Plusieurs chefs d'État et de gouvernement se sont associés, dimanche 29 mars, aux dizaines de milliers de Tunisiens qui ont défilé dans la capitale pour une "marche nationale et internationale contre le terrorisme", quelques heures après l'annonce de la mort de neuf islamistes soupçonnés d'avoir participé à l'attaque du musée du Bardo. Les autorités n'ont donné aucune estimation du nombre des participants à cette marche. Rassemblée sous le mot d'ordre "Le Monde est Bardo", une foule compacte parsemée de drapeaux tunisiens a défilé dans le centre de la capitale. "Tunisie libre, terrorisme dehors", "Notre pays est plus fort que vous", ont scandé les manifestants de tous âges au milieu d'une mer de drapeaux tunisiens. Ils ont été rejoints en milieu de journée par le chef de l'État tunisien Béji Caïd Essebsi, notamment accompagné par ses homologues français François Hollande et palestinien Mahmoud Abbas ainsi que par les chefs des gouvernements italien Matteo Renzi et algérien Abdelmalek Sellal. "Le terrorisme a voulu frapper un pays, la Tunisie, qui avait engagé le Printemps arabe et qui a eu un parcours exemplaire en matière de démocratie, de pluralisme", a déclaré M. Hollande, présent bien que se déroule en France le second tour des élections départementales. "Aujourd'hui nous sommes ici pour donner un message d'espoir. Nous désirons dire que la Tunisie n'est pas seule. Nous sommes ensemble à combattre le terrorisme", a dit de son côté Matteo Renzi. Les dirigeants ont marché dans une mêlée d'officiels et de journalistes sur une centaine de mètres dans un périmètre complètement bouclé par des centaines de policiers munis d'armes automatiques. Des hélicoptères survolaient la zone tandis que des tireurs d'élite étaient postés sur les toits. Ce défilé officiel a longé l'enceinte où se trouvent le Parlement et le musée du Bardo. Les dignitaires ont ensuite inauguré une stèle portant les noms des victimes de l'attentat du 18 mars qui a fait 22 morts, 21 touristes et un policier tunisien. Celui de la quatrième Française décédée la veille a été rajouté dans la hâte sous cette mosaïque. "Un grand salut au peuple tunisien qui a prouvé qu'il ne cèderait pas au terrorisme. Merci à tous et je dis au peuple tunisien: 'En avant! Tu n'es pas seul'", a lancé M. Caïd Essebsi, 88 ans, l'initiateur de la marche. "Le peuple tunisien ne pliera pas. Nous resterons unis face au terrorisme jusqu'à l'éradication de ce phénomène", a assuré le président tunisien Beji Caïd Essebsi après le défilé. Des milliers de militaires et de policiers avaient pris position dans la capitale pour assurer la sécurité des manifestants. "Nous avons démontré que nous sommes un peuple démocratique, que les Tunisiens sont modérés et qu'il n'y a pas de place ici pour les terroristes. Aujourd'hui, tout le monde est avec nous", a déclaré un manifestant. Neuf jihadistes tués, dont le cerveau de l'attaque du Bardo Peu avant la marche, le Premier ministre Habib Essid a annoncé la mort du chef du principal groupe armé jihadiste tunisien, l'Algérien Lokmane Abou Sakhr, accusé par Tunis d'avoir "dirigé" l'attaque contre le musée du Bardo. Neuf jihadistes "parmi les plus dangereux terroristes de Tunisie", membres de la Phalange Okba Ibn Nafaa, basé dans le Djebel Chambi près de la frontière algérienne, ont en tous été abattus dans la région de Gafsa, située dans le centre-ouest de la Tunisie. Le ministre de l'Intérieur Najem Gharsalli a précisé qu'ils avaient été localisés puis abattus à un barrage alors qu'ils se déplaçaient en voiture. Okba Ibn Nafaa est en outre tenu responsable de la mort de dizaines de policiers et militaires depuis décembre 2012. "Nous avons tué la majeure partie des chefs d'Okba Ibn Nafaa qui étaient responsables de nombre d'attaques récentes", a dit le Premier ministre à l'aéroport de Tunis, où il attendait l'arrivée de dignitaires étrangers. "C'est une riposte claire et forte au terrorisme après l'attaque du (musée national du) Bardo", a-t-il ajouté. Bien que l'attentat ait été revendiqué par Da'ech, le gouvernement tunisien assure qu'Okba Ibn Nafaa, y a pris part. Le parti islamiste Ennahda, deuxième force politique du pays présente dans la coalition gouvernementale, et la puissante centrale syndicale UGTT avaient appelé à participer en masse à la marche. Mais le Front populaire, coalition de gauche et principale formation d'opposition, a annoncé qu'il la boycottait, accusant d'"hypocrisie" certains participants, dans une claire allusion à Ennahda. De nombreux politiques de gauche accusent en effet le parti islamiste de s'être montré laxiste face à la montée des courants jihadistes lorsqu'il était au pouvoir, de la fin de l'année 2011 jusqu'au début de celle de 2014.