Les présidents, américain Barack Obama et français François Hollande ont affirmé accepter l'apparente ouverture syrienne sur son arsenal chimique, tout en laissant planer la menace militaire en attendant d'y voir clair sur la sincérité du régime syrien. Confrontés à un premier refus de Moscou sur un projet de résolution de l'ONU destiné à contraindre le régime de Bachar al-Assad à tenir ses engagements, les présidents américain et français craignent une manoeuvre dilatoire. Mais, face à des opinions très sceptiques, ils ne peuvent refuser la main tendue de Damas et de Moscou. La France restera «mobilisée pour sanctionner l'usage d'armes chimiques par le régime syrien et le dissuader de recommencer», a annoncé la présidence française mercredi à l'issue d'un Conseil de Défense au palais de l'Elysée. Le chef de l'Etat s'est toutefois dit déterminé à «explorer toutes les voies au Conseil de sécurité des Nations Unies, pour permettre au plus vite un contrôle effectif et vérifiable des armes chimiques présentes en Syrie», selon un communiqué. Ces déclarations faisaient suite à l'intervention la veille au soir du président américain Barack Obama, qui a jugé que la proposition russe de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international constituait un signe «encourageant». «Cette initiative peut permettre de mettre un terme à la menace des armes chimiques sans recourir à la force, en particulier parce que la Russie est l'un des plus puissants alliées d'Assad», a déclaré le président américain, tout en reconnaissant qu'il était «trop tôt» pour dire si ce plan aboutira. S'il a demandé au Congrès de ne pas voter immédiatement sur un éventuel recours à la force, le président américain a rappelé que l'option militaire restait sur la table. Divergences franco-russes Dénonçant l'attaque chimique «écoeurante» commise par le régime Assad qui a fait plus de 1.400 morts selon le renseignement américain, M. Obama, qui a dépêché son secrétaire d'Etat John Kerry à Genève pour des entretiens avec son homologue russe Sergueï Lavrov jeudi, s'est dit déterminé à maintenir la «pression» sur le régime syrien. De puissants bâtiments de guerre américains équipés de missiles de croisière ont été déployés ces dernières semaines en Méditerranée orientale. «J'ai donné l'ordre à notre armée de garder ses positions actuelles, pour maintenir la pression sur Assad et afin d'être prête à réagir si la diplomatie échoue», a-t-il prévenu. «Même une attaque limitée ferait passer un message à Assad d'une (magnitude) qu'aucun autre pays ne peut envoyer», a assuré M. Obama. Il a aussi renouvelé son engagement à ne pas déployer de troupes au sol et rejeté la comparaison avec l'Irak de 2003. Quelques heures plus tôt, la Syrie avait affirmé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem, être prête à renoncer à son arsenal chimique. Mais les négociations, qui ont aussitôt débuté, s'annoncent d'ores et déjà extrêmement difficiles. Une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, initialement prévue mardi à 16H00 (20H00 GMT), a été reportée sine die à la demande de la Russie. Le président russe Vladimir Poutine a ainsi appelé les Etats-Unis à renoncer au recours à la force en Syrie. «Il est difficile de contraindre la Syrie ou un autre pays à se désarmer de façon unilatérale s'il y a une action militaire en préparation contre ce pays», a-t-il déclaré selon la télévision russe. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a de son côté jugé «inacceptable» un projet de résolution français qui prévoit le contrôle et le démantèlement des armes chimiques syriennes, la mise en place d'un dispositif d'inspection et de contrôle, et autorise, en dernier recours, l'usage de la force pour contraindre Damas à respecter ses obligations. La France a immédiatement fait savoir qu'elle était prête à «amender» son projet «dès lors que sont préservés ses grands principes et objectifs». «Le projet de résolution présenté par la France a été fait dans la précipitation, dans la hâte», a estimé mercredi sur la radio France Inter l'ambassadeur russe en France Alexandre Orlov, en se demandant «quel était l'objectif». «Nous ne voulons pas refaire les mêmes erreurs, tomber dans le même piège comme avec la Libye», a-t-il ajouté. En 2011, la Russie n'avait pas mis son véto au recours à la force en Libye mais a ensuite accusé les Occidentaux d'avoir outrepassé leur mandat en visant le renversement du régime du colonel Kadhafi. A Genève, la Commission d'enquête mandatée par l'ONU sur les crimes contre les droits de l'Homme en Syrie a dénoncé dans un rapport publié mercredi des «crimes contre l'humanité» commis par les forces gouvernementales et des «crimes de guerre» commis par l'opposition armée. La Commission mentionne, sans pouvoir les confirmer, «des allégations (...) concernant l'utilisation d'armes chimiques, principalement par les forces gouvernementales».