Pour ainsi dire, nous étions restés sans nouvelles de Mohammed Idrissi et ce, depuis belle lurette. On aurait cru qu'il s'est volontairement immergé dans une chaude hibernation qui serait une sorte de « dégât collatéral » conséquence de d'une f... retraite professionnelle. Le créateur Mohammed Idrissi s'est plongé et plu dans un long repos du corps avant (bien avant, nous le souhaitons) celui de l'âme. Toutefois, il me semble qu'un repos de guerrier, quand il s'agit d'un créateur n'est justement point de tout repos. Car il continue de naviguer dans des chemins tortueux, transcender des murailles fictives, entrer en duels avec des moulins multicolores. Bref, pas de repos, pas de répit non plus pour les artistes. C'est que j'ai toujours considéré Mohammed Idrissi comme un artiste. Avant de me rendre compte qu'il en était un et à part entière. Un artiste non pas dans l'âme ou à ses heures perdues (heures aujourd'hui retrouvées), mais un artiste tout court. Ou, pour être juste envers lui, un artiste tout long, un artiste en long et en large Un créateur positivement ambitieux, notamment dans sa première jeunesse, inspiré, prolixe, imaginatif, homme d'initiative, créatif, bon gestionnaire socioculturel, et j'en oublie. Artiste peintre, critique et historien d'art, homme de théâtre, associatif actif, j'estime que cet homme mérite plus de reconnaissance et d'estime critique. Ceci pour l'Histoire. Certains écrivaillons et autres critiques du dimanche toisent le genre de la Nouvelle de haut et le considèrent comme un art mineur. Alors que le roman, par exemple, serait un art majeur. Grand bien lui fasse ! Mais, si le roman peut devenir un océan d'encre, la Nouvelle ne saurait se contenter de demeurer un ru, un filet d'eau réducteur. Le choix de l'art nouvelliste me semble, au contraire, courageux. Si la Nouvelle est victime de cette réputation aux yeux du commun des mortels, ce n'est pas à cause de sa « petite taille », mais plutôt et sans doute d'un mal-entendu. Et il est question ici plus que de l'ouïe que de la raison. J'oserais même dénoncer un racisme anti-Nouvelle et ce serait là une bien mauvaise nouvelle ; surtout pour ceux qui ont choisi de l'exercer ou pensent le faire. Pour revenir à notre auteur, conscient de ces écueils et ces aléas mouvant en permanence, il fait montre s'une passibilité à toute épreuve, fructueuse et continue. Il renoue avec l'exercice passionné de ce genre littéraire fluctuant entre mépris et méconnaissance. Ainsi, à la passion doit s'ajouter et s'allier la patience. La concentration, dans les deux sens du terme s'incruste elle de même dans cette histoire, la Nouvelle devant subir des règles que, parfois, l'auteur serait le seul à connaitre, à définir. Tel un conducteur professionnel, il doit savoir quand s'arrêter et où s'arrêter histoire d'éviter des accidents dont il pourrait s'avérer la seule victime, qu'à Dieu ne plaise ! Je vois que Mohammed Idrissi maitrise la situation, ne lâche ni volant ni prise. C'est que, pour ne point se perdre, voire se diluer dans les dédales de ces chemins improbables, Mohammed Idrissi se devait de bâtir des remparts ou, du moins, des repères. Il a donc logiquement, dira-t-on, opté d'ausculter et puis traiter de cette société dans laquelle il se meut et, surtout où se meuvent les autres. Les autres, ce n'est pas l' »enfer », mais la richesse. Le « filon » social, ou sociétal, n'est pas forcément une aubaine pour emplir les bagages d'un romancier, encore moins ceux d'un nouvelliste de la trempe d'un Mohammed Idrissi et d'autres comme on en voit de nos jours parmi les jeunes auteurs. Lui, Mohammed Idrissi (s'en) sort de ce « combat » avec un butin de paix profusionnel. Il lui suffit, bien que ce ne soit pas si simple que cela, de regarder atour de lui, en ayant le talent requis, mariné de cette touche poétique censée baigner le lecteur jusqu'à le mener à la fin de ce voyage littéraire exclusivement mis en scène par l'auteur. Non pas que ce dernier se soit enfermé dans une tour d'ivoire (supposant qu'une telle tour devrait couter les yeux de la tête !) pour écrire et créer. Au contraire, il a su se faire des alliés précieux, comme cette donne sociale si inépuisable, cette dame Nature tant donatrice et sa propre personne, cela va de soi. Personne humble et ouverte à tout ce qui se présente à elle de bon et de positif. Cette personne pour qui l'écriture est une bouée de sauvetage, histoire de se « noyer sans mourir, s'engager sans risquer... nager sans se mouiller »...