Les Syriens votaient mardi pour la présidentielle controversée organisée dans les régions sous contrôle du régime dans le pays en guerre, un scrutin gagné d'avance pour Bachar al-Assad et dénoncé par ses adversaires comme une «farce». M. Assad, 48 ans, qui a maintes fois dit sa détermination à en finir avec les rebelles assimilés à des «terroristes», Dans le camp adverse, rebelles et militants ont parlé d'»élection du sang» et leur allié américain d'»imposture», alors que la guerre a fait en trois ans plus de 162.000 morts, déraciné quelque neuf millions de personnes et laissé le pays en ruines. Dès l'ouverture des bureaux de vote à 07H00 locales (04H00 GMT), de longues files d'attente se sont formées notamment à Damas et à Homs (centre), où les rues sont placardées d'affiches à la gloire de M. Assad, au pouvoir depuis 2000. Deux autres candidats Hassan al-Nouri et Maher al-Hajjar, qui servent de faire-valoir à M. Assad, ont eux aussi voté dans la capitale survolée intensément par l'armée de l'air et où l'on entendait le bruit des bombardements et des explosions en provenance de zones proches en proie aux combats. Mobilisées, les télévisions d'Etat montraient des images d'une forte affluence de votants qui, dans leur majorité, ne prenaient pas la peine de se rendre dans l'isoloir et cochaient devant les caméras la case sous la photo de M. Assad avant de déposer leur bulletin dans l'urne. «J'ai voté pour le président, naturellement», affirme Nadia Hazim, 40 ans, dans un bureau à Damas. Comme d'autres, Hind al-Homsi, 46 ans, s'est même fait une petite coupure au doigt pour «voter avec son sang pour le président qui est le meilleur». ‘Elections de sang' Dans la ville de Homs (centre), prise par le régime début mai, les membres de la sécurité sont déployés en force, les voitures sont fouillées minutieusement et autobus ou camions bloquent des rues pour prévenir d'éventuels attentats. «Nous votons pour montrer au monde entier que c'est le peuple qui choisit son chef», affirme Saleh Ali Mayyassa, 50 ans. Sur la centaine de personnes qui y ont voté, tous ont choisi Bachar al-Assad, pour un troisième mandat de 7 ans. Dans Alep, la métropole du Nord divisée en secteurs pro et anti-régime, il y avait aussi une grande affluence, selon la télévision d'Etat. «Nous espérons que cette journée s'écoulera sans victimes», a dit le gouverneur Wahid Akkad. Plus de 15 millions de Syriens sont appelés aux urnes et le vote supervisé par des observateurs iraniens, russes et même nord-coréens, devra s'achever à 16H00 GMT. Il pourra être prolongé si besoin alors qu'aucune indication n'a été donnée sur la date des résultats. Le régime contrôle 40% du territoire, selon le géographe spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche. Alors que les combats et bombardements continuent de faire rage, avec des raids près de Damas, à Alep et à Idleb (nord-ouest), les insurgés, l'opposition et leurs alliés arabes et occidentaux assistent incrédules au maintien au pouvoir de M. Assad. «Parallèlement aux élections de sang, les forces d'Assad bombardent violemment Daraya avec des barils d'explosifs», a indiqué Mohannad, un militant de cette localité proche de Damas, dans un communiqué. «Assad tente de se redonner une légitimité et d'atténuer son image de criminel de guerre. Les Syriens ne le haïront que davantage», ont affirmé les comités de coordination locales, réseau de militants sur le terrain. ‘Mise en scène' A la tête d'une armée restée soudée autour du régime malgré les défections, M. Assad est aussi fort des soutiens russe et iranien, ses principaux alliés, et de l'aide précieuse des combattants aguerris du Hezbollah libanais et de supplétifs syriens et étrangers. C'est avec leur aide qu'il a réussi des avancées ces derniers mois face aux rebelles. En théorie, il s'agit de la première élection en Syrie depuis un demi-siècle, Bachar al-Assad et avant lui son père Hafez ayant été désignés par référendum, mais elle est organisée en vertu d'une loi excluant de facto toute candidature dissidente. Le clan Assad dirige le pays d'une main de fer depuis plus de 40 ans. Pour Noah Bonsey, de l'International Crisis Group (ICG), la présidentielle «ne changera pas la donne» si ce n'est de faire perdurer le conflit. «Cette mise en scène n'influera guère sur les positions» des protagonistes. Le conflit a débuté en mars 2011 par une contestation pacifique dans le sillage du Printemps arabe. Violemment réprimée, elle s'est transformée en une révolte avant de devenir une guerre complexe avec également des combats entre rebelles et jihadistes.