Le Groupe de contact sur l'Ukraine, réuni mardi 10 février, à Minsk, est parvenu à un accord sur un cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine et sur les moyens de le contrôler. Le Groupe de contact (Ukraine, Russie, rebelles ukrainiens et OSCE) est également parvenu à un accord sur un plan de retrait des armes lourdes. Le Groupe de contact était réuni à la veille d'un sommet à quatre dans la capitale biélorusse entre le président ukrainien Petro Porochenko, son homologue russe Vladimir Poutine, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel, afin de trouver une solution négociée au conflit dans l'est de l'Ukraine. Les discussions se poursuivent sur le statut des deux régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk et sur l'organisation d'élections locales. Selon les décomptes de l'ONU, la guerre à l'est de l'Ukraine a fait plus de 5 500 morts et un million de déplacés, des chiffres probablement sous-estimés. On ne doit en aucun cas rater la chance qu'offrent les négociations de Minsk au «format Normandie», et l'UE ne cessera de soutenir les efforts diplomatiques qui tendent à désamorcer la crise en Ukraine, a indiqué, mardi 10 février, la chef de la diplomatie européenne, Mme Federica Mogherini. Les dirigeants des pays faisant partie du «format Normandie» (Russie, Ukraine, France et Allemagne) avaient convenu de se réunir hier, à Minsk, pour mettre au point un accord censé régler le conflit dans le Donbass. «Les négociations de Minsk, c'est une chance, il ne s'agit guère d'une certitude, mais d'une chance à ne pas rater au nom des personnes qui perdent leurs vies, au nom des principes du droit international, de la souveraineté de l'État et de la sauvegarde de la paix en Europe», a déclaré Mme Mogherini devant les députés au Parlement européen. Et de rappeler que l'Union européenne avait reporté l'entrée en vigueur de nouvelles sanctions contre des personnalités russes et des «séparatistes» afin de donner une chance aux efforts en cours pour ramener la paix en Ukraine. «Afin de laisser de la marge aux efforts diplomatiques (...), nous avons décidé de suspendre l'entrée en vigueur des sanctions jusqu'au 16 février», a expliqué auparavant la diplomate. Le président français, François Hollande, a affirmé, pour sa part, qu'il allait se rendre à Minsk, avec la chancelière Angela Merkel, avec «la ferme volonté d'aboutir» à un accord de paix pour l'Ukraine au sommet réunissant les dirigeants ukrainien, russe, français et allemand. «Des discussions sont en cours» en vue de ce sommet, mais «des combats aussi dans l'est de l'Ukraine avec des morts, des civils qui vivent un calvaire», a ajouté le président français. Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier semble, par contre, d'un tout autre avis. « La tenue à Minsk d'une rencontre au «format Normandie» ne signifie pas encore le règlement de la crise, la situation dans le Donbass demeurant toujours très instable, a-t-il indiqué. «J'espère qu'il n'y aura pas de regain de violences dans les heures qui viennent, ce qui pourrait remettre en question la tenue de la rencontre à Minsk», a déclaré le ministre. Et d'ajouter qu'il serait sans doute possible, lors de la réunion de Minsk, de faire un premier pas vers une trêve. Quel statut pour le Donbass ? La France, l'Allemagne et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) veulent que la Russie se charge de contrôler le retrait des armements lourds et la mise en place d'une zone démilitarisée dans le sud-est de l'Ukraine, a annoncé mardi à l'agence Sputnik une source diplomatique proche des négociations. Moscou estime pour sa part que cette mission doit être confiée à l'OSCE, a indiqué l'interlocuteur de l'agence. «L'Allemagne, la France et l'OSCE se sont mises d'accord pour exiger que la Russie se charge de régler le conflit en Ukraine. Elles veulent notamment que Moscou contrôle de retrait des armements lourds et la création d'une zone démilitarisée. La Russie estime, quant à elle, que cette tâche doit être confiée à l'OSCE», a indiqué le diplomate. Le cessez-le-feu conclu à Minsk n'avait été respecté ni par les séparatistes ni par l'armée ukrainienne. D'autres points « militaires » sont discutés : une amnistie pour les combattants, le retrait des groupes armés illégaux et des combattants étrangers, et de nouveaux échanges de prisonniers, après ceux déjà réalisés au cours des mois passés. L'accord de Minsk prévoyait d'accorder un « statut spécial » aux territoires tenus par les rebelles et d'y organiser des élections locales « conformes à la loi ukrainienne ». Le Parlement ukrainien a adopté une loi prévoyant l'octroi de ce statut et qui déléguait aux chefs rebelles le contrôle complet de leurs territoires. Les « Républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk l'ont refusé et ont organisé, en novembre, leurs propres élections. Dans une lettre transmise, la semaine passée, à Paris et Berlin, la Russie demanderait que Kiev reconnaisse ces élections et, par là, l'autonomie des deux régions. La partie ukrainienne sera sans doute obligée de faire des concessions importantes sur ce point. Mais une question reste pour l'heure en suspens, celle du financement. Le Donbass, déjà sinistré économiquement, a été ruiné par la guerre. L'Ukraine, qui est elle-même au bord de la faillite, n'a pas très envie d'assurer la survie d'une région dont le contrôle lui échapperait. Moscou non plus. La solution de l'autonomie élargie Le point central est celui de la frontière russo-ukrainienne. L'accord de Minsk prévoyait un contrôle de cette frontière sous la supervision de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Kiev semble avoir renoncé à l'idée même de participer à un contrôle conjoint de la frontière et a plutôt choisi de se retrancher le long de la ligne de front pour prévenir toute velléité de progression future des rebelles. Général Jean-Bernard Pinatel, expert reconnu des questions géopolitique, auteur du livre « Russie. Alliance vitale » est persuadé que le conflit ukrainien ne profite qu'aux Etats-Unis. « Le risque aujourd'hui c'est qu'on pousse au trop loin les choses. Et c'est pour cela que je salue le déplacement de Hollande et Merkel à Kiev et à Moscou pour essayer de ramener tout le monde autour de la table de négociation et éviter qu'en Europe s'installe un climat de guerre froide qui ferait certainement l'affaire des USA. Mais cela pénaliserait le développement économique de l'Europe et de la Russie et donc le bien-être de tous nos citoyens ». « Il n'y a pas de point de non-retour, affirme Général Pinatel, parce que je crois que la Russie, l'Ukraine et l'Europe n'ont absolument pas intérêt à installer un climat de guerre froide qui pourrait basculer, d'ailleurs, vers un climat de guerre chaude. Il n'y a pas de stade de non-retour parce que l'Ukraine a besoin de l'aide de l'Europe et de l'aide de la Russie pour survivre économiquement. En saluant la démarche de la chancelière Merkel et du président Hollande qui ont rencontré les chefs d'État ukrainien et russe la semaine dernière, le général français propose un modèle qui pourrait servir d'exemple aux Ukrainiens. « Il faut en arriver à une forme qu'on connaît aujourd'hui en Espagne où les provinces Basques et les provinces de Catalogne ont une large autonomie par rapport au gouvernement central. Au Pays basque, avec tout ce qui s'est passé avec l'ETA, aujourd'hui il n'y a pas une armée basque mais il y a une police basque, les impôts sont levés par les Basques. Tout cela est un modèle qu'il faut promouvoir en Ukraine parce qu'on ne peut pas sortir de ce conflit sans une large autonomie des provinces sud russophones », assure Général Pinatel.