L'ancien président français Nicolas Sarkozy a été inculpé jeudi, pour «abus de faiblesse» dans l'affaire Bettencourt, un scandale politico-judiciaire lié au financement de la campagne présidentielle de 2007 qui a éclaté à l'été 2010, a annoncé le parquet de Bordeaux (sud-ouest). "M. Nicolas Sarkozy qui bénéficie de la présomption d'innocence s'est vu notifier une mise en examen du chef d'abus de faiblesse, commis en février 2007 et courant 2007 au préjudice de Liliane Bettencourt", la vieille héritière du groupe de cosmétique français L'Oréal, précise le parqué dans un communiqué. Cette décision a été prise par le juge d'instruction Jean-Michel Gentil à l'issue d'une confrontation avec des membres de personnel de la milliardaire âgée de 90 ans, notamment son ancien majordome Patrick Bonnefoy. Le juge accuse l'ancien président d'avoir profité de l'affaiblissement mental de Mme Bettencourt pour lui demander des sommes d'argent destinées au financement illégal de sa campagne de 2007. L'ex-président, qui risque en cas de condamnation trois ans de prison et 375.000 euros d'amende, a nié toute malversation. Son avocat Thierry Herzog a qualifié l'inculpation de M. Sarkozy de décision "incohérente sur le plan juridique, et injuste" et annoncé son intention de "former immédiatement un recours". L'affaire avait éclaté à l'été 2010 lorsque l'ex-comptable de Bettencourt a déclaré à la police s'être vu réclamer 150.000 euros en liquide par l'ancien homme de confiance des Bettencourt, Patrice de Maistre, début 2007. Celui-ci lui avait assuré, selon la comptable, vouloir les donner à Eric Woerth, alors trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy. L'enquête, qui a mis au jour de nombreux abus de la fortune de la milliardaire, a permis de découvrir des retraits en espèces de plusieurs millions d'euros sur ses comptes suisses en 2007-2009. Ces retraits, notamment deux de 400.000 euros en 2007, pourraient avoir servi à financer la campagne de l'ancien président en 2007, avec l'implication de tiers déjà poursuivis dans le dossier, comme l'ex-gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, qui était membre du Premier cercle, club des donateurs fortunés de l'UMP (droite). Le juge Gentil a saisi les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et des agendas qui attestent l'existence d'une visite chez les Bettencourt le 24 février 2007, au moment d'un des retraits suspects. Lors de sa confrontation jeudi avec l'ancien majordome de la milliardaire, ce dernier a confirmé avoir reçu Nicolas Sarkozy en 2007 et l'avoir conduit dans le bureau d'André Bettencourt, époux de Liliane Bettencourt décédé fin 2007, selon l'avocat de M. Bonnefoy. Nicolas Sarkozy admet l'existence de cette visite mais a expliqué dans les médias qu'il s'agissait d'un simple déplacement de courtoisie. Il souligne que la validation de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel prouve qu'ils étaient exempts de reproches. La mise en examen de M. Sarkozy a sonné comme un «coup de tonnerre» dans la vie politique français, notamment chez sa famille politique de droite, dont certains membres ont prêté à la décision des «relents politiques», tandis que la gauche au pouvoir est restée silencieuse, deux jours après la démission du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, affaibli lui aussi par une enquête sur un compte en Suisse.