L'Ukraine était engagée lundi dans des négociations tous azimuts avec la Russie pour tenter de mettre fin à la sanglante rébellion prorusse dans l'Est et éviter une coupure du gaz russe redoutée des Européens. Des pourparlers sur l'épineuse question du gaz sont prévus à 17H00 GMT à Bruxelles. Moscou a prévenu: si Kiev ne règle pas sa dette gazière de plusieurs milliards de dollars et ses approvisionnements de juin avant mardi soir, Gazprom coupera ses livraisons, ce qui perturberait l'approvisionnement en Europe. Les Ukrainiens rejettent de leur côté le prix fixé par la Russie après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement pro-occidental fin février, le tarif le plus élevé appliqué à un pays européen. Trois jours après son bref entretien avec Vladimir Poutine en France qui a créé un espoir de désescalade, deux jours après son investiture, le nouveau président Petro Porochenko semble vouloir apaiser rapidement les liens avec Moscou et s'est donné une semaine pour obtenir un retour au calme dans l'Est. Il a lancé dès dimanche des négociations à Kiev, pour la première fois depuis la chute fin février de son prédécesseur prorusse Viktor Ianoukovitch dans un bain de sang et l'annexion de la Crimée en mars. Ces négociations, avec l'ambassadeur de Russie Mikhaïl Zourabov, doivent se tenir quotidiennement le temps qu'une solution soit trouvée. Les gardes-frontières attaqués Le temps presse: l'insurrection dans l'Est industriel et russophone du pays gagne du terrain en dépit de l'offensive lancée il y a près de deux mois par les forces ukrainiennes pour y mettre fin. Des heurts fréquents interviennent dans les régions de Donetsk et Lougansk. Les séparatistes ont en outre pris le contrôle d'une partie de la frontière avec la Russie, un revers pour Kiev qui ne cesse de dénoncer l'afflux d'armes et de combattants en provenance du territoire russe. Les gardes-frontières ont affirmé avoir repoussé dans la nuit de dimanche à lundi un nouvel assaut à l'arme lourde au poste d'Izvarino. Au total, les combats ont déjà fait plus de 200 morts, rebelles, soldats ukrainiens ou civils et les médias ukrainiens ont fait état ces derniers jours d'intenses combats dans le bastion prorusse de Slaviansk. Le responsable des droits des enfants auprès du Kremlin, Pavel Astakhov, a affirmé qu'une fillette de quatre ans avait trouvé la mort lors des affrontements dans cette ville au nord de Donetsk. «Du sang innocent sur les mains du nouveau président ukrainien», a-t-il lancé sur son compte Twitter. En revanche, deux journalistes russes de la chaîne de télévision militaire Zvezda, interpellés vendredi et soupçonnés d'avoir effectué une mission de renseignement, ont été libérés. «Nous devons mettre fin aux tirs cette semaine», a déclaré M. Porochenko en lançant les pourparlers dimanche à Kiev. «Chaque jour pendant lequel des gens meurent (...) est inacceptable». Lors de son investiture, le milliardaire de 48 ans s'est adressé en russe aux habitants de l'Est et leur a promis de ne pas les abandonner. Il s'est montré en revanche inflexible sur l'orientation européenne de son pays et l'appartenance à l'Ukraine de la Crimée, rattachée en mars à la Russie après un référendum jugé illégal par les Occidentaux. Les négociations à Kiev réunissent l'ambassadeur russe Zourabov, tout juste revenu dans la capitale ukrainienne après été rappelé plusieurs mois à Moscou, l'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne, Pavlo Klimkine, et une représentante de l'OSCE, Heidi Tagliavini. Réunion décisive à Bruxelles La tenue de ces discussions a été décidée vendredi lors du bref entretien entre Petro Porochenko et Vladimir Poutine en marge des commémorations du Débarquement en Normandie. Cette rencontre, ainsi que celle entre M. Poutine et Barack Obama, ont créé des espoirs de détente dans la pire crise que traversent les relations entre Moscou et l'Occident depuis la Guerre froide. Le président russe, qui a toujours jugé illégitimes les autorités de transition prooccidentales au pouvoir à Kiev depuis fin février et n'a pas reconnu officiellement l'élection de Petro Porochenko, a qualifié de «juste» l'approche du président ukrainien. Il a également affirmé qu'un accord était proche dans le conflit gazier qui opposent les deux pays. A Bruxelles, les négociations doivent réunir le commissaire européen chargé de l'Energie Günther Öttinger, les ministres russe et ukrainien de l'Energie et les patrons des compagnies russe Gazprom et ukrainienne Naftogaz. «Il est hautement probable qu'il s'agisse de la rencontre finale», a indiqué une source russe au journal russe Vedomosti. Selon le quotiden, Naftogaz, qui a déjà réglé il y a une semaine 786 millions de dollars, pourrait verser un milliard de dollars dès lundi et s'engager sur un calendrier de règlement pour le reste dans les jours à venir. Les analystes s'attendent à voir Gazprom reculer sur le prix et accorder une remise à l'Ukraine. En cas de perturbations du transit vers l'Europe à l'automne prochain, «le manque à gagner serait plus douloureux que si les Ukrainiens ne paient pas», a confié une source proche de Gazprom à Vedomosti. Le dossier énergétique empoisonne les relations entre Moscou et l'UE, qui vient d'obtenir de la Bulgarie qu'elle interrompe les travaux de construction de South Stream, un projet de gazoduc porté par la Russie et censé transporter à partir de fin 2015 le gaz russe vers l'Europe en évitant l'Ukraine.