De l'expérimentation serait-on tenté de dire à propos d'une crise, devenue chronique, celle de l'entraîneur de l'équipe nationale de football « A ». Entraîneur d'ici ou d'ailleurs, cadre local et/ ou étranger. La formule manichéenne n'a, certes, pas payé mais elle se place dans la durée, le long terme et semble frapper de sénilité générationnelle les supporters de foot. LE FOOT C'EST LE RESULTAT ET RIEN D'AUTRE A juste titre d'ailleurs et nous en sommes nous-mêmes, car le foot est affect, on aime ou on n'aime pas, et désir: on refoule l'échec pour une réconciliation vraie ou fictive. Peut-être fictionnelle, quand on tente de « refaire le match », au grand bonheur de la littérature journalistique, c'est-à-dire chronologique. D'où ce caractère éphémère, lié au football, qui en fait un phénomène a-historique. On le vit dans l'immédiat, pendant le temps du match et on passe à autre chose. Jusqu'à présent et faute de résultats, on se focalise sur l'entraîneur, pour en faire le bouc-émissaire de tous les malheurs du foot national d'hier à aujourd'hui. On se suffira de rappeler le cas des quatre entraîneurs marocains, cadres nationaux (Itar Watani) qui ont pris en charge l'équipe du Maroc, pour en être ensuite débarqués, du moins pour trois d'entre-eux. Ils sont quatre mousquetaires, Mustapha Madih, Badou Zaki, M'Hamed Fakhir et Rachid Taoussi. On oubliera la parenthèse du quatuor Moumen, Ammouta, Bennaciri et Jamal Sellami, un exemple de ce qu'il ne faut jamais entreprendre quand on a peu de raison à faire valoir. On évacuera les cas de Mustapha Madih, l'entraîneur le plus réaliste qui raisonne à contre-courant et qui estime, en son âme et conscience, que l'équipe nationale n'est pas encore à la portée des cadres nationaux. Du moins quand il avait pris le relais de Kasperzack avant de s'éclipser. On peut dire la même chose de M'Hamed Fakhir et son court passage à la CAN en Egypte. Il reste Badou Zaki, auteur du meilleur palmarès de tous les temps avec la finale de la CAN 2004 et qui continuera à s'imposer comme une référence et un relais, tant qu'on ne lui aura pas donné une « deuxième chance »! Ne serait-ce que parce qu'il est « victimisé » et tant qu'on refusera l'universalité du football, au profit d'une option née d'un choix local, on continuera à réclamer le retour de Badou Zaki. D'ailleurs, si Rachid Taoussi est « remercié » et s'il n'est pas reversé dans la prise en charge des Botolistes et du CHAN, Badou Zaki sera sollicité pour la prochaine CAN 2015, au Maroc. L'AGE D'OR DES ENTRAINEURS MAROCAINS DE COEUR ET DE RAISON Bien sûr, les entraîneurs marocains ont pris en charge les équipes nationales, souvent en tant qu'adjoints, depuis Larbi Benbarek, Abderrahmane Mahjoub, Jabrane, Guy Cluseau, Abdellah Settati, des sélectionneurs du gabarit de Hassan Sefrioui et Mehdi Belmejdoub etc. Mais les résultats restent squelettiques, avec cette seule CAN 1976, avec les circonstances largement atténuantes, accordées à un pays au football très développé à l'époque des post-indépendances continentales et dont la majorité des godasses étaient recrutées par des clubs européens, en France et en Espagne. La Coupe Mohammed V valait toutes les CAN à l'époque où le Maroc regardait vers les pays du Nord. Les statistiques de la FFF font état du passage de pas moins de 40 joueurs marocains en championnat français dans les années 50-60. Et à l'exception du gardien de but Labied et de Larbi, tous les autres joueurs de Maroc-Espagne, comptant pour les éliminatoires du Mondial 62 étaient des professionnels, tous titulaires dans leurs clubs respectifs. Les années 80 vont connaître le meilleur exploit de tous les temps, avec Mehdi Faria et ce passage au deuxième tour du Mondial 1986 et la reconversion de 90% des joueurs produits de la formation des clubs locaux en professionnels, sur les traces de Merry Krimau (lire à ce propos son livre « Merry Krimau: Je suis comme ça! » et dont une réédition est en cours de préparation). Ensuite, on a eu droit à l'exploit réussi par Abdelkhalek Louzani et Abdeallah Blinda, qui ont qualifié le Maroc au Mondial 1994 aux Etats-Unis. Ces exploits et particulièrement celui de 1986 ont servi l'image du Maroc, candidat à l'organisation de la première Coupe du Monde en terre africaine. Rachid Taoussi va intégrer le staff constitué par Henri Michel, qui y voyait un bon successeur, avant de se défaire d'un jeune cadre autant turbulent, extraverti que fantasque. Son sacre en Coupe d'Afrique des Nations juniors 1997, organisée à Fès-Meknès, ne va pas arranger les choses et le divorce avec Henri Michel se fera au profit de Abderrahmane Souleimani et Mbarek Bihi, qui intègreront l'équipe du Maroc. Rachid Taoussi n'en poursuivra pas moins son bonhomme de chemin, en tant qu'entraîneur et chercheur, lauréat de l'Institut Moulay Rachid, où il a suivi une formation spécifique et soutenu un mémoire sur l'ASFAR, club où il a évolué en 89 et 90, saison où le club militaire a été sacré champion du Maroc et finaliste de la Coupe du Trône. Taoussi multipliera les stages de formation, soutenu par M.Housni Benslimane, à l'époque Président de la FRMF et qui accordait une grande importance à la recherche scientifique sur le football marocain. IL ETAIT UNE FOIS « SIDI KA » Rachid Taoussi a eu un parcours chargé, qui le prédestinait à réussir et à séduire. Natif de Sidi Kacem, il a attrapé très tôt le virus du football, dans une petite cité très riche en production footballistique, avec de grands joueurs, des entraîneurs de talent et des journalistes sportifs de qualité. De Amri à Badou Zaki, qui est plus identifié à Salé et au WAC qu'à « Sidi Ka », on retiendra que l'USK a donné de nombreuses personnalités au football national. Et pour parler le langage des sociologues, on citera Abderrahmane Ibn Khaldun, pour retenir que l'environnement conditionne la confection des personnalités qui y naissent, s'y enracinent et en retirent leur raison d'être (Al Insanou Ibnou Biatih). Le football pour Rachid Taoussi est à placer à ce niveau-là, l'espace d'abord et l'imaginaire d'un illuminé: il ne fait que ça (attention les psys) et ne vit que pour le football. Que de fois nous ne l'avons surpris à grifonner des schémas tactico-techniques, relevant de l'idéal-type pour ne pas dire de l'abstraction et applicables à une équipe nationale qu'il n'avait pas encore en charge! Il était convaincu qu'il était fait, tôt ou tard, pour le poste et on dira même plus avec les personnages de Tintin, que le poste était fait pour lui, à sa mesure. Rachid Taoussi remplit toutes les conditions pour réussir, c'est sûr, mais qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il connaisse le rejet, tout autant que ses prédécesseurs, locaux comme étrangers ? Peut-être qu'il s'est surestimé, en oubliant de rester modeste dans le propos avec une communication catastrophique, sans la distanciation nécessaire en pareil cas, pour assumer une véritable autocritique. On ne peut pas dompter les foules et aliéner les supporters, car c'est ignorer l'essence même du football, qui relève, on ne le répétera jamais assez, de l'instantané et de nombreuses contraintes subjectives dont celle du résultat. RACHID TAOUSSI TRAHI PAR SA COM Les techniciens fort inspirés de la CAF ont beau nous rappeler que le meilleur match de la CAN 2013, qui a servi de modèle est cet Afrique du Sud-Maroc, mais allez l'expliquer à un public meurtri et acculé à l'élimination, encore une autre, et qui a quitté bredouille les cafés et lieux où il a rêvé à la qualification au deuxième tour, face à la télé! Et le calvaire se poursuivra tout au long de ces éliminatoires perdues d'avance. Il est vrai que « la balle est ronde et que tout est possible » comme disait quelqu'un en 1970, avant la deuxième mi-temps de Maroc-RFA et où les Lions de l'Atlas avaient marqué par Houmane (aujourd'hui malade et lâché de tous!). Mais si on doit vendre du rêve, il faut s'assurer de l'impact positif de l'entreprise et éviter de tout mettre sur le dos de Rachid Taoussi. Car le sacrifier, lui qui a été dans l'incapacité de gérer cette dualité locaux-diaspora, c'est tuer cette entreprise destinée tôt ou tard à institutionnaliser le football national. Pour que l'entraîneur y joue son rôle et rien d'autre et qu'il se suffise d'explications techniques. Et jamais politiques!