La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux a validé mardi l'expertise médicale qui est au coeur du volet abus de faiblesse de l'affaire Bettencourt et la totalité de la procédure, ont annoncé les parties civiles. Les douze mises en examen, dont celle de Nicolas Sarkozy, pour abus de faiblesse au détriment de l'héritière de L'Oréal, sont donc maintenues et les demandes de nullité de la procédure rejetées. «La chambre de l'instruction vient de rendre sa décision et valide dans son intégralité la procédure», a déclaré l'avocat représentant la famille de Liliane Bettencourt, Nicolas Huc-Morel, à des journalistes. L'avocat d'un des mis en examen a précisé qu'il saisirait la Cour de cassation, laquelle pourrait se prononcer en urgence compte tenu de la présence dans le dossier d'un ancien président de la République. Même si l'usage voudrait qu'ils patientent jusqu'à la décision de la Cour de cassation, les trois juges en charge de l'affaire peuvent d'ores et déjà rendre leur ordonnance de règlement, indiquer quelles personnes parmi les mis en examen doivent bénéficier d'un non-lieu et lesquelles doivent être renvoyées en correctionnelle. Tout en dénonçant une forme d'acharnement à l'encontre de Nicolas Sarkozy, la plupart des dirigeants de l'UMP ont modéré leurs critiques. «J'ai dit que je ne commentais jamais les procédures de justice quand elles sont en cours», a déclaré à des journalistes Jean-François Copé, le président de l'UMP. «Je trouve que cela ressemble effectivement à de l'acharnement. Je trouve regrettable qu'on en arrive là, mais la justice étant souveraine dans ses décisions, il faut l'accepter», a dit de son côté le député Patrick Ollier. «ON A LE DROIT DE SAVOIR QUI NOUS JUGE» En revanche, Nadine Morano, soutien inconditionnel de l'ancien président, a mis en cause l'impartialité des juges sur son compte twitter. «Une question me taraude, je souhaite que la liste des juges membres du syndicat honteux de la magistrature soit publiée», a-t-elle écrit. «On a le droit de savoir qui nous juge... Nous prennent-ils pour des cons ? C'est la question que je me pose». La décision de la chambre de l'instruction est un coup dur pour la défense qui, en remettant en cause l'expertise constituant la clé de voûte des poursuites, espérait obliger les juges d'instruction à revoir une bonne partie des poursuites et même à annuler des mises en examen. L'expertise médicale a en effet déterminé le 7 juin 2011 que la milliardaire, femme la plus riche du monde selon le classement du magazine Forbes, était en état de démence sénile depuis septembre 2006. Elle était donc déterminante pour le sort judiciaire des douze personnes soupçonnées d'avoir profité de l'état de faiblesse de la milliardaire pour lui soutirer de l'argent, dont Nicolas Sarkozy pour financer sa campagne électorale de 2007. Leurs avocats ont fait valoir que l'un des cinq médecins qui ont mené l'expertise, Sophie Gromb, était une proche du juge Jean-Michel Gentil, témoin de son épouse lors de son mariage. LA FAMILLE BETTENCOURT ESPÈRE UN DÉNOUEMENT RAPIDE A ces faits d'une «extrême gravité» susceptibles, selon eux, de remettre en cause l'impartialité de l'instruction, sont venus s'ajouter des soupçons sur la désignation de ces experts. Le juge a en effet désigné deux neurologues qui n'étaient pas sur la liste de la cour au motif que les experts étaient pris, selon l'ordonnance de désignation de Jean-Michel Gentil. Or, les avocats de la défense affirment que les experts officiels n'ont pas été contactés. Pour Nicolas Huc-Morel, «cinq années se sont écoulées depuis le début de cette procédure et la famille n'aspire qu'à une chose, c'est que cette instruction se clôture et que les magistrats en charge de ce dossier prennent leur ordonnance de règlement dans les jours ou les semaines qui viennent». «L'ensemble des reproches que nous avons entendus ces derniers mois ne sont donc pas fondés, aucune mise en examen n'a été annulée. L'expertise a été validée par la cour d'appel», a ajouté l'avocat. Pour sa part, le parquet a requis un non-lieu pour six des mis en examen, dont Nicolas Sarkozy, Eric Woerth et l'homme d'affaires Stéphane Courbit, et six renvois devant le tribunal correctionnel, dont ceux de François-Marie Banier et de Patrice de Maistre, le dernier mot revenant aux juges d'instruction. «Bien évidemment, nous allons former un pourvoi en cassation», a déclaré de son côté à Reuters Pierre Cornut-Gentille, avocat du photographe et ami de Liliane Bettencourt François-Marie Banier, un des douze mis en examen.