La majorité défend l'action du gouvernement dans le secteur de l'immobilier, l'opposition voit la spéculation prendre de l'ampleur Le gouvernement a mis en place une série de mesures visant à remédier aux problèmes dont pâti l'assiette foncière, de manière à permettre au secteur de jouer pleinement son rôle en matière de développement, a affirmé mardi le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Répondant aux questions des membres de la Chambre des conseillers, dans le cadre de la séance mensuelle des questions sur la politique générale du gouvernement, consacrée à "la politique foncière de l'Etat, entre les exigences du développement socio-économique et les contraintes de la réalité", M. Benkirane a souligné que ces mesures concernent en particulier la révision du cadre juridique de façon à protéger l'assiette foncière et à assurer sa valorisation. Il s'agit, a poursuivi M. Benkirane, de l'apurement de l'assiette publique pour garantir sa protection et faciliter sa mobilisation et son exploitation au service du développement économique, social, urbanistique et de l'investissement productif, outre la consécration des pratiques de bonne gouvernance en matière de politique foncière, en vue d'assurer la transparence et l'égalité des chances, de lutter contre la spéculation et l'économie de rente et d'élargir l'assiette foncière de l'Etat, le but final étant de répondre aux besoins de l'investissement et du développement urbanistique à moyen et long termes. Abordant la question de la modernisation de l'arsenal juridique relatif aux biens immobiliers gérés par l'Etat, M. Benkirane a indiqué que le gouvernement a retenu dans son plan législatif des projets de lois se rapportant notamment à l'élaboration d'un code du Domaine privé de l'Etat, à l'actualisation et au renforcement de l'arsenal juridique régissant la propriété foncière publique et à la révision du Dahir relatif à la préservation des forêts et leur exploitation. Selon le Chef du gouvernement, ces mesures prévoient également l'élaboration d'un projet de loi relative aux biens immobiliers collectifs en vue de mettre en place un système juridique unifié des biens des collectivités territoriales qui favorise leur développement à travers la simplification des procédures et des mécanismes de leur gestion et de leur préservation, la généralisation du régime d'immatriculation foncière et la mise en œuvre des mesures de contrôle et de suivi prévues dans la Constitution. M. Benkirane a indiqué, par ailleurs, que le gouvernement a procédé à la mise en place d'autres mesures visant, notamment, l'accélération du rythme d'apurement, de régularisation et d'immatriculation des biens immobiliers publics et la réalisation des opérations de délimitation du Domaine public. Concernant la mise en œuvre des pratiques de bonne gouvernance du Domaine public pour une meilleure mobilisation au service du développement, il a indiqué que l'approche du gouvernement vise à mettre en place un cadre unifié de la politique foncière de l'Etat de manière à favoriser la mobilisation de l'ensemble des composantes du patrimoine immobilier de l'Etat géré par les administrations publiques, selon une vision globale à moyen et long termes. Cette approche, a-t-il soutenu, vise le renforcement des critères de compétitivité et de transparence dans la cession et la location du bien immobilier public, la mise à disposition des investisseurs des informations nécessaires sur l'assiette foncière publique, la consolidation des dispositions contractuelles régissant l'investissement en vue de préserver l'équilibre entre les droits et les devoirs des différentes parties, l'instauration des règles de suivi des projets d'investissement, outre l'exploitation optimale de l'assiette foncière de l'Etat. Le Chef du gouvernement a indiqué que la contribution du bien immobilier public dans la dynamisation du processus de développement économique et social reste en-deçà des ambitions du gouvernement, compte tenu des superficies susceptibles d'être mobilisées pour encourager l'investissement productif, notant que la bonne gouvernance dans le secteur n'atteint pas le niveau escompté en matière de transparence, d'égalité des chances et de simplification des procédures d'accès au bien immobilier public pour en faire un outil au service de l'investissement productif, conformément à l'esprit de la nouvelle constitution. Cette situation s'explique par une série de contraintes juridiques et de gestion dont pâtissent les différents régimes fonciers, a-t-il dit, soulignant que ces contraintes sont liées notamment à la nature du cadre juridique du Domaine public et l'inadéquation des textes juridiques régissant ce domaine par rapport au développement du climat économique et social et l'absence d'un cadre global et intégré de planification et de programmation de nature à définir les besoins réelles de l'assiette foncière de l'Etat. Cependant, la politique gouvernementale relative à l'immobilier est loin de faire l'unanimité au sein de la Chambre des conseillers, où les groupes de la majorité estiment que le gouvernement est sur la bonne voie pour consacrer la bonne gouvernance dans la gestion de ce secteur, alors que l'opposition le considère "incapable" de faire face à la spéculation. La majorité a souligné les efforts consentis pour multiplier l'offre en matière de logement et lutter contre l'habitat insalubre, tandis que pour les députés de l'opposition, le gouvernement manque de vision claire lui permettant de faire face à toutes les formes de spéculation et à la rente immobilière. Dans ce sens, le groupe Istiqlalien pour l'unité et l'égalitarisme a mis en exergue les efforts du gouvernement visant à endiguer les problèmes grandissants dans ce domaine, liés notamment à l'offre en matière de logement, préconisant la création d'une agence nationale dédiée au regroupement et à la gestion de l'immobilier de l'Etat. Il a également appelé le gouvernement à assurer l'équilibre entre l'offre et la demande, à travers une politique efficiente en matière de villes et de pôles urbains et l'encouragement des coopératives d'habitation en faveur de la classe moyenne, estimant que la lutte contre les dysfonctionnements en matière d'urbanisme relève de la responsabilité de tous (citoyens, élus et autorités). Pour sa part, le groupe haraki a estimé caduc le cadre législatif encadrant ce secteur, qui constitue un pilier du développement économique et social et un levier de promotion des investissements, relevant les multiples problèmes dus aux mutations ayant marqué ce domaine et liés, notamment, au domaine forestier et aux terres soulaliyat. Dans ce sens, ce groupe a proposé la tenue d'assises nationales pour se pencher sur les différents problèmes que connaît ce secteur, élaborer par la suite une charte nationale et mettre en place un cadre institutionnel encadrant la politique immobilière aux niveaux national et régional. Même son de cloche du côté du groupe de l'alliance socialiste, qui a insisté sur la nécessité de réformer le cadre législatif et combler le vide en matière de contrôle, conditions sine qua non pour assurer un développement durable dans ce secteur. Le groupe a mis en avant les efforts consentis par le gouvernement dans le but de concevoir une politique immobilière homogène ayant pour objectif de pallier aux dysfonctionnements et aux problèmes concernant, entre autres, la flambée des prix du logement. Le groupe authenticité et modernité (opposition) estime, lui, que le gouvernement doit faire preuve d'audace politique pour faire face aux défaillances que connaît le secteur et qui freinent le processus de développement au Maroc. Le groupe a également souligné que les dysfonctionnements relevés en matière de politique immobilière ont été mis en exergue dans le rapport du cinquantenaire selon lequel "la terre semble avoir cessé d'être un simple outil de production, elle est devenue un objet de spéculation immobilière, due dans une large mesure à la recherche de placements défiscalisés. Le foncier urbain est aussi un attribut de pouvoir et de notabilité, une source intarissable d'enrichissement et une ressource souvent prisée et, partant, détournée de ses fonctions ordinaires, par les circuits de blanchiment et les formes multiples de spéculation". De son côté, le groupe du RNI a affirmé que le foncier se trouve au centre de la dynamique socio-économique et impacte directement le domaine de l'investissement industriel, agricole et touristique, soulignant la nécessité de mettre en place un système de bonne gouvernance et de mobiliser l'assiette foncière en vue de la promotion des investissements. Il a également appelé le gouvernement à élaborer une vision claire visant la réforme du secteur selon un agenda déterminé en vue d'attirer les investissements, satisfaire les attentes des citoyens et préserver ainsi leur droit au logement et lutter contre la rente. Le groupe socialiste a, pour sa part, exhorté le gouvernement à dévoiler les résultats du travail de la commission de suivi des investissements du foncier et mettre fin aux problématiques des terres soulaliyat et des terres collectives ainsi que celle de l'expropriation. Quant au groupe constitutionnel, il a mis l'accent sur nombre de dysfonctionnements dans le secteur de l'immobilier et l'urbanisme notamment l'absence de transparence concernant certaines transactions foncières et la mise à niveau urbaine. Le groupe fédéral de l'unité et de la démocratie a estimé, de son côté, que les efforts du gouvernement visant la mobilisation de l'assiette foncière nécessaire à l'investissement dans les domaines de l'agriculture et l'industrie n'ont pas atteint les objectifs escomptés, mettant l'accent sur le grand déficit constaté en matière de logement.