Dirigeants de l'opposition égyptienne et des Frères musulmans se sont retrouvés jeudi autour d'une même table à l'initiative du recteur de l'université et de la mosquée al Azhar. Cheikh Ahmed al Taïeb a lu un document affirmant que le dialogue national «auquel participent tous les éléments de la société égyptienne sans aucune exclusive, constitue le seul outil pour résoudre problèmes et divergences.» Outre des responsables des Frères musulmans, la première force politique du pays dont est issu le président Mohamed Morsi, Mohamed El Baradei, le coordinateur du Front de salut national (FSN), qui rassemble différentes composantes de l'opposition, prend part aux discussions. Dimanche soir, M. Morsi avait aussi appelé à un dialogue national, rejeté par la principale coalition de l'opposition, le Front du salut national (FSN), qui l'avait qualifié de «vide de sens» et appelé à manifester vendredi. Mais le coordinateur du FSN, Mohamed ElBaradei, a infléchi sa position mercredi en appelant à une réunion d'urgence avec M. Morsi, sa formation le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ, islamiste), les ministres de l'Intérieur et de la Défense ainsi que le courant salafiste, dont un représentant s'est improvisé médiateur. «L'arrêt de la violence est la priorité», a-t-il ajouté dans un tweet, tout en conditionnant la participation à un «dialogue sérieux» à certaines garanties, au premier rang desquelles «la formation d'un gouvernement de salut national et une commission pour amender la Constitution». L'ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, autre figure de proue du FSN, a lui aussi estimé dans un communiqué que «la grave situation actuelle» nécessitait d'accepter un dialogue, dans le cadre toutefois des demandes du FSN, afin de «stopper la confrontation et la violence». Des représentants du FSN se sont réunis dans l'après-midi avec le président du principal parti salafiste Al-Nour, Younes Makhyoun, qui les avait invités à parler de «la détérioration de la situation». Les discussions vont se poursuivre sur les demandes du FSN, a-t-il dit à la presse. «Une faction seule ne peut assumer la responsabilité de la gestion des affaires du pays», a-t-il dit. «Nous sommes soucieux de l'intérêt général. Nos idéologies diffèrent mais nous sommes les enfants d'un seul pays». Le Front juge que la Constitution, rédigée par une commission dominée par les islamistes et approuvée par référendum, n'est «pas valide» car, selon lui, non représentative de la population et portant atteinte à certains droits fondamentaux. La nouvelle crise est la pire que traverse le pays depuis l'élection en juin de M. Morsi, premier président islamiste et civil d'Egypte. Le pays connaît depuis jeudi dernier des violences qui ont fait 54 morts, en très grande majorité à Port-Saïd (nord-est), où les affrontements ont commencé samedi après la condamnation à mort de 21 supporteurs de football locaux. Depuis mardi soir, des heurts ont fait 52 blessés au Caire, à Kafr al-Cheikh (delta du Nil) et dans d'autres gouvernorats, selon le ministère de la Santé. Mercredi, des membres présumés du «Black Bloc», un groupe militant anti-islamiste apparu dans les récentes manifestations, ont été interpellés au Caire devant les bureaux du procureur général, qui avait ordonné leur arrestation. Le président Morsi s'est lui entretenu mercredi à Berlin avec la chancelière allemande Angela Merkel au cours d'une visite réduite à quelques heures. L'étape parisienne de cette mini-tournée européenne, prévue vendredi, a en revanche été reportée. Mme Merkel a indiqué à la presse lui avoir demandé de dialoguer avec «les différentes forces politiques», et «que les droits de l'Homme soient respectés».