Depuis plus de deux décennies, deux voix dominent le marché de la publicité au Maroc. On entend souvent ces deux voix faisant la promotion d'un produit ou mettant en garde les citoyens contre une éventuelle dérive. Ce sont celles d'Abdelkader Moutaa et d'Abdelaadim Chenaoui, deux comédiens issus du théâtre avant de faire carrière à la télévision et au cinéma. Cette semaine, nous dressons le portrait de Chenaoui en revenant sur celui de Moutaa la semaine prochaine. Abdelaadim Chenaoui constitue à lui seul une véritable école. C'est grâce à lui que de nombreux acteurs ont pu franchir les premiers pas vers le professionnalisme. Il fait lui-même partie de la deuxième génération des comédiens qui s'est déployée juste après l'indépendance. Polyvalent, on le retrouve sur scène et derrière le rideau; devant et derrière la caméra. Abdellaadim Chenaoui est né à Casablanca le 6 février 1939. Et pourtant il n'est trahi ni par son physique, svelte et droit, ni par sa voix, douce et limpide, campant le plus souvent des rôles très en-deçà de son âge réel, qu'il ne fait pas. En 1954, il intégra "La maison de l'actorat" où il étudia jusqu'en 1956 sous la direction d'André Voisin, celui qui a formé la plupart des acteurs de cette génération. Sitôt diplômé, il part en Egypte pour étudier le cinéma en Egypte. En 1962, il est lauréat de l'Institut des arts cinématographiques du Caire en tant que réalisateur attitré de films. Rentré au Maroc, il ne sera nullement destiné au cinéma. Il créa plutôt une troupe de théâtre dont le nom est inspiré de son séjour en Egypte "Al Oukhoua Al Arabia" (La fraternité arabe), des mots qui pèsent lourds dans les discours politiques de l'époque. Cette troupe va marquer l'histoire du théâtre au Maroc car elle s'érigea vite en école de formation pour les jeunes acteurs, une pépinière de talents que Chenaoui va dénicher avec habileté. La troupe va s'avérer particulièrement prolifique à Casablanca grâce à ses jeunes acteurs de noms Salaheddine Benmoussa, Mustapha Jamaleddine plus connu sous le nom de Mustapha Zaari, Mohamed Majd, Abdellatif Hilal, Bachir Skirej, Mustapha Dassoukine, Touria Jabrane, Aid Mouhoub, Abdelkader Lotfi. Elle sera renforcée par des comédiens devenus tous célèbres notamment Ahmed Snoussi, Mohamed Benbrahim, Noureddine Bikr, Naima Bouhmala, Khadija Moujahid, Souad Saber. Tous doivent leurs premières expériences professionnelles à Abdelaadim Chenaoui. La troupe présenta un répertoire riche et diversifié dont la première pièce fut "L'insouciant" écrite par Chenaoui lui-même et suivie par "Le désarroi", "Le miroir brisé", "L'inconnu". Ses productions vont s'élargir à la télévision avec des titres comme "Samson et Dalila", "Django et Ringo", "L'accouchement", "Poisson d'avril". Cependant, malgré ce dynamisme et ce succès, et faute de moyens, la troupe cessa ses activités en 1977, date à laquelle Chenaoui déménagea à Tanger. En 1980, avec le démarrage de Médi 1, Chenaoui fut l'un des premiers à intégrer cette chaîne, en produisant, réalisant et animant plusieurs émissions culturelles et artistiques. Fort de sa voix imposante et sure, Chenaoui ne pouvait que fasciner ses auditeurs et les intéresser au monde de la culture et de l'art qu'il forgea des décennies durant. C'est à sa voix que la publicité va s'intéresser particulièrement. Il va se partager le marché local avec une autre voix toute aussi singulière, celle d'Abdelkader Moutaa. Que de produits portent leurs marques respectives. Bénéficiant d'une grande audience, Chenaoui est sollicité pour animer une émission de jeux à "2M" intitulée "Ta chance ce soir" (Hadouka hada liaoum). Il a fallu deux années pour mettre au point cette émission. Une enquête préliminaire avait démontré que le public marocain avait besoin d'une émission de divertissement, riche de connaissances, adressée à toutes les couches sociales. Il fallait trouver un homme mûr, un père de famille et en même temps un animateur qui sache s'introduire sans choquer. C'est ainsi que le choix s'est porté sur Abdelaadim Chenaoui, un homme dans la force de l'âge (51 ans à l'époque), un "vieux" resté "jeune". D'autant plus que Chenaoui a une très longue expérience dans l'audiovisuel en général. Après 18 ans à "Médi 1", il refait carrière à la télévision. Un bel homme, moustachu, brun et à la voix chaude, on n'en trouve pas au coin de la rue. Sa vie est un véritable marathon qu'il poursuit avec le même souffle ou presque.