«C'est la guerre ouverte entre certains professeurs permanents de l'ancienne et ceux de la nouvelle génération de l'Ecole Nationale d'Architecture (ENA)» affirme franchement le Pr. Najib Benchekroun, enseignant et directeur adjoint chargé des études à l'ENA. «La campagne de dénigrement que mènent ces enseignants proches de la retraite contre ceux qui ont été leurs étudiants dure depuis décembre 2011 et son début coïncide avec la nomination du nouveau gouvernement, puisqu'il faut dire les choses franchement». Attablés dans une salle de réunion de l'école avec une dizaine de professeurs, les journalistes invités au point de presse écoutent les plaintes des enseignants de l'ENA envers quelques uns de leurs collègues plus anciens, qui sont aussi membres du bureau sortant du syndicat SNE-Sup de l'ENA. «Et dire que nous avons voté pour eux !» s'exclament ces professeurs. «Nous avons attendu que l'année scolaire se termine et que nous en ayons fini avec l'organisation et la tenue du concours d'accès à l'école avant de nous consacrer à cette lutte dont nous nous serions bien passé» affirme le Pr. Benchekroun. «Sauf qu'il faut bien mettre un terme à leurs harcèlements et à leurs prises de position au nom de tous les professeurs de l'ENA, alors qu'ils ne sont nullement mandatés pour ce faire». «Créée en 1980, l'Ecole Nationale d'Architecture, ne formait au début que 40 à 50 architectes par an et dépendait du ministère de l'Intérieur qui décidait de tout au sein de cet établissement», rappelle le Pr. Benchekroun. «Puis, depuis l'inauguration du nouveau siège à Madinat Al Irfane, à Rabat, en 2000, les choses ont beaucoup changé. La situation de l'école a été assainie, d'importantes réformes ont été opérées et de nouveaux profils sont venus renforcer le corps professoral dans les domaines du patrimoine et de l'urbanisme. L'école a beaucoup évolué et des annexes ont été créées à Fès, Tétouan et Marrakech». «Or, ces changements sont loin de plaire à quelques vieux professeurs qui ont monopolisé le processus de prise de décision à travers leur appartenance au bureau du syndicat de l'école et se permettent même de prendre des positions au nom de tous les enseignants de l'école sans y être autorisés», explique le Pr. Abdelfattah Ezzine. «D'ailleurs c'est simple, depuis qu'ils sont au bureau du syndicat, pas une seule assemblée générale n'a été tenue et ils se sont même permis d'exclure une des membres du bureau. Alors que leur mandat au sein de ce bureau a pris fin le 14 juin, ils continuent pourtant d'agir comme s'ils avaient encore la légitimité de représentation des enseignants de l'école». «Nous, professeurs permanents de la nouvelle génération, avons été récemment régularisés dans nos postes, mais en fait nous enseignons depuis des années à l'école. D'abord avec le statut d'architectes versés à l'enseignement, puis nous avons préparé et obtenu nos diplômes de doctorat, alors que les anciens enseignants ne sont pas titulaires du doctorat», précisent les professeurs Khadija Karibi, Wafa Belarbi et Mouna Mhamdi. «Les professeurs de la nouvelle vague se plaignent d'harcèlement de la part de leurs collègues de l'ancienne génération, qui mènent une campagne de dénigrement du travail des nouveaux enseignants et de l'administration de l'ENA dans la presse, dans le cadre d'une lutte ouverte de ces derniers contre la direction de l'école», ajoute le Pr. Ezzine. «Ils sont allé même jusqu'à des poursuites en justice totalement infondées». «Pourtant, ces vieux professeurs enseignent dans le secteur privé sans être autorisés à le faire et signent des diplômes d'architectes d'intérieurs en faisant croire aux parents des étudiants qu'il s'agit d'équivalents du diplôme d'architecte. C'est d'ailleurs une affaire qui avait fait sensation dans la presse il y a quelques temps. Ils ont également détourné un projet élaboré par les enseignants de l'école pour la création d'un pôle de formation aux métiers de l'architecture qui devait être présenté au gouvernement après avoir cheminé le long du processus administratif, mais qui a été présenté bien avant et tel quel par l'école d'architecture privée dans laquelle ils enseignent sans y être autorisés. Ils boycottent les conseils de classe et ne participent pas à la tenue des concours d'accès des étudiants. Certains d'entre eux, porteurs de certaines idées politiques, influent sur leurs étudiants de manière négative», précisent encore les plaignants.