Et le voilà diabolisé, le pauvre Rachid Taoussi. Les statisticiens vous diront que sur la cinquantaine d'entraîneurs, passés à la tête de l'équipe du Maroc de football, depuis l'indépendance, aucun n'y a échappé. Même pas ceux qui ont réussi de bons résultats. Le tout dernier est Badou Zaki, démissionnaire après la CAN 2004, où le Maroc a pourtant achevé finaliste. Et comme à la CAF on ne comptabilise que les sacres, les adversaires de Zaki vous diront que l'ancien capitaine des Lions de l'Atlas au Mondial 86 n'a rien réussi quand tout simplement il n'a jamais existé! Pourquoi cette culture qui semble secrétée par une «apologie de la défaite», cautionnée et légitimée par le «peuple du foot»? On a beau trouver des explications mais aucune ne fera l'unanimité, car le foot est d'abord et surtout une passion, des désirs manifestes ou refoulés, un «moi» collectif, un «surmoi» et pourquoi pas un «ça» sociétal? En gros et pour passer crédible aux yeux du Dr Jalil Bennani (un psy dans la cité) on dira que le supporter de foot emmagasine une histoire du foot, souvent produite par les médias, qu'il la sacralise et partant la conserve dans une chambre noire de sa personnalité. Il en fait usage, de manière sélective, selon les opportunités et les conjonctures. C'est pour cela que toute analyse se révèle inefficace, pour rationaliser le comportement du sportif, joueur, encadrant, dirigeant, supporter ou public. Rachid Taoussi s'est retrouvé, à son détriment, piégé dans un monde à part, qu'il a cru avoir assimilé et qu'il a voulu dompter. D'abord avec le savoir et la culture académiques, en appelant à la rescousse la diététique, la physiologie, la psychologie, la médecine et, grosso modo, la sportologie. On y ajoutera la com, qu'il a privilégiée mais où il a le plus péché par manque d'expérience et de savoir. Bien sûr tout discours serait inopérant, si Rachid Taoussi avait non pas réussi un bon résultat mais s'il avait sorti ne serait-ce qu'un bon match, opposable à son prédécesseur, pratiquement accusé d'être un analphabète en foot, un nul. Toute la stratégie de Taoussi, soutenu par la collectivité des entraîneurs locaux, a expliqué les sous prestations de Gerets par sa non appartenance à une aire géographique et à tout ce qui en découle sur le plan culturel. En oubliant que le foot a ceci de particulier qu'il est universel et qu'il est né contre les nationalismes avant de sombrer sous les pesanteurs des États Nations. Pis, le sélectionneur maroco-marocain a adopté l'environnement footballistique, sans y mettre aucun esprit critique, lui qui se revendique pourtant de la science et de l'esprit rationnel. On ne dira pas relationnel, on le réservera à d'autres qui, dans son entourage, ont participé à sa faillite. Trop de com tue la com, surtout quand elle n'est pas maîtrisée, au niveau vertical, avec les médias, et horizontal, avec l'environnement footballistique et toutes ses composantes, dont les dirigeants de la FRMF. Rachid Taoussi a été berné et a cru tout régler, en prenant ses rêves pour des réalités et en remplissant les cases vides, désertées par des dirigeants plus habiles que leur employé, plus pragmatiques, calculateurs et machiavéliques. Taoussi, qui se voyait dans un miroir reflétant l'autosatisfecit sollicité, était peu soucieux des conséquences de son action par rapport aux supporters du foot, aux médias dont certains adoptent la maxime du «lécher, lâcher et lyncher» voire de la classe politique qui fait du football et de ses résultats une cause majeure. Taoussi va payer cher sa naïveté (peut-être dans le sens réservé à un type de peinture!) et il devrait cogiter à propos de la solitude, car c'est le lot des grands quand ils veulent avancer et rêver, avec nous, d'un football qui soit banalisé et ramené à son rôle de simple spectacle et non de défouloir collectif ou de refuge à tous les prétextes, même extra-sportifs, même footballophobes. Dommage pour une expérience qui aurait pu sceller l'apport des joueurs Botolistes et des footballeurs Marocains du Monde, au lieu de cette fissure autant ridicule qu'injuste à propos des qualités réelles de chaque composante de ce football appelé tôt ou tard à colporter une bonne image du pays. Avec des stars, un foot business, des infrastructures et une légion d'entraîneurs qui se suffiraient de leur rôle d'encadrants salariés et non de surhommes, «sauveurs» de périls fantasmés.