Vladimir Poutine s'est affiché en défenseur de l'Europe, de son indépendance, et en particulier de la France contre le «chantage» américain, lors d'un discours de politique étrangère qui a réaffirmé les ambitions de la Russie sur le continent. «La politique indépendante de la Russie ne plaît vraiment pas à ceux qui continuent de prétendre à un rôle exceptionnel. Les événements en Ukraine l'ont montré, comme ils ont montré que ce modèle de relations avec la Russie (...) ne fonctionne pas», a lancé, devant le corps diplomatique russe, le maître du Kremlin. Il réaffirmait ainsi, dans une allusion claire aux Etats-Unis, la rivalité revenue au galop ces derniers mois, au fil des crises syrienne puis ukrainienne, avec l'ancien adversaire de la guerre froide. Il a défendu le droit de la Russie de protéger ses intérêts géopolitiques en Ukraine, affirmant que si elle n'était pas intervenue dès mars en Crimée, les forces de l'Otan se seraient rapidement installées dans la péninsule où est historiquement basée la flotte russe de la mer Noire. «En définitive, tout ce pour quoi la Russie se battait depuis l'époque de Pierre-le-Grand, et même avant, aurait été effacé», a déclaré M. Poutine. La carte européenne de la Russie «J'espère que le pragmatisme va tout de même l'emporter, que les Occidentaux vont abandonner leurs ambitions (...), vont commencer à construire les relations sur un pied d'égalité, avec respect mutuel», a-t-il conclu. Mais tout en vantant l'»alliance russo-chinoise», scellée notamment par un gigantesque contrat gazier en juin, il a clairement joué la carte européenne contre les Etats-Unis. «De plus en plus de responsables politiques et économiques européens comprennent qu'on veut tout simplement utiliser l'Europe dans l'intérêt d'une partie tierce, qu'elle devient l'otage d'approches idéologiques et à courte vue», a déclaré M. Poutine. Sur la crise ukrainienne, dans laquelle la diplomatie russe dénonce depuis des semaines le rôle néfaste d'une tierce partie - les Etats-Unis -, il a évoqué à plusieurs reprises ses efforts «avec ses collègues européens» pour au contraire parvenir à la paix. Une distinction faite à dessein, selon Dimitri Trénine, de l'antenne russe du Centre Carnegie. Poutine «n'insiste plus sur le monde russe ou l'Eurasie, mais sur le rôle déstabilisateur des +faiseurs de démocratie+», autrement dit les Etats-Unis, estime Dmitri Trenine. «Il s'agit de fissurer l'alliance entre l'Europe et les Etats-Unis», ajoute-t-il. «Poutine espère que l'UE va cesser d'être l'écho de Washington, et va se mettre à parler de sa propre voix», estime lui aussi le politologue pro-Kremlin Sergueï Markov.