Dans les années 80, avant la période de réforme, les résultats économiques du Brésil se caractérisaient par une faible croissance, une forte inflation et d'importants déséquilibres budgétaires. En moyenne, la croissance économique était d'environ 3% et l'inflation de 272%. La politique budgétaire était expansionniste, avec un déficit budgétaire global de 5% du PIB en moyenne sur la période, atteignant 7% du PIB en 1989. Les mauvais résultats budgétaires ont entraîné une hausse de la dette publique nette, de 24% du PIB en 1981 à près de 40% du PIB en 1989. Cette détérioration de la situation a poussé les autorités brésiliennes à modifier leurs politiques de substitution des importations et à libéraliser l'économie (Giambiagi and Moreira, 1999), notamment dans le secteur énergétique. L'entreprise pétrolière nationale, Petrobras, dominait le marché pétrolier dans les années 80. Elle détenait un monopole sur le marché en amont et sur le raffinage des combustibles liquides dans le pays. Petrobras détenait en outre un monopole sur les importations de pétrole brut et de produits pétroliers. Même si la distribution des produits pétroliers était ouverte aux entreprises du secteur privé (notamment des multinationales), le prix final au consommateur était déterminé par le gouvernement. Un fonds de stabilisation du pétrole a été créé en 1980 pour lisser la volatilité des cours du pétrole brut. Le prix du pétrole vendu aux raffineries était réajusté pour assurer aux raffineries de Petrobras des coûts pétroliers fixes déterminés par le gouvernement. Lorsque les cours mondiaux du pétrole brut étaient élevés, le fonds de stabilisation accumulait envers Petrobras des passifs conditionnels qui étaient ensuite résorbés lorsque les cours baissaient. Les prix du gazole et du gaz de pétrole liquéfié (GPL) étaient aussi systématiquement fixés à des niveaux inférieurs aux coûts de parité à l'importation. Face à la hausse des coûts d'importation du pétrole, le fonds de stabilisation du pétrole brut et Petrobras ont enregistré d'énormes déficits. Pour couvrir cette accumulation de pertes, le gouvernement a transféré 5,8 milliards de reals (0,8% du PIB de 1995) au milieu des années 90 à Petrobras qui a dû aussi absorber d'autres pertes jamais comptabilisées au budget de façon transparente. Description des réformes de tarification des carburants – du début des années 90 à 2001 gouvernement a choisi d'éliminer progressivement les subventions pour tenir compte de l'opposition des divers groupes d'intérêt. Afin de susciter l'adhésion de l'opinion publique aux réformes, le gouvernement a promis aux consommateurs que la privatisation et la libéralisation entraîneraient une baisse des prix de l'énergie et une amélioration des services. Mme si les faibles prix à la consommation étaient à l'origine des subventions, les autorités espéraient que l'amélioration de l'efficacité de la raffinerie suffirait pour réduire ce poste de dépenses sans augmenter les prix pour les consommateurs. La libéralisation des prix des carburants s'est faite en plusieurs étapes. Le processus de libéralisation du marché a commencé au début des années 90 par la déréglementation des prix de produits pétroliers, tels que le bitume et les lubrifiants, utilisés essentiellement par les entreprises. Il s'est poursuivi par une libéralisation plus générale, notamment des prix de l'essence ˆ la pompe en 1996, du GPL au consommateur final en 1998 et du gazole en 2001. Les premiers produits à perdre les subventions ont en général été ceux consommés par les acteurs ayant peu de poids politique, tandis que les subventions plus délicates politiquement (celles des combustibles liquides utilisés par les transports et l'industrie) ont été éliminées ultérieurement. Les subventions accordées aux producteurs d'éthanol et aux fournisseurs d'équipements et de services à l'entreprise Petrobras ont été éliminées à la fin du programme de libéralisation. Les mesures de libéralisation des prix se sont accompagnées de hausses de l'inflation à court terme. Chaque réforme a été suivie d'une flambée inflationniste ˆ court terme qui a fini par s'estomper à plus long terme, au fur et à mesure que les prix ont été autorisés à fluctuer en fonction de l'évolution des marchés mondiaux. Petrobras a maintenu un rôle dominant sur le marché malgré la libéralisation. En 1995, le monopole officiel de Petrobras sur le marché en amont, sur le raffinage des combustibles liquides et sur les importations de pétrole a été révoqué. En 1997, la Agencia National do Petroleo a été créée pour contrôler la déréglementation et la restructuration du secteur et pour gérer la mise aux enchères des gisements pétroliers à explorer. Malgré l'ampleur des mesures de privatisation prises par les autorités, Petrobras a toutefois réussi à maintenir un monopole de facto sur le raffinage et la distribution. Les forts taux d'inflation et la dépréciation du real ont posé de graves problèmes pour contenir les coûts budgétaires des subventions. Pour éviter l'apparition de subventions, de fréquentes hausses des prix ont été nécessaires dans une conjoncture fortement inflationniste. Les hausses des prix du gazole n'ont cependant pas suivi le rythme de la dépréciation du taux de change à la fin des années 90, entraînant une montée en flèche des subventions de ce produit jusqu'à 1% du PIB en 1999. Expérience de la fixation des prix des carburants depuis 2002 La libéralisation des prix de tous les produits pétroliers est officiellement en place depuis 2002 et a permis d'éviter la réapparition de subventions. Les prix ont été augmentés et sont restés supérieurs aux prix internationaux malgré d'importantes pressions sur la monnaie entre 2001 et 2003. Les prix pétroliers ont continué à augmenter régulièrement jusqu'en 2005 et sont ensuite restés essentiellement stables malgré les fluctuations des cours mondiaux. La chaîne d'approvisionnement, depuis la production jusqu'à la commercialisation des carburants, ne fait officiellement pas l'objet de fixation des prix par le gouvernement. En vertu du nouveau cadre réglementaire, la Agencia National do Petroleo assure le suivi des prix pétroliers dans son «analyse des prix et marges des produits pétroliers» qui porte notamment sur l'essence, l'éthanol-carburant, le gazole, le gaz naturel pour véhicules et le gaz naturel liquéfié. Même si les prix pétroliers sont officiellement déterminés par Petrobras, dans la pratique le gouvernement les utilise comme outil de lutte contre l'inflation. Il a par exemple baissé les taxes sur l'essence et le gasoil en 2004 et éliminé les taxes sur le GPL et le mazout pour garantir des prix pétroliers constants au consommateur final. Du fait de cette réduction du taux et de la portée des prélèvements, le montant global des taxes pétrolières n'a pas augmenté malgré la hausse de la consommation. Cette politique a entraîné pour Petrobras des pertes opérationnelles sur ses activités en aval, d'où un montant plus faible de taxes nettes. Subventions des carburants. Les subventions pour l'approvisionnement en carburants des centrales thermiques d'Amazonie, région politiquement sensible, ont été maintenues pendant une période de dix ans jusqu'en 2012. Taxe à l'importation. En 2001, le gouvernement a instauré une nouvelle taxe sur l'importation et la commercialisation des produits pétroliers. Les recettes ainsi mobilisées ont ensuite été utilisées pour financer : des subventions aux producteurs d'éthanol et les coûts de transport des hydrocarbures; la consommation de GPL par les familles à faible revenu; des projets axés sur la protection de l'environnement; et la construction de routes. Bon d'essence. Après l'élimination des subventions du GPL en 2001, le gouvernement a instauré une nouvelle subvention de ce produit en 2002 pour aider les familles à faible revenu en leur octroyant un bon d'achat de GPL dont les conditions d'attribution ont été déterminées en fonction des ressources. Transferts monétaires conditionnels. Un programme de transferts monétaires conditionnels, du nom de «Bolsa Escola», a été mis en place en 2001. Ces deux programmes ciblés (bon d'essence et Bolsa Escola) ont été fusionnés en un nouveau programme national phare de transferts monétaires conditionnels, la «Bolsa Familia» en 2003. L'adoption d'une démarche progressive d'élimination des subventions peut permettre de réduire au minimum la résistance des groupes de la population qui en sont bénéficiaires. L'élimination progressive des subventions au Brésil a été soigneusement adaptée pour assurer que le processus soit politiquement acceptable. Les premiers produits à perdre les subventions (bitume, lubrifiants et kérosène d'aviation) ont en général été ceux dont bénéficiaient des acteurs ayant peu de poids politique, tandis que les subventions plus délicates politiquement (celles des combustibles liquides utilisés par les transports et l'industrie) ont été éliminées en dernier. Les réformes de libéralisation ont plus de chances de réussir si le gouvernement bénéficie du soutien de la population. Après avoir maîtrisé l'hyperinflation chronique depuis plus de dix ans, le gouvernement du Président Cardoso a pu tirer parti de ce soutien politique pour entreprendre son programme de libéralisation. Des politiques discrétionnaires d'ajustement des prix pétroliers et les fonds de stabilisation ne fonctionnent pas dans une conjoncture macroéconomique instable et peuvent avoir des conséquences néfastes pour le secteur. Le fonds de stabilisation des prix pétroliers avait accumulé un déficit considérable dans les années 80, obligeant le gouvernement à transférer l'équivalent de 0,8% du PIB de 1995 à Petrobras au milieu des années 90 pour résorber les pertes du fonds. Par ailleurs, la sous-tarification avait peu encouragé à investir dans les capacités d'exploration et de raffinage. L'instabilité macroéconomique peut contribuer à l'apparition de subventions pour des produits dont les prix sont contrôlés. Les subventions du gazole sont apparues en 1999 au lendemain de la forte dépréciation du real et de l'incapacité d'ajuster rapidement les prix pétroliers. La libéralisation des prix vite mise en place par la suite a permis d'assurer la pérennité de la réforme des subventions, car les prix se sont automatiquement ajustés aux fluctuations de change. Des programmes sociaux ciblés peuvent réduire l'opposition à la réforme des subventions et promouvoir sa pérennité. Le Brésil a adopté un système de bons d'essence pour dédommager les ménages à faible revenu de la hausse des prix du GPL après la libéralisation de 2001 et a ensuite mis en place un programme de transferts monétaires conditionnels qui permet de pérenniser l'élimination des subventions.