L'Algérie développe une réelle phobie à l'égard des mécanismes du Conseil des droits de l'Homme (CDH) et des ONG internationales, a affirmé vendredi le chargé d'affaires du Maroc à Genève, M. Hassane Boukili. Le diplomate s'exprimait lors d'un débat sur les situations qui retiennent l'attention du conseil, dans le cadre de son droit de réponse suite à une intervention de l'ambassadeur algérien qui a évoqué le Sahara marocain dans des termes politiques tendancieux. "La fixation sur le cas spécifique du Sahara marocain est une vaine fuite en avant de l'Algérie qui vise à détourner l'attention de ce conseil sur sa fermeture aux mécanismes onusiens des droits de l'homme et ses déficits internes en matière de respect des droits de l'Homme", a indiqué M. Boukili. Relevant que l'Algérie est le dernier pays à pouvoir donner des leçons à ses voisins en la matière, il a souligné que "la communauté internationale est parfaitement consciente de ses motivations politiques réelles et extra-droits-de-l'hommiste dans cette affaire". Il a, à cet égard, attiré l'attention du CDH sur les violations massives et systématiques des droits de l'Homme en Kabylie, à Ghardaya et dans les camps de Tindouf, une situation qui, a-t-il dit, "suscite notre profonde préoccupation en tant que membre de ce conseil". Dans ce contexte, le diplomate marocain a lancé un appel au conseil et ses procédures, ses Etats membres et les ONG internationales pour accorder une attention particulière aux violations des droits de l'Homme dans ces trois situations, tout en les maintenant comme point permanent dans leurs rapports sur l'Algérie, au sein et en dehors du conseil. L'Algérie, a-t-il dit, défie la communauté internationale en imposant un embargo total aux ONG internationales et aux mécanismes onusiens et en leur refusant un accès libre et sans entrave à son territoire afin d'enquêter sur les violations des droits de l'homme des minorités kabyles et mozabites et des populations des camps de Tindouf. Depuis les années 90, ce pays continue de refuser l'accès à dix procédures spéciales dont le rapporteur spécial sur la détention arbitraire, l'experte sur les droits culturels et le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI). "Seules cinq procédures spéciales ont pu avoir accès à l'Algérie, sur un total de 15 demandes de visites", a précisé M. Boukili. S'agissant des violations des droits de l'Homme en Algérie, Amnesty International vient d'appeler les autorités d'Alger, à l'instar de plusieurs autres ONG, à cesser de se dérober à l'examen de la situation des droits de l'homme sur son territoire. Il a aussi rappelé que l'Algérie a été condamnée en début de semaine par le Comité des droits de l'Homme de l'ONU dans le dossier des disparitions forcées. Ce comité a constaté que l'Etat algérien "a violé pour les 25ème et 26ème fois le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, particulièrement le droit à ne pas être torturé, le droit à ne pas être détenu arbitrairement, le droit à la personnalité juridique et le droit à ne pas subir d'immixtion illégale ou arbitraire du domicile". Pour sa part, l'ONG internationale Track Impunity Always (TRIAL) a déploré que l'Algérie, bien qu'elle ait été condamnée à plusieurs reprises par l'organe compétent de l'ONU, n'ait à ce jour entrepris aucune démarche pour mettre en œuvre ses obligations". L'Algérie compte une dizaine de milliers de disparus dont le sort n'a jamais été élucidé. S'agissant du Sahara marocain, a-t-il fait observer, les trois dimensions politique, humanitaire et des droits de l'Homme de ce différend régional confirment une seule vérité, à savoir l'implication directe d'Alger en tant que partie prenante dans le conflit. "L'Algérie qui a engagé ses troupes militaires au Sahara marocain ne peut pas être observateur. L'Algérie qui abrite sur son sol un groupe séparatiste armé dirigé contre le Maroc ne peut pas être observateur", a-t-il souligné. Le diplomate marocain a affirmé que ce pays n'est guère observateur dans le conflit du Sahara puisqu'il finance à longueur d'années des campagnes politiques et médiatiques hostiles au Maroc et se permet de rejeter la proposition d'autonomie pour cette région du Royaume. "Le seul statut qui pourrait traduire l'attitude de l'Algérie est celui de pays spectateur voire de protecteur des violations des droits de l'Homme dans les camps de Tindouf où elle a démissionné de ses responsabilités internationales et laissé les populations de ces camps à la merci de leurs tortionnaires", a-t-il expliqué. Il a dans ce contexte indiqué que ce pays qui sort de 20 ans d'état d'urgence et de 12 ans de guerre civile dévastatrice sur le plan des droits de l'Homme, devrait s'abstenir de critiquer ses voisins et commencer par se réconcilier avec lui-même, puis avec son passé. "Avant de critiquer les droits de l'Homme au Sahara marocain, l'Algérie doit d'abord s'assurer qu'elle accorde aux minorités kabyles et mozabites au moins les mêmes droits que le Royaume accorde aux populations du Sahara", a-t-il fait valoir. S'agissant des violations des droits de l'Homme dans les camps de Tindouf, M. Boukili a informé le CDH du fait que ces campements connaissent depuis des semaines un mouvement de révolte sans précédent contre la direction du polisario, accusée de commettre des actes d'injustice, de corruption, de viol de femmes sahraouies et d'enrichissement illicite aux dépens des souffrances des populations. Le mouvement des jeunes pour le changement, qui prend chaque jour de l'ampleur, conteste la légitimité et la représentativité du polisario, rejette son diktat et dénonce le climat de terreur, d'intimidation et de représailles qui règne dans les camps. Il a dans ce cadre noté que la vague d'arrestations et d'intimidation dirigée contre ce mouvement "confirme le caractère stalinien et de pensée unique du polisario rejetant toute opinion dissidente au sein des camps". C'est la même répression dont sont victimes les cadres du mouvement dissident Khatt Chahid, Mustafa Salma Ould Sidi Mouloud, ex-chef de police du polisario, ainsi que Allal Najem, poète et rappeur sahraoui, a-t-il relevé. Le diplomate a affirmé qu'en plus de sa phobie à l'égard des mécanismes onusiens des droits de l'Homme, l'Algérie développe une schizophrénie avancée concernant les droits de l'Homme qu'elle revendique au Sahara marocain et transgresse chez elle". Bien plus, a-t-il signalé, "l'Algérie en donne la pire des pratiques chez elle". A ce titre, le diplomate a souligné que le peuple algérien "s'est autodéterminé à travers les urnes en 1991. Résultat: plus de 250.000 morts et des dizaines de milliers de disparus". "Le peuple kabyle revendique toujours son autodétermination et dénonce l'occupation de son territoire par l'Algérie. Résultat: répression féroce des manifestations pacifiques des kabyles et de leurs activistes qui ont élu leur gouvernement en exil à l'étranger", a-t-il poursuivi. De même, a ajouté M. Boukili, "les populations des camps qui veulent s'autodéterminer en fuyant les camps vers le Maroc sont la cible des tirs des militaires algériens". "C'est là la pratique algérienne en matière d'autodétermination", a-t-il conclu.