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«Aspects de la mémoire des Carrières Centrales Hay Mohammadi »*
Un siècle d'archives pour la sauvegarde d'une mémoire vive
Publié dans L'opinion le 01 - 12 - 2012

Il semble que le destin du grand quartier Hay Mohammadi de Casablanca soit d'accaparer toujours l'attention. Au point de risquer de faire de l'ombre à d'autres quartiers, non seulement du fait de la densité de son histoire, mais aussi grâce aux transformations qu'il ne cesse de connaître avec le déménagement en masse de milliers de ménages des derniers bidonvilles vers le nouveau quartier Lahraouiyyine, véritable nouvelle ville sur la banlieue sud-est. De plus, l'aménagement d'un grand parc de verdure est prévu à l'ancien emplacement des baraques. Par ailleurs, un projet de panneaux commémoratifs des principaux lieux de mémoire du quartier est en cours de réalisation dans une démarche inédite.
Apportant de l'eau au moulin de l'intérêt accru pour le Hay, Najib Taki, spécialiste en histoire contemporaine, vient de publier, avec le concours de l'association Casamémoire, un ouvrage en arabe issu de ses longues recherches sur les Carrières Centrales intitulé «Aspects de la mémoire des Carrières Centrales Hay Mohammadi à Casablanca au vingtième siècle, essai d'archivage». Ce livre peut être considéré comme un ouvrage de recherche fondateur en matière de restitution de la mémoire des grands quartiers historiques et dont on souhaiterait volontiers qu'il suscite des émules pour des recherches sur d'autres grands quartiers comme l'Ancienne médina et Derb Soltane. Cela bien qu'il puisse souvent prendre l'allure d'une grande monographie plutôt qu'un livre d'histoire proprement dit. Cette forme reflète sans doute l'intention de l'auteur de réaliser un travail qui soit rigoureusement scientifique avec, parallèlement, un souci pédagogique. L'ouvrage est réalisé dans le cadre du programme de réparation des dommages collectifs de l'IER2, programme conduit par le CNDH avec le soutien de l'Union Européenne.
Carrières Centrales est le quartier qui devait prendre le nom du Roi Mohammed V après l'indépendance en étant nommé Hay Mohammadi. Son identité complexe s'est toujours vue cristallisée dans certaines étapes historiques marquantes comme lorsque le colonialisme français en déclin colle au souverain marocain, par mépris arrogant, l'appellation de «roi des Carrières Centrales». C'est le quartier né avec le développement industriel fulgurant de Casablanca au début du XXème siècle d'abord au quartier Roches Noires (quartier industriel Est) avec l'apparition des premiers bidonvilles autour de la Centrale Electrique accueillant les masses de travailleurs. Immense force de labeur, ils furent les vrais créateurs de la prospérité de la ville. Vivant dans des conditions très précaires, ils réinventent leur habitat qui passe de la nouala traditionnelle (hutte de torchis, déchets agricoles) à la baraque constituée de déchets industriels urbains (planches en bois, métal de bidons et plastique) d'où le concept nouveau de bidonvilles. Au milieu de ces travailleurs, femmes et hommes venus presque de toutes les régions du Royaume, naquit un mouvement syndicaliste ouvrier qui constituera par la suite un creuset fécond pour le mouvement national, la résistance et la lutte armée pour l'indépendance dans laquelle humbles ouvriers et artisans du quartier prendront une part prépondérante. Ce fut aussi le vivier qui a vu l'éclosion du sport par la célèbre équipe de foot du TAS et des arts couronnés, une dizaine d'années après l'indépendance, par une rafraîchissante créativité loin des sentiers battus grâce à des groupes de musique dont Nass el Ghiwane.
Sans oublier l'empreinte très particulière de noirceur des années de plomb à travers le sinistre centre de détention secret que fut le commissariat de Derb Moulay Cherif situé à l'entrée nord-ouest du quartier.
En plus de ces aspects apparemment archiconnues, à travers lesquelles on semble dessiner schématiquement les contours désormais très familiers de l'identité du quartier, Najib Taki apporte des détails autant précis qu'imprévus parfois, vérifiant la véracité de bien des données qui semblaient aller de soi, découvrant les archives oubliées en allant aux origines des terrains avec les noms des propriétaires originaires de la tribu Lahraouiyyine fraction de Médiouna, des entreprises industrielles françaises avec des noms symboles (Chabbou du nom de deux entrepreneurs les Frères Chapon selon une version, Zaraba du nom de la société La Casaraba) etc.
Dans cet ouvrage, ce qu'on voit d'abord c'est le travail d'archiviste rassemblant patiemment des débris dispersés du passé dans une stricte chronologie en dévoilant les origines depuis la naissance de la première concentration de bidonvilles à Roches Noires les débuts des années vingt du XXème siècle sous le Protectorat français jusqu'au début des années 90 en passant par les luttes du mouvement national pour l'indépendance (années quarante et cinquante), la première école fondée par le Parti de l'Istiqlal en 1946 (l'Ecole Union du quartier industriel qui avait commencé avec des nattes de jonc comme mobilier et une poignée d'élèves avant de connaître un grand succès face à l'école créée par la Résidence générale installée au sein de Dar Bouazza dans une grande maison en dur au milieu des Carrières Centrales), le syndicalisme ouvrier, le sport avec l'équipe de foot du TAS et le stade Hofra, les cinémas Saada et Cherif. On y trouve également le réaménagement du quartier par Ecochard au début des années cinquante dont les traces restent tangibles jusqu'à aujourd'hui faisant du quartier Carrières Centrales/Hay Mohammadi un complexe assemblage entre des bidonvilles, des cités ouvrières dont la Cité Sucrière (1930-1932), La Socica, des lotissements comme Derb Moulay Cherif, Koudia, Saada, des immeubles en hauteur dont l'un des premiers construit vers la fin du Protectorat à Casablanca désigné comme «l'immeuble expérimental des Carrières Centrales » appelé Immeuble Bloc Riad ou encore Dar Alia suivant l'appellation populaire.
L'auteur recourt à une riche iconographie pour une bonne partie inédite, des photos de personnes de renoms mais aussi des personnes simples qui ont eu leur présence et leur apport pour le Hay. Cela s'agence comme pour redresser un tort d'oubli par omission avec reproduction de documents d'archives de l'administration. Ce faisant, le récit de l'historien prend parfois l'allure d'une monographie comme dit plus haut en étant ponctué de longues citations des documents de références en français ou en arabe. Abondamment illustré outre les photos, par des documents administratifs, coupures de journaux, extraits de reportages dont ceux du journal Al Alam sur les conditions de vie des Marocains dans les bidonvilles à diverses époques des années quarante et cinquante. Un exemple parmi d'autre, l'histoire de location de baraques ou encore leur déplacement d'un endroit à un autre, sur ordre des autorités coloniales, par des spéculateurs qui exploitaient la détresse humaine comme Belkhammar dont le nom est encore aujourd'hui très ancré dans les esprits des anciens du Hay, ou encore le récit sur les conditions difficiles du travail des femmes, parfois des adolescentes, voire des enfants, dans les usines de poissons la nuit avec les problèmes d'insécurité, agressions et viols. L'importance des témoignages oraux prend aussi une place de choix.
Est racontée l'histoire complexe de l'implantation des belles cités ouvrières réalisées par le grand architecte français Edmond Brion. Aujourd'hui défigurées par des constructions anarchiques en surélévation du fait de la quête de plus d'espace par les familles grandies, il semble que ces cités n'aient pas été construites toujours pour les beaux yeux des ouvriers mais parce qu'il y avait aussi entre 1926 et 1930 un véritable problème de sédentarisation de main-d'œuvre qui devait être logée à proximité des usines et éviter les velléités de nomadisme. Sans compter que, souvent, seuls les ouvriers qualifiés bénéficiaient de ces logements, en un mot l'élite selon un contrat de loyer que l'administration pouvait résilier à n'importe quel moment.
«Les bénéficiaires des cités ouvrières étaient tenus de rendre les clefs en cas de cessation de travail pour cause de retraite, décès ou expulsion ou arrestation. Le logement était de ce fait aussi un outil aux mains du patronat pour faire pression sur les ouvriers afin de les empêcher de faire grève ou pour punir ceux qui s'y livrent».
Des cas d'ouvriers abusivement évacués au temps du Protectorat de leur logement dans les cités ouvrières sont donnés.
Parfois, l'investigation harassante sur l'origine d'un nom finit par donner des fruits comme ce fut le cas du nom du quartier célèbre Derb Moulay Cherif dont le nom va par la suite et jusqu'à aujourd'hui porter une sombre connotation. Taki raconte comment il s'est trouvé confronté à plusieurs récits oraux expliquant l'origine du nom Derb Moulay Cherif. Une version, hasardeuse, voulait que le nom se rapporte à celui de l'ancêtre des souverains alaouites Moulay Ali Cherif. D'autres versions évoquent le nom d'un premier détenteur d'une maison dans le lotissement dans la rue n° 1 qu'il avait construite. Il est décrit comme ayant une haute taille et des yeux chassieux. Un autre récit parle d'un maçon qui s'était accaparé les chantiers de construction d'un grand nombre de maisons dans le Derb. L'auteur poursuit ses investigations et tombe enfin sur la vraie origine du nom qui est Moulay Brik Ben El Houcine employé de la SIMAF, lequel était chargé de la fonction de délimitation des lots dans le lotissement de Derb Moulay Cherif et qui deviendra par la suite un agent immobilier «semssar».
L'auteur indique en abordant le chapitre de la résistance que beaucoup reste encore à découvrir sur «l'étendue réelle des épreuves subies par les habitants des Carrières Centrales» notant par ailleurs que la levée du secret sur les archives de souveraineté de la France permettrait d'en prendre la pleine mesure.
A propos du commissariat de Derb Moulay Cherif, l'ouvrage apporte des éléments importants depuis la création de l'immeuble qui devait l'abriter en 1955 jusqu'à sa «mise à la retraite» début des années quatre-vingt-dix et ce sont les témoignages de victimes qui forment l'ossature de ce chapitre.
Le travail de recherche d'archives sur Hay Mohammadi pour Taki ne fut surtout pas une promenade de santé. Il dut faire face à de grandes difficultés et essuyer pas mal d'avanies, ce qui lui fait dire que jusqu'à aujourd'hui au Maroc, la recherche est toujours un parcours du combattant. Autrement dit, il faut vraiment s'accrocher pour pouvoir poursuivre jusqu'au bout. De ce fait, le souci primordial aura été l'accès au document d'archive comme si cela devait être une fin en soi dans l'espoir d'éclairer trop de coins d'ombre.
Saïd AFOULOUS
* Ouvrage de Najib Taki «Aspects de la mémoire des Carrières Centrales Hay Mohammadi à Casablanca au vingtième siècle, essai d'archivage», éditions Casamémoire 2012, Casablanca.


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