. "Trouve une bonne église avec du monde", lui ordonnent ses commanditaires. Dans un autre message, ils marquent leur impatience : "Bouge-toi. Ici, c'est galère". Mystérieuse provenance des armes Lors de ses auditions, Sid Ahmed Ghlam a fait des déclarations fantaisistes, expliquant qu'il possédait de nombreuses armes, que cela lui faisait peur, et qu'il avait donc décidé de s'en débarrasser dans la Seine. Il dit s'être blessé lors d'une mauvaise manipulation en se tirant lui même une balle dans la jambe. Une explication qui ne convainc pas les autorités, bien qu'il reste à déterminer les causes de sa blessure. Le terroriste présumé risque fort de rester en garde à vue - mesure exceptionnelle - pendant six jours complets. Il devrait être mis en examen, notamment, pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste. Les enquêteurs cherchent désormais d'éventuelles complicités. Ils veulent savoir d'où proviennent les armes. Ce seraient les commanditaires qui ont indiqué à Sid Ahmed Ghlam où se trouvait la cache. En l'occurrence, le coffre d'une Mégane, garée à Aulnay-sous-Bois. Les données de géo-localisation exploitées par les enquêteurs ont confirmé que le terroriste présumé s'est rendu dans cette ville le 13 avril 2015. Sans doute pour y récupérer l'arsenal. Le casier judiciaire de Sid Ahmed Ghlam est vierge. Des faits de violences volontaires avaient bien été relevés en août 2013, mais la victime avait finalement retiré sa plainte. Selon les services de renseignements, le terroriste présumé s'était rendu en Turquie en février 2015. En audition, il a avoué y avoir déjà séjourné en 2014. La puce de son téléphone n'aurait cependant pas quitté la Turquie, et il n'y a donc, aujourd'hui, aucune preuve qu'il ait franchi la frontière syrienne. Les policiers espèrent en savoir plus avec l'environnement téléphonique du suspect. L'on sait d'ores et déjà que Ghlam utilisait une ligne téléphonique unique avec sa petite amie, Jennifer. Les enquêteurs soupçonnent Sid Ahmed Ghlam d'avoir planifié son repli chez la jeune femme s'il avait mis à exécution son plan meurtrier. Actuellement entendue par la police, Jennifer, très radicalisée et peu coopérative, invectiverait abondamment les enquêteurs. "Cet attentat a été évité dimanche matin", a déclaré le ministre français de l'Intérieur, qui a estimé que la France "fait face à une menace terroriste inédite, par sa nature et par son ampleur". "Un acte terroriste a été déjoué. Ce n'est pas le premier, il y en a eu d'autres dans ces dernières semaines et ces derniers mois", a réagi le président français, François Hollande. Les évêques de France ont toutefois appelé, mercredi, "à l'apaisement". "Les menaces terroristes, quelle qu'en soit la teneur, ont pour objectif de semer la peur, les catholiques n'y céderont pas", ont-ils écrit dans un communiqué.