Un an après avoir élu l'Assemblée nationale constituante, la classe politique tunisienne semble toujours à la croisée des chemins. La nouvelle Constitution n'a toujours pas vu le jour et les tensions entre certains partis politiques font planer l'incertitude sur la transition. Des Tunisiens lors d'une manifestation lundi à Tunis. La Tunisie a fêté hier l'anniversaire de ses premières élections libres dans un contexte particulier marqué de tensions et d'incertitude dues à la montée de violences et au retard pris par l'Assemblée nationale constituante (ANC) dans la rédaction de la nouvelle Constitution. Le 23 octobre 2011, les Tunisiens, pour la première fois en plus de décennies, se rendaient aux urnes pour voter librement. Un an déjà de chemin parcouru par cette jeune démocratie naissante. La classe politique est dans l'ensemble d'accord pour qualifier d'historique le 23 octobre 2012, date du premier anniversaire de l'Assemblée Nationale Constituante(ANC) dont l'élection a consacré la révolution de janvier 2011 , qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite. Cependant, de profondes divergences rongent la nouvelle classe politique, qui n'arrive toujours pas à parler d'une seule voix. Signe de cette mésintelligence: aucune manifestation commune n'a été organisée hier, chacun des partis préférant mener la célébration à sa façon. Depuis des mois la coalition au pouvoir, dirigée par les islamistes d'Ennahda, et l'opposition s'affrontent et se provoquent, de crise en crise, sur l'essentiel des dossiers soumis à l'ANC. Cette situation a cristallisé les tensions au sein de la société. Dernier épisode en date, la mort à Tataouine (sud) d'un représentant du parti Nidaa Tounès, dirigé par l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi, lors d'affrontements avec des manifestants jugés proches d'Ennahda. Légitimité contestée L'Assemblée Nationale Constituante a entamé hier l'examen en séance publique de la nouvelle constitution. Le mouvement d'opposition a dénoncé un « assassinat politique prémédité », le premier depuis la révolution, alors que les islamistes ont rejeté la responsabilité des violences sur le parti de la victime. Un autre signe palpable de cette tension au sein de la classe politique: Ennahda, le parti qui domine l'ANC, et le parti du président tunisien Moncef Marzouki, ont boycotté les assises organisées la semaine dernière par l'UGTT, la principale centrale syndicale, qui tente de recoller les morceaux. La fracture au sein de la classe politique se traduit notamment par les frictions entre les islamistes d'Ennahda et le parti Nidaa Tounès de Béji Caïd Essebsi, accusé de vouloir faire redonner vie aux caciques de l'ancien régime. Cette tension va plus loin car Nidaa Tounès réclame la démission du gouvernement actuel piloté par Ennahda sous prétexte que la date 23 octobre 2012 marque la fin de sa légitimité. C'est donc une guéguerre dont on ignore encore l'issue. « Le processus démocratique s'est arrêté. La légitimité électorale prendra fin le 23 octobre », martelait déjà Béji Caïd Essebsi depuis fin septembre, appelant à la formation d'un gouvernement d'union nationale essentiellement composé de personnalités indépendantes. Et ces propos semblent avoir des échos au sein de la classe politique puisque la soixantaine d'organisations présentes au Parlement ont rejeté la proposition du pouvoir d'organiser des élections générales le 23 juin 2013. La société civile prise en otage Ce climat politique délétère ne manque pas d'engendrer des manifestations. Lundi, environ 5000 militants de l'opposition laïque ont défilé sur l'avenue Bourguiba dans le centre de Tunis pour protester contre la violence politique et religieuse en accusant les islamistes au pouvoir de menacer la transition démocratique. « La violence se répand et le gouvernement ne bouge pas. C'est une menace grave contre la transition démocratique en Tunisie », a déclaré Ahmed Ibrahim, chef du parti laïque Al Massar. L'ONG Human Rights Watch a, de son côté, estimé dans un rapport paru il y a deux semaines que les autorités tunisiennes ne poursuivaient pas suffisamment les agressions commises par des extrémistes islamistes. À l'issue d'une rencontre, lundi, le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, et le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abassi ont souligné la nécessité de parvenir à un consensus autour des questions préoccupantes: l'élaboration de la Constitution, la nature du régime politique. Le Parlement a, dans ce sens, amorcé hier l'examen en séance publique de la Constitution. * Tweet * *