Kerry vient d'arracher au forceps aux Palestiniens et aux Israéliens un accord pour la reprise des discussions sur le processus de paix. Des discussions en suspens depuis quelque trois années, boudées par la partie palestinienne pour cause de poursuite de constructions de colonies juives dans les territoires occupés. En Cisjordanie et à Al Qods particulièrement. Une donne qui n'a pas changé. Les colonies continuent de pousser comme des champignons, la judaïsation d'Al Qods n'a pas de frein, les Israéliens ne veulent rien savoir d'un Etat binational, encore moins de discussions sur la base des frontières de 1967. Pire ! On n'a jamais entendu un responsable israélien de gros (et même de petit) calibre évoquer la solution de deux Etats. Et pour ce qui est d'Al Qods comme capitale d'un éventuel Etat palestinien, cela relève de l'utopie du point de vue israélien. Sans oublier que du côté de Tel-Aviv, on a mis une croix définitive sur le « droit au retour » des réfugiés palestiniens. Pour Avigdor Lieberman, ancien chef de la diplomatie israélienne, le plus important est que « les négociations s'appuient sur des bases réalistes, pas sur des illusions ». Le partenaire de Netanyahu pousse son réalisme jusqu'à affirmer qu'« Il n'y a pas de solution au conflit israélo-palestinien » et d'ajouter pour ne pas couper court à l'illusion, « au moins pas dans les prochaines années ». Côté palestinien, personne n'y croit et le scepticisme est de mise chez toutes les parties palestiniennes. A commencer par la présidence de l'autorité de Ramallah, qui a accepté l'accord pour des discussions avec circonspection et réserves, exigeant le règlement de plusieurs « détails spécifiques ». Le manque de confiance et l'appréhension d'échouer sur un autre « Oslo 93 » sont présents chez les autres parties palestiniennes, pour qui ces discussions arrachées par Kerry, sans référence claire aux frontières antérieures à l'occupation sioniste en 1967 et sans un arrêt total de la colonisation, ne seraient qu'une perte de temps et constitueraient une belle couverture pour la partie israélienne. Déjà, à Oslo, il ne fallait pas signer avant un arrêt total de la colonisation. Conséquence de cette « négligence », le nombre des colons a quadruplé, passant de 150.000 à 600.000. Et Abbas veut envoyer Saëb Erikat à Washington, sans que Netanyahu fasse le geste de suspendre les constructions de colonies ni en Cisjordanie, ni encore moins à Al Qods. Alors pourquoi négocier, tant que les chances d'aboutir à un accord de paix entre Palestiniens et Israéliens relèvent de l'utopie ? N'empêche, Kerry a déjà, par sa persévérance, (six voyages dans la région en six mois), réussi à arracher aux protagonistes leur accord pour retourner à la table des discussions. Mais le chef du département d'Etat pourra-t-il leur arracher d'autres concessions pour le couronnement de sa mission ? Voire! Surtout que du côté des Palestiniens, l'ultime concession que ces derniers n'ont pas encore concédée, est d'abandonner définitivement l'idée d'un Etat palestinien avec sa capitale Al Qods. Kerry pourra-t-il faire flancher les Israéliens sur la question du droit au retour des réfugiés palestiniens ? Non. Quelle influence pourra-t-il exercer sur Tel-Aviv pour un gel des colonisations ? Aucune. Sachant que même Obama n'en parle plus et encore moins de faire référence aux frontières d'avant 1967. A peine si Netanyahu ait promis de libérer quelque 80 prisonniers palestiniens, et encore ! Ces derniers ne seront émancipés que par vagues et le premier contingentement ne retrouvera la liberté qu'une fois les discussions relancées. Netanyahou donc n'aurait accepté la reprise des négociations que pour faire bonne figure auprès des Américains et autres Européens, surtout que ces derniers viennent de sanctionner l'Etat hébreu sur sa politique des colonies en excluant les territoires occupés des accords de Bruxelles avec Tel-Aviv. Bibi s'est dont résigné à aller aux négociations avec pour seul but de montrer sa « bonne foi » et sa « bonne volonté » et de faire porter le chapeau du fort probable échec à venir aux Palestiniens. Ces derniers, en acceptant d'aller à Washington sans aucune garantie notoire sur leurs conditions pour reprendre les discussions, ne vont-il pas droit dans le mur ? Mahmoud Abbas joue à quitte ou double dans ces prochaines négociations. Et plutôt à quitte plus qu'à double. En acceptant l'initiative de John Kerry sans préconditions. Et en particulier sans l'arrêt de la construction de nouvelles colonies comme il l'exigeait jusqu'ici, Le président de l'autorité palestinienne risque gros et semble aller droit vers un suicide politique. Qui risque d'être aux lourdes conséquences pour la question palestinienne.