La première simulation se traduit par une augmentation de la production mondiale de 0,7 % en 2015 et de 0,8 % en 2016 par rapport au scénario de référence (situation avec la chute des cours). La seconde simulation aboutit, logiquement, à un effet plus modeste sur la production, de l'ordre de 0,3 % en 2015 et de 0,4 % en 2016. L'éventail de ces effets comprend des prédictions que l'on obtiendrait ˆ partir des estimations empiriques applicables aux économies avancées. Il ressort des estimations de Blanchard et Gali (2009), par exemple, que l'effet d'une réduction permanente (imputable ˆ l'offre) du prix du baril de 10 % aboutit ˆ une augmentation de la production américaine d'environ 0,2 %. En retenant une composante offre de la réduction de prix d'environ 25 % (60 % d'une baisse totale de 40 %), ces estimations supposeraient donc une augmentation de la production d'environ 0,5 %. Ces résultats globaux cachent les effets asymétriques de la baisse des prix dans les différents pays. Les gagnants sont les importateurs (nets), et les perdants sont les exportateurs (nets). Mais même parmi ces deux groupes, il existe de grosses différences. Quels seront les effets probables sur les importateurs de pétrole? La baisse des cours agit de trois manières distinctes sur les importateurs de pétrole. Premièrement, par l'effet de l'augmentation du revenu réel sur la consommation. Deuxièmement, par la réduction des coûts de production des produits finis et, partant, l'effet sur les bénéfices et l'investissement. Et troisièmement, par l'effet sur le taux d'inflation, globale et sous-jacente. L'intensité de ces effets varie d'un pays ˆ l'autre : Par exemple, l'effet lié au revenu réel est plus faible aux Etats-Unis, pays qui produit désormais plus de la moitié du pétrole qu'il consomme, que dans la zone euro ou au Japon.L'effet lié au revenu réel et aux bénéfices dépend aussi de l'intensité énergétique du pays. La Chine et l'Inde continuent de présenter à cet Žégard une plus grande intensité que les pays avancés, et de ce fait profitent davantage d'une baisse des cours. La part de la consommation de pétrole dans le PIB est en moyenne de 3,8 % aux Etats-Unis, contre 5,4 % pour la Chine et 7,5 % pour l'Inde et l'Indonésie. L'effet sur l'inflation sous-jacente dépend à la fois de l'impact direct de la diminution des prix du pétrole sur l'inflation globale et de la répercussion de ces prix sur les salaires et les autres prix. L'ampleur de cette répercussion dépend, à son tour, de la rigidité des salaires réels (la réaction des salaires nominaux ˆ l'inflation de l'IPC) et de l'ancrage des anticipations inflationnistes. En conjoncture normale, la politique monétaire réagirait à une baisse de l'inflation sous-jacente par une diminution plus que proportionnelle des taux d'intérêt nominaux, et donc par une baisse des taux d'intérêt réels. Il se trouve que la conjoncture n'est pas normale et que les principales économies avancées se heurtent à des taux d'intérêt nuls, abstraction faite de l'assouplissement quantitatif. Les Etats-Unis, qui s'apprêtent à abandonner ce plancher zéro, peuvent réagir à un repli de l'inflation en retardant ce retrait, mais la zone euro et le Japon, qui devraient maintenir durablement des taux nuls, ne peuvent pas décliner sensiblement leur politique monétaire classique. Nos simulations tiennent compte, dans toute la mesure du possible, de ces différences d'intensité énergétique, de part de production pétrolière intérieure et de contrainte de politique monétaire. Nous supposons que les anticipations inflationnistes sont ancrées de manière comparable aux Etats-Unis, dans la zone euro et au Japon, d'où une transmission d'environ 0,2, à savoir une baisse de l'inflation sous-jacente de 0,2 point de pourcentage lorsque l'inflation globale diminue d'un point de pourcentage. Les répercussions sur le PIB sont indiquées au graphique 8 pour la première des deux simulations décrites plus haut. Dans les deux scénarios, l'effet sur la Chine est plus important que sur le Japon, les Etats-Unis et la zone euro. Dans le cas de la Chine, le PIB dépasse de 0,4-0,7 % le scénario de référence en 2015, et de 0,5-0,9 % en 2016. S'agissant des Etats-Unis, le PIB augmente de 0,2-0,5 % en 2015, et de 0,3-0,6 % en 2016 (les hypothèses de simulation ne tiennent pas compte de l'effet compensatoire potentiel de certaines politiques pouvant être engagées suite ˆ la chute des cours du pétrole; par exemple, la Chine pourrait décider de durcir sa politique monétaire ou sa politique budgétaire). D'autres effets pertinents n'entrent pas en ligne de compte dans nos simulations.On citera notamment : La dépréciation du yen et de l'euro depuis juin (de 14 et 8 %, respectivement, essentiellement pour des raisons étrangères au repli des cours du brut) suppose que la baisse des prix du pétrole dans ces monnaies a été plus faible que celle des prix en dollars, concrètement 36 et 40 %, respectivement. Ces dépréciations ont pour effet d'amortir quelque peu l'impact de la chute des cours pour le Japon et la zone euro par rapport ˆ nos simulations. Dans les pays à forte fiscalité spécifique — par opposition à proportionnelle — sur les produits énergétiques (c'est-à-dire prélevant un montant fixe par volume), un pourcentage donné de réduction du prix mondial du brut se traduit par un pourcentage de réduction plus faible du prix payé par les entreprises et les consommateurs. Les pays peuvent par ailleurs saisir l'occasion d'un repli des cours pour réduire les subventions — initiative recommandée de manière générale par le FMI —, ce qui se traduirait également par une moindre diminution des prix pour les entreprises et les consommateurs. Certains pays importateurs sont fortement tributaires de la situation des pays exportateurs et donc pourraient profiter moins de la baisse des cours du brut.