La Tunisie attendait lundi les résultats officiels des législatives, alors que le grand parti séculier Nidaa Tounès annonçait être en tête face aux islamistes d'Ennahda à l'issue de ce scrutin-clé pour le berceau du printemps arabe. L'instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) pouvait annoncer de premiers résultats partiels dans la journée, mais elle a jusqu'au 30 octobre pour prononcer son verdict définitif sur la composition du parlement tunisien et ses 217 députés élus à la proportionnelle. Elle a par ailleurs annoncé un taux de participation encore provisoire de 61,8%, soit environ 3,1 millions d'électeurs. Ce chiffre est en forte baisse par rapport à l'élection en 2011 de la Constituante, remportée par les islamistes, et lors de laquelle 4,3 millions de Tunisiens avaient voté. Le président de l'ISIE, Chafik Sarsar, s'est néanmoins déclaré «très satisfait» par ce taux de participation après une campagne atone qui a illustré le désenchantement de nombreux Tunisiens. Dans ce contexte, «il n'y a pas lieu de pavoiser. Mais on peut considérer malgré tout que nous sommes à des niveaux respectables», soulignait lundi La Presse, le principal quotidien francophone. Le parti séculier Nidaa Tounès, une formation hétéroclite regroupant aussi bien des figures de gauche, de centre-droit que des caciques du régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de 2011, ne cachait pas être confiant en la victoire.Sa page officielle sur Facebook est d'ailleurs désormais barrée d'un «Nous avons gagné, vive la Tunisie». Son chef Béji Caïd Essebsi, âgé de 87 ans, a dès dimanche soir déclaré disposer «d'indicateurs positifs» plaçant son parti «en tête». Des sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote, cités par les médias tunisiens, confirmaient cette tendance. M. Essebsi, vétéran de la vie politique tunisienne, a été Premier ministre après la révolution de janvier 2011. Précédemment il avait aussi bien servi Habib Bourguiba, le père de l'indépendance, que Ben Ali. Il est aussi le favori de la présidentielle du 23 novembre à laquelle Ennahda ne présente pas de candidats. Confiance en la démocratie «Quelque soit le premier, Nidaa ou Ennahda, l'essentiel est que la Tunisie a besoin d'un gouvernement de coalition nationale, d'une politique consensuelle. C'est cette politique qui a sauvé le pays de ce que traverse les autres pays du printemps arabe», a souligné dans la nuit de dimanche le chef d'Ennahda Rached Ghannouchi. «Il faut renforcer la confiance dans les institutions, la démocratie», a-t-il souligné sur la télévision Hannibal. Le mode de scrutin, qui tend à favoriser la représentation des petites formations, rend improbable qu'un parti obtienne une majorité absolue dans la nouvelle assemblée. La Tunisie a connu une année 2013 terrible marquée par l'essor de groupes jihadistes, les meurtres de deux opposants à Ennahda et une interminable crise politique. Finalement, à l'issue d'un long «dialogue national», les islamistes ont quitté le pouvoir, une nouvelle Constitution a été adoptée et les élections de fin 2014 organisées. La gestion du pays a été confiée dans l'intervalle à un cabinet apolitique. "Mission quasiment accomplie" Malgré les craintes de troubles, notamment d'attaques jihadistes, les élections se sont déroulées sans incident majeur sous l'oeil de quelque 80.000 policiers et militaires. Le quotidien La Presse a salué ce vote, la première élection d'une assemblée pérenne, près de quatre ans après la révolution. «La Tunisie a voté. L'opération électorale se poursuivra durant les semaines qui viennent pour le choix du président de la République. Mais, d'ores et déjà, on sait que, s'agissant de l'étape des législatives, la mission est quasiment accomplie: ce qui est considérable», selon lui. Les élections de cette année sont destinées à doter enfin la Tunisie d'institutions stables. Ces scrutins ont pris deux ans de retard, sur fond de crises politiques, de batailles politiciennes et de flambées de violences. Mais aux yeux de la communauté internationale et des dirigeants tunisiens, le pays reste un espoir de réussite de transition démocratique, alors que l'essentiel des pays du printemps arabe ont basculé dans le chaos ou la répression.