Dans toutes les permanences des partis algériens ayant des chances d'obtenir des sénateurs, l'heure est aux tractations de dernière minute. Le vote des grands électeurs, qui intervient trois mois avant la présidentielle algérienne, sera déterminant sur le futur débat politique dans le cadre de la campagne électorale en cours. Les observateurs font remarquer que «le débat sera en grande partie tranché en ce qui concerne la crise qui secoue le FLN et dont l'issue sera déterminante pour les résultats de la future présidentielle». Ils entendent par là, la rivalité qui oppose le président Bouteflika à son ancien chef de gouvernement et actuel secrétaire général du FLN. En effet, les tensions politiques en Algérie se sont aggravées ces derniers mois entre les deux hommes. Le FLN accuse Bouteflika d'essayer d'empêcher Benflis de se présenter à la présidentielle : « La guerre de tranchées que se livrent depuis des mois les deux tendances antagonistes du FLN s'emballe un peu plus, pour s'installer désormais dans une dialectique du tac-au-tac », commente le journal algérien «Liberté ». De son côté « l'expression » s'interroge « y a-t-il encore un Etat en Algérie ? » et annonce de sombres jours à une Algérie « fatiguée par les luttes fratricides qui promettent un véritable saut dans l'inconnu ». Le journal va même jusqu'à craindre pour « la sacro-sainte union nationale ». En effet, explique-t-il « l'antagonisme régional entre l'est et l'ouest du pays est tel qu'il se présente aux yeux de l'opinion publique à la faveur de ce bras de fer entre les partisans de Bouteflika et de Benflis pourrait être désastreux pour le camp des nationalistes, mais surtout pour l'Algérie entière ». Pour revenir aux sénatoriales, les dirigeants du mouvement de redressement, qui soutiennent un second mandat de Bouteflika, affichent une mine optimiste. Ils revendiquent plus de 3500 élus locaux sur les quelque 5200 que compte le FLN. Le mouvement que dirige Abdelaziz Belkhadem, indiquent des sources proches de lui, «espère obtenir 22 postes de sénateurs, dont une dizaine grâce aux alliances contractées avec les partis membres de la coalition gouvernementale». Le FLN légal, qui a préparé avec beaucoup de sérieux ce rendez-vous, affiche, lui aussi, une grande confiance quant à ses résultats. Le RND, compte lui bien garder ce qu'il appelle sa majorité, avec 35 sièges. De nombreuses alliances ont été contractées en ce sens, surtout avec les partis de la coalition, ainsi que les élus acquis du mouvement de redressement. Le parti de Ahmed Ouyahia est classé deuxième, après le FLN, en matière de nombre d'élus locaux. Il est donc en droit de se prétendre le nouveau leader sur la base du conflit qui divise en deux les rangs du premier parti du pays, le FLN. Les tractations de dernière minute se poursuivaient jusqu'au bout. La grande surprise peut également venir du mouvement al-Islah. Ce parti, est certain d'entrer au Sénat. Classé troisième en matière de nombre d'élus locaux, il peut lui aussi profiter de la crise du FLN, mais aussi des dissensions qui secouent les rangs du RND, pour créer la surprise. Mais pour le moment, ce mouvement, qui représente le principal courant islamiste agréé par l'Etat, depuis le recul du MSP et l'effondrement du mouvement Nahda, joue les modestes. Autre fait marquant de cette sénatoriale, nettement différente de celle qui l'avait précédée, le FFS, détenteur de deux sièges, va quitter officiellement le Sénat en appelant au boycott. La Kabylie, avec ce qui reste comme élus locaux représentés par le FLN et le RND ne votera pas, tel qu'indiqué par un communiqué rendu public hier par le ministère de l'Intérieur, cela en attendant la tenue de l'élection présidentielle. Ces dernières, de plus en plus incertaines, font que la région reste confinée dans son isolement. Le plus grave est le désemparement dont fait preuve la classe politique algérienne. Le message envoyé au FLN est clair : ou il soutient Bouteflika, ou il disparaît. Et, tous les moyens sont bons pour accréditer cette menace à peine cachée. Plus inquiétant encore, une nouvelle série d'émeutes et de manifestations pointent à l'horizon algérien, sur fond de contestation socioprofessionnelle généralisée. Le ras-le-bol semble toucher l'ensemble des Algériens. Enseignants, agriculteurs, lycéens, chômeurs ou lumpen prolétaires, les Algériens livrés à eux-mêmes ont systématiquement recours à la rue et aux barricades pour se faire entendre d'un pouvoir qui s'est enfermé dans des contradictions internes sans fin.