Le cinéma n'évolue pas qu'avec des héros. Durant chaque étape de son Histoire, apparurent des affreux, sales et méchants dont la présence à l'écran n'a pour but que de faire valoir davantage nos héros. Sans eux et sans les conflits qu'ils engendrent, ces héros ne seraient que de simples humains vivant paisiblement leurs temps. Le cinéma est l'illustration des conflits, est maladroit le scénariste qui n'établit pas son scénario à la base d'un conflit. C'est ce qui permet l'adhésion des spectateurs enthousiasmés par les luttes de tout genre comme par le dénouement de l'intrigue au centre de laquelle se trouvent et le héros et le méchant à punir en tout cas. Depuis plus de cent ans, le cinéma policier, le western, le film d'horreur et d'aventures, le thriller comme le road movie, fonctionnent de la même manière. Seuls changent les protagonistes. Ces gueules de l'écran jaillissent à chaque période et chaque génération de spectateurs a eu droit à sa dose d'affreux, sales et méchants. De véreux individus sans scrupules au comportement abject, sans morale ni sentiments, mis en comparaison avec ces héros impeccables, généreusement humains, de haute morale et prêts à tout sacrifice. Tout est conçu pour permettre une identification avec nos héros de toujours, en chair et en os parfois même en machines savantes et intelligentes, au servie d'une morale infaillible. Le cinéma perdure en tant que spectacle grâce à la présence à l'écran d'énergumènes au statut social particulier décidés à affronter des justiciers entourés d'amour que seul le cinéma a su produire. De fait, on ne se souvient pas que de ces héros qui nous ont à maintes fois soulagés du mal. A force de taper en permanence sur les têtes des méchants, on a fini par retenir également leurs noms à jamais. Des biographies leurs ont été consacrées au même titre que les héros légendaires. Ainsi, la génération précédente avait vécu corps et âme avec Boris Karloff, Monsieur Frankenstein par excellence, érigé également en adversaire farouche dans de nombreux films. De même que son concurrent Lon Chaney, acteur de père en fils, de physique singulier à faire trembler un large public. La génération qui suit s'est surtout familiarisée avec des gueules aux traits particuliers. Lee Marvin comme son compatriote Lee Van Cleef, unis pour une ultime fois sous la direction de John Ford (L'homme qui tua liberty Valence), ont traversé toute une partie de l'histoire du cinéma en méchants véreux sans scrupule. Aujourd'hui, ils font partie des légendes de l'écran au grand dam des héros habituels. Aussi aucune gueule n'équivalait celle de Gordon Mitchell, pourtant acteur au cœur tendre mais ridiculisé à jamais et par les cinéastes et par les héros en pacotille. Sa seule présence suffisait à insuffler au film un air de conflit sans véritable raison. Dans toute l'Europe, rarement on a pu déceler des gueules aussi odieuses que celles des Allemands Gert Frob ou Klaus Kinsky, dont la célébrité, en tant que méchants sans merci, a traversé les frontières. Leurs présence sur les plateaux américains, français, britanniques ou italiens relèvent du naturel cinématographique même avec des gueules extra-naturelles.