A quoi a servi la révolution de la place Tahrir ? A la veille du second tour de la présidentielle, de plus en plus d'Egyptiens ont le sentiment de devoir choisir entre un mal et un moindre mal, et certains éditorialistes sont même allés jusqu'à comparer le scrutin des 16 et 17 juin à un parfait dilemme entre la peste et le choléra ! Contrairement aux pronostics des sondages biaisés, les favoris Amr Moussa et Abou El Foutouh ne sont pas présents au second. Ces sondages avaient même minimisé les chances de Morsi et de Hamdine Sabahi. Le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, est arrivé en tête du scrutin avec 27,78 % des voix, talonné par Ahmed Chafiq, cacique de l'ancien régime avec 23,66 % des suffrages exprimés. Les deux candidats ont profité du système d'allégeance clanique qui sévit en Egypte, et il est difficile de dire aujourd'hui lequel des deux sera élu président. Cependant, l'ancien régime a su reconstruire ses réseaux et Chafiq pourrait percer en récupérant les voix des partisans d'Amr Moussa, celles de Sabahi et même de ceux qui veulent contrer les Islamistes. Quant à Morsi, s'il peut compter sur tous les révolutionnaires dont le pire cauchemar serait de voir l'ancien Premier ministre de Moubarak devenir président, par contre, il risque de perdre énormément de voix, car Abou El Foutouh n'a pas donné de consignes de vote et n'a pas clairement appelé à voter pour le candidat des Frères musulmans. Pendant ce temps, les réseaux de l'ancien régime, dont surtout les très influents réseaux médiatiques, n'ont pas rendu service à leur pays en réduisant l'enjeu du scrutin à l'équation « Etat laïc (sécuritaire !) contre Etat religieux », contribuant surtout à biaiser le débat, à manipuler l'opinion ! En tout état de cause, le courant révolutionnaire ne doit s'en prendre qu'à lui-même car au lieu de s'unir autour d'un seul candidat au premier tour, il s'est dispersé et se retrouve aujourd'hui avec deux finalistes qui risquent de signer définitivement l'arrêt de mort de la Révolution égyptienne.