En 1996, l'équipe d'Afrique du Sud remportait la Coupe d'Afrique des nations à domicile et un championnat national professionnel était créé. Dix-sept ans plus tard, malgré une Coupe du monde 2010 brillamment organisée, le football sud-africain peine à se développer. La CAN 2013, prévue du 19 janvier au 10 février prochain, ne devrait rien y changer. « Vous pensez que l'équipe d'Afrique du Sud va réussir quelque chose de bien à la CAN 2013 ? » Le journaliste sud-africain qui conduit sur les routes de Durban éclate de rire pour toute réponse. Il ne se fait guère d'illusions : les Bafana bafana, qui pointent à la 76e place au classement des nations d'octobre 2012, n'iront pas très loin durant la Coupe d'Afrique des nations organisée ici du 19 janvier au 10 février 2013. Un football en régression En 1996, les Sud-Africains avaient pourtant remporté la CAN à domicile dans une explosion de joie et d'unité post-Apartheid. Dans le même temps, un championnat professionnel, la Premier soccer league (PSL), était lancé. Le football local semblait alors voué à un brillant avenir. Dix-sept ans plus tard, le bilan est toutefois négatif. Les Bafana bafana ont connu une régression contante. Ils ont gagné la CAN 1996, fini 2e en 1998, 3e en 2000, ont atteint les quarts en 2002, puis se sont arrêtés au premier tour en 2004, en 2006 et en 2008 avant de manquer les éditions 2010 et 2012. Les clubs de PSL font également pâle figure en Afrique. Ils figurent derrière ceux du Niger, au dix-septième rang du classement de la Confédération africaine de football. Et le dernier titre continental glané par un club sud-africain remonte à 2001. Les Kaizer chiefs avaient remporté la défunte Coupe des vainqueurs de coupe face à l'Inter Luanda. Des clubs sans ambition Comment expliquer des résultats aussi décevants de la part du pays le plus développé d'Afrique ? « Les clubs sud-africains ne sont pas vraiment intéressés par ces compétitions, souligne le défenseur congolais d'AmaZulu FC, Bukasa Kasonga, rencontré après un entraînement. On ne se bat pas pour y participer et gagner. Il n'y a pas tant d'argent que ça à gagner en Coupes d'Afrique. Payer le transport pour les matches à l'extérieur, c'est presque du gaspillage. » De fait, les clubs locaux n'ont pas besoin de la Ligue des champions CAF ou de la Coupe de la Confédération pour subsister. La PSL évolue dans un relatif confort financier. En 2011, ses dirigeants ont signé un juteux contrat de 277 millions de dollars avec le groupe de télévision privé Supersport. Les matches sont ainsi diffusés en permanence au même titre que ceux du championnat d'Angleterre ou de la Ligue des champions Uefa. Deux compétitions qui aimantent toutefois plus les regards dans les bars et cafés d'Afrique du Sud que la PSL. Des stades trop grands L'exposition médiatique ne fait pas tout. Les spectateurs garnissent rarement les tribunes des énormes stades construits pour la Coupe du monde 2010. « Les gens s'intéressent au football, ici, jure pourtant Bukasa Kasonga. Les gens aiment ça en Afrique du Sud. Mais on ne peut pas remplir des stades pareils. On peut peut-être les remplir à moitié. » Difficile en effet de combler les 95 000 sièges du Soccer City Stadium de Johannesburg...Les stades du Mondial 2010 ont tous les attributs des enceintes modernes avec commerces et centres de loisirs intégrés. Mais ça ne suffit pas à attirer les foules. Le Congolais Kasonga jette un coup d'œil dans son dos, vers le stade de son club, le Moses Mabhida Stadium de Durban et ses 54 000 places. Le joueur de RDC en est à son troisième club de PSL après l'Ajax Cape Town et Platinum Stars. En connaisseur, il tempère : « Le football évolue chaque année ici. Surtout grâce à la Coupe du monde. Beaucoup de choses ont bougé ici à partir de 2010. Les grands événements comme la Coupe d'Afrique des nations aident le foot à monter encore. » Le football pour les Noirs et le rugby pour les Blancs Le football reste cependant une passion pour la population noire d'Afrique du Sud. « Au rugby, il n'y a que des Blancs alors qu'au football, il n'y a que des Blacks, que ce soit dans les équipes ou parmi les supporters », explique ainsi le milieu de terrain malien des Golden Arrows, Souleymane Keita, tranquillement installé dans un café de Durban. La tendance ne s'est pas inversée malgré la victoire hautement symbolique de la CAN 1996. « Les Blancs aiment surtout le rugby, ici. Quelques-uns viennent regarder les matches (de foot) mais la majorité préfère encore le rugby, le cricket ou le golf », confirme Bukasa Kasonga. La CAN 2013, un test Dans ces conditions, la CAN 2013 peut-elle être un succès ? L'engouement populaire sera-t-il au rendez-vous ? « Moi qui vis ici, je peux dire que les gens attendent avec impatience la CAN. Les gens sont toujours derrière les Bafana bafana », défend Bukasa Kasonga. « On ne peut pas comparer avec ce qui s'est passé au Gabon (pays hôte de la dernière CAN), ajoute Souleymane Keita. Il n'y a pas eu d'installations à faire pour cette CAN en Afrique du Sud. Les Sud-Africains ont déjà les infrastructures donc ils n'ont pas besoin de refaire les choses, de prouver qu'ils s'intéressent à la CAN. » Plus que le Maroc encore, l'Afrique du Sud semble être devenue une terre d'accueil pour les grands événements sportifs. La Coupe du monde 2010 en a été le parfait exemple. Le pays a reçu tous les éloges pour son organisation. En revanche, pour la première fois dans l'histoire du Mondial, l'équipe hôte a été éliminée dès le premier tour du tournoi.