Le procès du guide suprême des Frères musulmans égyptiens, Mohamed Badie, et de 682 membres de la confrérie, accusés de meurtre et incitation à la violence, s'est ouvert mardi devant le même tribunal qui a condamné à mort lundi 529 islamistes, ont annoncé leurs avocats. Des manifestations ont éclaté après l'ouverture du procès, notamment à Minya, la ville de Moyenne-Egypte où se déroulent les audiences, et à Alexandrie, la deuxième ville du pays, où la police a utilisé du gaz lacrymogène et des tirs de sommation à balles réelles pour repousser des centaines de protestataires. Les condamnations à mort prononcées lundi, à l'issue d'un procès expédié en moins de 48 heures pendant lequel la défense n'a pas eu droit à la parole, ont suscité une avalanche de critiques de la part des organisations de défense des droits de l'homme et des pays occidentaux. «Imposer la peine de mort à 529 accusés à l'issue d'un procès de deux jours serait extravagant», a déclaré mardi la porte-parole du département d'Etat Marie Harf, ajoutant que les Etats-Unis étaient actuellement lancés dans une réflexion sur leur politique d'aide à l'égard de l'Egypte. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a pour sa part jugé que ce verdict violait les lois internationales en ignorant les «bases élémentaires d'un procès équitable». «Hier, la peine de mort a été prononcée pour la crédibilité et l'indépendance du système judiciaire criminel égyptien», a estimé de son côté Nicholas Piachaud d'Amnesty International. «Il y a peu d'espoir que les 683 personnes jugées dans ce nouveau procès bénéficient de procédures équitables devant un juge qui a prononcé des peines de mort avec autant de facilité», a-t-il ajouté. Un responsable du ministère égyptien de la Justice, Abdel Athim al Achari, a défendu le verdict en expliquant dans un communiqué que la séparation des pouvoirs est la base de tout système démocratique. Au-delà des critiques verbales, les pays occidentaux sont peu enclins à faire pression sur l'Egypte, un pays stratégique en raison du canal de Suez et du traité de paix avec Israël, malgré la dérive autoritaire du pouvoir contrôlé par l'armée et son chef, le maréchal Abdel Fattah al Sissi, depuis le renversement en juillet du premier président librement élu de l'histoire du pays, l'islamiste Mohamed Morsi. Outre les milliers de partisans des Frères musulmans tués ou arrêtés par les forces de sécurité, des dizaines de journalistes et d'opposants libéraux, notamment des jeunes activistes pro-démocratie qui avaient été à l'origine du soulèvement contre Hosni Moubarak en 2011, ont été jetés en prison ces derniers mois dans un climat tendu par des vagues d'attentats visant la police et l'armée. Les avocats de la défense ont boycotté l'audience de mardi en accusant le juge de refuser de leur accorder la parole et seuls 60 des accusés étaient présents. Les journalistes n'ont pas été autorisés à entrer dans le tribunal. Un régime acculé qui veut faire un exemple En tout, 77 des accusés sont actuellement derrière les barreaux, les autres ayant été libérés sous caution ou n'ayant pas été arrêtés. Comme les 529 personnes condamnées à mort lundi, ils sont poursuivis pour les violences qui avaient éclaté dans la région de Minya après la dispersion des campements pro-Morsi en août au Caire, où des centaines de partisans des Frères musulmans avaient été tués. Un policier avait trouvé la mort à Minya. Selon un politologue et spécialiste du monde arabe, Riadh Sidaoui, les récentes condamnations à mort massives sont la réponse, brutale, du régime pour tenter de stabiliser le pays... pour lui, L'Etat égyptien est aujourd'hui dans une situation extrêmement précaire. Or cela fait trois ans que le pays a perdu ses touristes, son pétrole. Il ne peut pas se permettre de ne rien faire face à ça. Dans un entretien paru sur « 20.minutes.fr », Riadh Sidaoui orécise que la situation en Egypte est très fragile et que les germes du terrorisme sont semés, d'où l'appréhension d'un scénario algérien mais sans le petrole. D'où l'affolement des autorités et l'armée qui ont choisi de réagir rapidement et de façon brutale, pour combattre le terrorisme et surtout stabiliser le pays. Elles souhaitent aujourd'hui faire un exemple pour intimider ceux qui menacent la stabilité de l'Etat. Toutefois, ajoute le politologue, les problèmes politiques ne se résolvent pas par la justice ou par des exécutions, mais seulement de façon politique et par le dialogue. La porte des négociations doit toujours être ouverte.