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Tunisie: L'attaque contre le parlement tourne au carnage dans le Musée Bardo
Publié dans L'opinion le 20 - 03 - 2015

Les forces de sécurité tunisiennes ont réussi à neutraliser les terroristes qui ont attaqué le musée national du Bardo en milieu de journée à Tunis. Le bilan provisoire est de 22 morts, dont 20 touristes étrangers. Cet attentat pourrait bien porter un nouveau coup au tourisme dans le pays, déjà convalescent.
La Tunisie est sous le choc. Mercredi 18 mars, vers midi, heure locale, au moins deux hommes armés ont ouvert le feu à proximité de l'Assemblée nationale et du musée du Bardo, dans le centre de Tunis. Les assaillants, habillés en tenue militaire, ont tenté de forcer l'entrée de l'hémicycle puis se sont dirigés vers le musée, où ils ont visé un bus de touristes. Ils ont ouvert le feu sur les touristes alors que ces derniers descendaient de leurs bus, puis ils les ont pourchassés à l'intérieur, a relaté le premier ministre. Une employée du musée, visiblement paniquée, a témoigné avoir entendu des "tirs intensifs" "aux alentours de midi. "Mes collègues ont crié: ‘Fuis, fuis, il y a des tirs'", a-t-elle déclaré. "Nous nous sommes échappés par la porte de derrière avec des collègues et des touristes".
Une guide touristique tunisienne, qui venait tout juste de terminer une visite avec un groupe de touristes hispanophones, raconte l'attaque "On était en train de remonter dans le bus, quand j'ai vu sur la droite un jeune, à peu près 25 ans, pas de barbe, habillé normalement, témoigne-t-il. Il manipulait une kalachnikov, mais j'ai noté qu'il avait du mal, il a mis du temps avant d'ouvrir le feu. Au début je croyais qu'il jouait avec des amis, je l'ai même pris pour un touriste. Il a tiré sur les gens qui sortaient du musée. Il n'a rien dit." a-t-elle indiqué. Une prise d'otages a eu lieu au musée du Bardo, qui se situe à proximité de l'Assemblée nationale. Autour du musée du Bardo, un périmètre de sécurité a été installé.
Dans le ciel, des hélicoptères ont fait des rondes incessantes au dessus du lieu de l'attaque terroriste. De nombreux renforts policiers sont arrivés en continu, alors qu'en sens inverse des ambulances et des véhicules de pompiers quittent la zone de l'attaque. Dans le Parlement, mitoyen du musée, la "panique" était "énorme" lorsque les coups de feu ont retenti, a relaté la députée Sayida Ounissi sur Twitter. La fusillade est intervenue "en pleine audition des forces armées sur la loi antiterroriste", en présence notamment du "ministre de la Justice, de juges et de plusieurs cadres de l'armée", selon elle. Les travaux des commissions parlementaires ont été suspendus et les députés ont reçu l'ordre de se rassembler dans le hall de l'Assemblée, les visiteurs, eux, sont restés retranchés dans le bâtiment d'art qui abrite une exceptionnelle collection de mosaïques.
Les forces de sécurité tunisiennes ont neutralisé les terroristes vers 14h30. Deux d'entre eux auraient été tués et un troisième arrêté durant l'assaut. Selon un policier, 150 hommes mènent l'assaut. Le Premier ministre tunisien, Habib Essid indique que la police recherche deux ou trois personnes susceptibles d'avoir été les complices des deux auteurs de l'attaque. "Il y a une possibilité, mais il n'y a pas de certitude, les deux assaillants tués pourraient avoir été appuyés par deux ou trois éléments et nous sommes en train de mener de larges opérations de recherches pour identifier ces deux ou trois terroristes qui ont peut-être participé à l'opération", a-t-il déclaré dans un discours diffusé par la télévision nationale. A la fin de leur intervention contre le commando terroriste, les forces de l'ordre ont quitté l'intérieur du musée du Bardo sous les applaudissements des Tunisiens présents.
Le dernier bilan officiel de l'attaque se porte à 22 morts dont 20 étrangers, et 42 blessés. Le Premier ministre tunisien, Habib Essid, a donné plus d'informations concernant la nationalité des victimes, parmi lesquels quatre Italiens, un Français, deux Colombiens, cinq Japonais, un Polonais, un Australien. Deux Espagnols ont péri dans l'attaque, a annoncé le ministre des Affaires étrangères espagnol, Jose Manuel Garcia-Margallo. Parmi les blessés, des ressortissants d'Afrique du Sud, de Pologne, d'Italie et du Japon. Six Français ont été blessés dans l'attaque, selon une source diplomatique française.
Près d'une centaine de touristes, tunisiens et étrangers, se trouvaient dans le musée au moment de l'arrivée du commando armé. Deux membres des forces d'intervention antiterroriste ont également été abattus, selon un bilan fourni par le ministère de la Santé tunisien. Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, s'est rendu à l'hôpital Charles-Nicolle, de Tunis, où ont été transportés les blessés. "Les autorités ont pris toutes les mesures pour que de telles choses n'arrivent plus", a-t-il déclaré. "Je veux que le peuple tunisien comprenne que nous sommes en guerre contre le terrorisme et que ces minorités sauvages ne nous font pas peur. Nous allons les combattre sans pitié jusqu'à notre dernier souffle", a déclaré le président tunisien dans une brève allocution télévisée.
Le président Béji Caïd Essebsi a imputé la responsabilité de l'attaque du musée du Bardo, mercredi 18 mars à Tunis, à des islamistes armés. "Deux ont déjà été identifiés. Nous savons que ce sont les extrémistes toujours, ce qu'on appelle Ansar al-Charia, ce qu'on appelle les salafistes jihadistes", a-t-il déclaré. "C'est un acte sans précédent dans l'histoire de la Tunisie, c'est une catastrophe pour nous, nous avons eu beaucoup de victimes parmi les amis étrangers qui visitaient la Tunisie comme touristes", a ajouté le chef de l'État. Et face à cette "provocation inacceptable", il appelle les Tunisiens à se mobiliser. "Il faut que chaque Tunisien se sente lui-même menacé par ces exactions là et je pense que les Tunisiens vont répondre comme un seul homme à cet appel", a ajouté le président.
Plusieurs centaines de Tunisiens se sont rassemblés, mercredi soir, à Tunis, pour dénoncer l'attaque au musée du Bardo. Réunis face au théâtre de l'avenue Habib Bourguiba, artère principale du centre-ville, des manifestants de tous les âges brandissaient des drapeaux tunisiens, scandant des slogans hostiles aux "terroristes". "La Tunisie est libre, les terroristes dehors", "Dégager les terroristes est un devoir", "Avec mon âme et mon sang, je te défendrai drapeau", ont-ils notamment repris en chœur. Les manifestants chantaient aussi à intervalle régulier l'hymne national tunisien.
L'attaque n'a pas encore été revendiquée mais la Tunisie est menacée par des groupes jihadistes depuis plusieurs années. Cette "attaque terroriste", selon le ministère de l'Intérieur, touche le pays pionnier du Printemps arabe qui, contrairement aux autres États ayant vécu des mouvements de contestation en 2011, a jusqu'ici échappé à une vague de violences ou de répression. Depuis la révolution de janvier 2011, qui a chassé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie a vu émerger une mouvance jihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et de militaires, selon les autorités.
Le terrorisme frappe régulièrement la Tunisie depuis 2012. Le 18 février dernier, quatre membres de la garde nationale étaient abattus dans le gouvernorat de Kasserine par un groupe armé. Un acte revendiqué par la Phalange Okba Ibn Nafaâ. C'est, cependant, la première fois que des civils sont directement visés par un groupe armé. Les terroristes visaient jusqu'à présent les forces de l'ordre. Depuis 2011, 57 membres des forces de l'ordre ont été tués dans des affrontements avec les groupes armés. 171 ont été blessés.
Le pays doit faire face, depuis plusieurs mois, à la montée de groupes islamistes. Liée au réseau Al-Qaïda, la Phalange Okba Ibn Nafaâ est considérée comme le principal groupe jihadiste de Tunisie, actif dans la région du mont Chaambi, à la frontière avec l'Algérie. De 2 000 à 3 000 Tunisiens combattraient par ailleurs dans les rangs des jihadistes à l'étranger, en Syrie, en Irak et en Libye. Selon Da'ech, un Tunisien a participé à l'assaut contre l'hôtel Corinthia, à Tripoli, qui avait fait neuf morts en janvier, et un autre a mené un attentat-suicide à Benghazi, deuxième ville de Libye. Cinq cents autres jihadistes tunisiens sont pour leur part rentrés au pays, selon la police, et sont considérés comme l'une des plus grandes menaces pour la sécurité de la Tunisie. Des Tunisiens combattant avec Da'ech, très actif en Syrie et en Irak, ont par ailleurs menacé leur patrie ces derniers mois.


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