Le candidat des Frères musulmans au deuxième tour de l'élection présidentielle en Égypte a courtisé les chrétiens, les femmes et les partisans des militaires au pouvoir mardi, dans une tentative d'élargir sa base de soutien et d'exploiter le stigmate associé à son rival, un haut responsable de l'ancien régime. Le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, a fait de nouvelles promesses de campagne lors d'une conférence de presse mardi au Caire. Il a notamment promis de protéger les droits de la minorité chrétienne et des femmes s'il est élu à la présidence. Il a aussi tenté de rassurer les groupes de jeunes militants pro-démocratie en affirmant qu'il protégerait leur droit d'organiser des manifestations. Mohammed Morsi a obtenu le meilleur score au premier tour de la présidentielle, la semaine dernière. Il affrontera Ahmed Shafiq, un ancien commandant de l'armée de l'air, lors du deuxième tour qui aura lieu les 16 et 17 juin. Les deux candidats sont des personnalités très controversées et tentent d'élargir leur base respective en s'adressant à des franges de la population qui n'ont pas voté pour eux au premier tour. Devant les journalistes au Caire, Mohammed Morsi a déclaré qu'il envisageait de nommer des chrétiens comme conseillers présidentiels et même d'en nommer un à la vice-présidence «si possible». Il a assuré qu'il n'imposerait pas un code vestimentaire islamique aux femmes. «Nos frères chrétiens sont des partenaires de la nation. Ils auront des droits égaux à ceux des musulmans», a dit M. Morsi. «Ils seront représentés comme conseillers de l'institution présidentielle et peut-être même à la vice-présidence, si possible.» Les femmes auront tous les droits en termes d'emploi et d'éducation, a-t-il assuré. «Les femmes ont le droit de choisir librement la tenue qui leur convient», a ajouté M. Morsi. Le candidat des Frères musulmans a aussi salué les généraux qui ont pris le pouvoir après la chute d'Hosni Moubarak, tout en admettant que des erreurs avaient été commises pendant la période de transition. «Il n'y a pas un seul Égyptien qui n'aime pas l'armée. L'armée a joué un rôle glorieux en protégeant la révolution», a affirmé M. Morsi. «Il y a eu des erreurs, oui, mais aussi des étapes positives. Parmi ces étapes positives, il y a les élections organisées sous la protection de la police et de l'armée.» Mohammed Morsi a promis de créer un large gouvernement de coalition et a affirmé que la nouvelle Constitution serait rédigée par un comité véritablement représentatif du pays. M. Morsi a également promis de lever l'état d'urgence en vigueur depuis des décennies en Égypte, et qui donne à la police des pouvoirs élargis d'arrestation et de détention. Nouvelle flambée de violence Toutefois, le pays a connu une nouvelle flambée de violence après l'annonce officielle des résultats de l'élection présidentielle, qui a qualifié le Frère musulman Mohamed Morsi et l'ex-général Ahmed Chafik pour un second tour très incertain. Lundi soir au Caire, des manifestants ont tenté d'incendier le QG de campagne de Chafik, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, un cacique du régime déchu considéré par beaucoup comme le candidat de l'armée. Aucun des deux hommes arrivés en tête au soir du premier tour dans le pays le plus peuplé du monde arabe n'a franchi les 25% des suffrages. De nombreux électeurs ont préféré éparpiller leurs voix sur des candidats plus «centristes» plutôt que de choisir entre un «barbu» et un «feloul» (expression péjorative désignant un vestige de l'ancien régime). Certains parmi la foule descendue lundi soir par milliers dans les rues de la capitale arboraient des posters du Frère musulman Morsi au visage barré. La plupart néanmoins scandaient des slogans dirigés contre Chafik, un militaire de carrière qui a commandé l'armée de l'air sous Moubarak, pour lequel il n'a jamais caché une admiration filiale. «Non à Chafik, non au feloul !», ont taggé des manifestants armés de cocktails Molotov sur les murs de la villa abritant le siège de campagne de l'ancien général. Les locaux ont échappé aux flammes. L'agence officielle de presse égyptienne a rapporté que quatre personnes avaient été arrêtées dans le cadre de l'enquête sur l'incendie. Deux d'entre elles appartiennent à un parti centriste et une troisième à un parti libéral. Les Frères musulmans, qui contrôlent la nouvelle Assemblée constituante élue en octobre, ont, quant à eux, démenti toute implication dans cette attaque qui a été condamnée par d'autres candidats éliminés au premier tour. Une partie des protestataires s'est retrouvée ensuite sur la place Tahrir, le rendez-vous mythique des révolutionnaires qui renversèrent le «raïs» le 11 février 2011. Des dizaines de manifestants ont participé mardi à un autre rassemblement anti-Chafik, à Alexandrie. «Non à Ahmed Chafik, un homme de l'ancien régime», pouvait-on lire sur l'une des banderoles tenues par les participants. Avant même le premier tour, organisé les 23 et 24 mai, les jeunes à l'avant-garde de la «révolution du Nil» avaient juré de redescendre dans la rue au cas où Chafik serait en course pour devenir le prochain président. Paradoxalement, les violences pourraient se révéler être le meilleur atout dans la manche du général, qui a promis haut et fort de rétablir rapidement l'ordre en Egypte. Nombreux sont les habitants de ce pays qui, tout en se réjouissant de la chute du régime Moubarak, aspirent aujourd'hui à une stabilité politique propre à relancer une économie mise à genoux après un an et demi de soubresauts politiques. Morsi et Chafik cherchent aujourd'hui à élargir leur base électorale dans la perspective du second tour, prévu les 16 et 17 juin.