Dioncounda Traoré a prêté serment jeudi pour un intérim à la présidence du Mali avec la tâche quasi impossible d'organiser une élection présidentielle dans un pays coupé en deux depuis la récente proclamation de l'indépendance du Nord. "Je suis le président d'un pays qui aime la paix", a déclaré le nouveau chef de l'Etat, après une brève cérémonie à Bamako. "J'appelle les rebelles à mettre fin à tous leurs abus". Dioncounda Traoré, qui occupait le poste de président de l'Assemblée nationale, hérite d'un pouvoir dont se sont emparés les putschistes du 22 mars qui justifiaient leur coup d'Etat par l'incurie des autorités face à la rébellion touarègue dans le nord mais n'ont fait qu'accélérer la progression des insurgés. Vingt jours après le putsch, les touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et des milices islamistes, dont Ansar Dine, ont pris les villes de Gao, Kidal et Tombouctou et contrôlent les trois quarts du territoire malien. Si de nombreux Maliens voient en Dioncounda Traoré, 70 ans, une incarnation des élites qui ont été incapables de maintenir l'ordre dans le Nord, ses partisans affirment, eux, qu'il est l'homme de la situation. "C'est un homme d'un grand courage, d'un grand calme, tout ce dont le pays a besoin maintenant", assure Tiebilé Dramé, qui l'a côtoyé en prison dans les années 1980, lorsque tous deux avaient été incarcérés sous la dictature de Moussa Traoré. Au début de l'année, tandis que les rebelles touaregs profitent du retour en nombre d'anciens mercenaires ayant servi en Libye le régime de Mouammar Kadhafi, Dioncounda Traoré met en garde contre les risques de coup d'Etat, même si une élection présidentielle est programmée le 29 avril. "Tout est possible, même un coup d'Etat militaire", prévient-il le 16 février lors d'une conférence de presse. "Si les élections n'ont pas lieu à la date prévue, tout pourra se passer, tout", insiste celui qui figure alors parmi les favoris du scrutin. Le putsch a eu lieu avant l'élection, et Traoré se retrouve aujourd'hui à la tête d'une administration de transition. L'ironie du sort ne lui aura certainement pas échappé. Aux termes de l'accord négocié avec les putschistes du capitaine Amadou Sanogo, Dioncounda Traoré doit organiser une élection présidentielle dans un délai de 40 jours. La mission semble impossible. Certains doutent même de la capacité de Traoré de faire face à la crise dans le nord. "Lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, il n'a jamais eu le courage de dire au peuple la vérité sur ce qui se passait dans le Nord", dit Mariam Sacko, vendeuse de rue à Bamako. Pour Aziz Ould Mohamed, qui habite aussi Bamako, sa proximité avec le gouvernement déchu d'Amadou Toumani Touré est aussi un handicap. "Dioncounda, dit-il, est président par accident."