Edgard Alain Mebe Ngo'o, ministre camerounais délégué à la présidence chargé de la Défense a présidé hier la cérémonie d'ouverture des travaux des experts consacrés à une réflexion en vue de rendre opérationnelle la Force multinationale mixte (FMM). Celle qui a été décidée par l'Union africaine (UA) pour lutter efficacement contre l'insécurité sous toutes ses formes dans le Bassin du Lac Tchad le 29 janvier dernier. Les travaux qui s'ouvrent ce matin au palais des Congrès de Yaoundé s'achèvent samedi 7 février prochain, avec la remise d'un rapport contenant le concept d'opération, le concept du soutien logistique et les règles d'engagement de la FMM. Concrètement, ces trois éléments sont les préalables à la constitution du dossier à soumettre au Conseil de sécurité des Nations unies qui devra voter une résolution pour valider juridiquement le mandat de cette FMM. Les experts viennent des Nations unies, de l'UA, de l'Union européenne, de l'Organisation de la coopération islamique, de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale, de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest, de la Commission du Bassin du Lac Tchad, de France, de Grande Bretagne et des Etats-Unis d'Amérique. La plupart des délégations attendues sont arrivées hier. Une fois ce travail accompli, il s'agira alors de l'aboutissement d'un long processus engagé depuis mai 2014 quand le président Paul Biya déclarait la guerre à Boko Haram, au terme du le sommet de Paris sur la sécurité au Nigeria. Les forces armées camerounaises ont reçu plus de moyens logistiques et financiers pour aller au front. Ensuite, il y a eu le discours de Paul Biya devant le corps diplomatique, le 8 janvier dernier, dans lequel il appelait à « une réponse globale » face à une menace globale. Puis la réaction du Tchad qui a été le premier pays à réagir en envoyant des troupes. Les forces armées tchadiennes et camerounaises ont alors rédigé un concept d'opération pour encadrer cette coalition bilatérale. Entre-temps, les pays de la Commission du Bassin du Lac Tchad (Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun) et le Bénin réunis à Niamey, au Niger le 20 janvier dernier, ont envisagé le déploiement d'une force multinationale large. Proposition entérinée par les chefs d'Etat, membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'organisation panafricaine au cours de leur rencontre du 29 janvier 2015 à Addis-Abeba, avec la décision de déployer une FMM de 7 500 hommes. Au lendemain du lancement de l'offensive tchadienne au Nigeria contre Boko Haram, les islamistes nigérians ont mené mercredi matin une contre-attaque meurtrière tuant près de 70 civils dans une localité camerounaise frontalière, d'où ils ont été finalement repoussés. "Les civils (tués) sont nombreux, presque 70. Les militaires sont au nombre de six. Les BH (Boko Haram) sont couchés partout", a affirmé une source sécuritaire présente à Fotokol. Une source proche des services de sécurité a confirmé ce bilan : "Nous avons perdu six militaires. Il y a trop de civils (tués)". En fin de journée, la cité de Fotokol, sous haute protection militaire et où le calme est revenu en milieu de matinée, pansait ses plaies. Des habitants attendaient des nouvelles de proches portés disparus, a indiqué l'un d'eux, sous couvert d'anonymat. La veille, au premier jour de son offensive terrestre sur le sol du Nigeria, l'armée tchadienne avait chassé les islamistes de la ville frontalière de Gamboru, voisine de Fotokol, selon son état-major. A l'aube mercredi, de nombreux islamistes partis de Gamboru et de petits villages nigérians frontaliers du Cameroun se sont infiltrés dans Fotokol et ont attaqué la ville. Ils tentaient ainsi de prendre à revers les soldats tchadiens déployés à Gamboru -séparée de Fotokol par un grand pont surplombant la rivière frontalière-, alors occupés à une vaste opération de ratissage à la recherche d'islamistes embusqués. "Je connais au moins dix personnes qui ont été tuées. Il y a parmi elles deux de mes amis, deux frères", a témoigné sous couvert d'anonymat un habitant originaire de Fotokol réfugié dans une autre localité. "Ils (Boko Haram) ont égorgé des gens, dont le grand marabout de la mosquée. Ils ont brûlé des maisons et la grande mosquée". "Boko Haram a fait vraiment beaucoup de dégâts ici ce matin. Ils ont tué des dizaines de personnes, au moins 20 à la grande mosquée", a assuré un autre habitant, Umar Babakalli, ajoutant : "dans une autre mosquée, aucun fidèle n'a pu s'échapper". Mardi, l'armée tchadienne avait lancé son offensive terrestre au Nigeria depuis Fotokol après de violents bombardements aériens et d'artillerie sur Gamboru, désertée par la population. Ces combats ont fait neuf morts et 21 blessés côté tchadien et "plus de 200" dans les rangs de Boko Haram, selon l'état-major tchadien. Les attaques incessantes de Boko Haram, qui étend depuis des mois son emprise dans le nord-est du Nigeria, menacent de plus en plus l'équilibre régional en pesant sur les frontières du Cameroun, du Niger et du Tchad. Ils ont entraîné la réaction militaire de N'Djamena, soucieuse d'empêcher des infiltrations de jihadistes sur son sol et de maintenir ses principales voies de ravitaillement. De nombreux islamistes étaient présents depuis des mois dans ces villages nigérians proches de Fotokol. Jusqu'à présent, leurs tentatives d'incursion à Fotokol ont toujours été repoussées.