A Alger, le temps semble s'être suspendu, toutes les oreilles tendues vers le palais El Mouradia... L'attente suscite une tension qui aiguise encore plus l'attention... Va-t-il ramasser ses affaires et enfin quitter ou va-t-il encore chercher à rempiler ? Depuis son retour d'hospitalisation au Val-de Grâce à Paris, où le contribuable algérien semblerait ne pas avoir encore réglé quelques unes de ses factures cumulées, Abdelaziz Bouteflika s'est enfoncé dans un silence de momie... Le vieux FLN, puis le tout nouveau parti TAJ, ainsi que le RND et le syndicat UGTA ont bel et bien appelé de tous leurs vœux l'ancien chef de la diplomatie algérienne à se présenter (encore) aux élections présidentielles prévue pour le 17 avril, afin de « préserver les acquis de l'Algérie réalisés sous sa direction dans les domaines politique et socio-économique », explique Abdelkader Bensalah, le secrétaire général du RND, et «poursuivre la marche». Mais voilà, Abdelaziz Bouteflika avait déclaré qu'il laisserait la place aux jeunes, qu'il était déjà assez âgé. Sauf si... ils insistaient un peu plus... Amar Saadani, le secrétaire général du FLN, très contesté dans les rangs de son propre parti, devrait veiller à ce que les appels à la candidature du président sortant, mais peut être restant jusqu'à ce que l'horloge biologique règle la question, soit plus «insistants». Il a donné mission aux notables de son parti de collecter le maximum de signatures soutenant la candidature de Abdelaziz Bouteflika. Et pas seulement celles d'élus, mais également celles de simples citoyens. Tous pour Abdelaziz Bouteflika ! L'avenir de l'Algérie sur une chaise roulante... Il faut vraiment le voir sur une chaîne de télévision algérienne pour y croire. Pour Abdelmalek Sellal, le premier ministre du pays voisin, «il n'y a que Dieu qui tient des jumelles et nous observe individuellement et tient la "comtabiliti" (en français dans le discours) et après il y a le président et le gouvernement» ! Pauvres voisins de l'est... Bien sûr, c'est la «joie» débordante de l'autre côté de l'Oued Isly. Les internautes algériens ne cachent pas leur «bonheur» sur les réseaux sociaux et autres forums depuis l'annonce presque officielle de cette candidature. Certains y voient le scénario de la prochaine saison de la série TV américaine à succès «Walking Dead» (Les morts vivants). D'autres craignent que si Bouteflika s'estime apte à présider aux destinées de l'Algérie pendant cinq autres années, le célèbre roi de la Numidie antique, Massinissa, risque de sortir de sa tombe et réclamer également le droit de gouverner plus longtemps. A propos d'amazighe, les habitants de la commune de Ghardaiai, dans la vallée du Mzab, à 600 Kms au sud d'Alger, semblent avoir des soucis bien plus pressants que le résultat des prochaines élections présidentielles. La situation y demeure tendue entre les amazighs Mozabites et les arabes Chaâmbas, après les récents affrontements inter-ethniques qui auraient coûté la vie à deux personnes déjà. Même le déploiement de 3.000 agents des forces de l'ordre pour ramener le calme dans cette région a constitué motif de division. Les éléments de la police, accusée de partialité, ne surveillent que les quartiers arabes, les quartiers mozabites étant sous le contrôle de la gendarmerie. Faute d'hommes politiques capables de faire privilégier le dialogue à la confrontation, il serait même question de construire un mur de séparation à Ghardaia entre les deux communautés opposées ! Le Berlin de la guerre froide dans la chaleur du sud algérien... Le parti amazeghiste RCD a déclaré boycotter le scrutin présidentiel du 17 avril et le président du gouvernement provisoire kabyle a demandé au secrétaire général des Nations Unies d'envoyer des casques bleus à Ghardaia pour y protéger les Mozabites qui seraient réprimés. Ironie du sort, la solution autonomiste pour la Kabylie semble prendre de plus en plus de consistance dans le pays voisin de l'est. Où s'arrête la foi du régime des caporaux en le droit des populations algériennes à disposer de leur propre destin ? Juste au choix de Bouteflika comme occupant d'El Mouradia pour la quatrième fois ? A Alger, l'Histoire s'est figée, résultat d'une volonté politique délibérée de rester hors du temps. En attendant que leur pays se synchronise à nouveau avec le mouvement de rotation de la Terre, un nombre croissant de jeunes algériens ont envie de chanter avec Enrico Macias «Adieu mon pays»...