Les deux principaux candidats à l'élection présidentielle en Egypte Amr Moussa et Abdel Moneim Aboul Fotouh ont échangé des piques jeudi soir lors d'un débat télévisé historique et inimaginable sous l'ère Moubarak, renversé en février 2011 par un soulèvement populaire. Balayant aussi bien la question de la charia que la politique à mener vis-à-vis d'Israël, les deux candidats, qui font la course en tête dans les sondages devant leurs 11 autres concurrents, ont tenté pendant plus de quatre heures de se déstabiliser l'un l'autre à une dizaine de jours du scrutin. Lors de ce premier débat télévisé de l'histoire du pays, retransmis par deux chaînes privées, l'ancien membre des Frères musulmans et islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Fotouh s'en est pris au parcours politique d'Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères d'Hosni Moubarak entre 1991 et 2001. «Il y a une règle selon laquelle celui qui a un jour fait partie du problème ne peut pas le résoudre», a-t-il lancé à l'intention de l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe (2001 à 2011). «Le régime qui est tombé, est tombé sans Moussa. Je pense que vous aussi, vous étiez trop silencieux. Vous défendiez les positions des Frères musulmans et non les intérêts des Egyptiens», a répliqué Moussa, qui a rappelé qu'il avait quitté le ministère des Affaires étrangères en 2001. L'ancien diplomate de la Ligue arabe a accusé son adversaire, qui se présente comme le candidat du rassemblement, de manier le double langage pour s'assurer le soutien des salafistes et des libéraux. «Avec les salafistes, il se présente comme salafiste. Avec les libéraux, il est libéral. Avec les centristes, il est centriste», a-t-il raillé, avant de se présenter comme l'homme dont l'Egypte a besoin pour traverser sa «crise existentielle.» Les deux candidats se sont engagés à réexaminer le traité de paix conclu en 1979 avec Israël, un pays qualifié «d'ennemi» par Aboul Fotouh et «d'adversaire» par Moussa. Dans un café du Caire, où le débat était retransmis, plusieurs Egyptiens ont salué l'initiative. «Les débats décident des vainqueurs aux Etats-Unis. Nous voulons la même chose en Egypte», a indiqué Ahmed Hussein, un étudiant qui votera pour Aboul Fotouh. «C'est une bonne chose pour les gens de regarder et de se forger une opinion», a renchéri Hassan Abdel Aal, qui pour sa part glissera un bulletin Amr Moussa dans l'urne. Les Egyptiens sont appelés à voter les 23 et 24 mai pour le premier tour de l'élection présidentielle qui devrait donner lieu à un second tour en juin entre les deux candidats sur les 13 qui briguent la succession de l'ancien raïs. Parmi les autres candidats, figurent Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, l'ancien Premier ministre Ahmed Chafiq, et Hamdine Sabahy, candidat de la gauche. Le Conseil suprême des Forces armées (CSFA), au pouvoir en Egypte depuis la chute de Moubarak, s'est engagé à remettre le pouvoir au nouveau président élu d'ici au 1er juillet et à organiser des élections libres.