24 heures après le début du putsch militaire au Mali, la situation était encore très fragile et on ignorait toujours , avec certitude, où peut se trouver le président Amadou Toumani Touré. Dans les rues de Bamako, plusieurs scènes de pillages ont été rapportées, et des hommes armés circulaient dans la capitale. Le coup d'Etat a fait au moins trois morts, selon des sources militaires. Les Maliens ont vécu, incrédules, une journée de pillages le 22 mars. Quelques heures après le coup d'Etat, la soldatesque a fait sa loi dans les rues de Bamako, dévalisant les boutiques et des demeures, au risque de s'aliéner tout soutien du côté de la population. Parmi les villas pillées, celle de Soumaïla Cissé, 63 ans, président de 2004 à 2011 de la Commission de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et candidat à la présidentielle qui devait se tenir le 29 avril prochain. Les nouveaux hommes forts du pays, menés par Amadou Sanogo, un capitaine de 39 ans, fils d'un médecin de Ségou, contrôlent-ils vraiment leurs hommes? Même le palais présidentiel de Koulouba aurait été dévalisé par les militaires, des sols aux plafonds – les soldats emportant l'épaisse moquette rouge des salons d'honneur, avant de mettre le feu au bâtiment. Alors qu'on se perd en conjectures sur le sort d'Amadou Toumani Touré, le président destitué, plusieurs sources indiquent qu'il aurait été exfiltré du palais de Koulouba par des forces spéciales américaines, juste avant l'arrivée des mutins. Il n'aurait pas eu le temps de prendre ses affaires personnelles. Quand aux autres poids lourds de la politique malienne, ils ont été soit arrêtés et emmenés à Kati, la ville-garnison d'où la mutinerie est partie, soit contraints de prendre la fuite et de se cacher. Parmi les caciques du régime arrêtés figure l'ancien inspecteur de police et ex-Premier ministre Modibo Sidibé, 60 ans. Ce proche d'Amadou Toumani Touré, ancien Premier ministre (2007-2011), était candidat à la présidentielle en tant qu'indépendant, sans parti politique. Dioncounda Traoré, 70 ans, actuel président de l'Assemblée nationale et chef de l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), le principal parti du Mali, se trouverait en sécurité au Burkina Faso. Quant à Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), 67 ans, ancien Premier ministre (1994-2000) d'Alpha Oumar Konaré et chef du Rassemblement pour le Mali (RPM), il se trouverait en sécurité à l'intérieur du pays. Pas de nouvelles de Soumaïla Cissé, chef de l'Union pour la République et la démocratie (URD), dont on ne sait s'il se trouve ou non au Mali. Tout a commencé mercredi lorsque des soldats se sont mutinés pour réclamer plus de moyens pour la guerre contre les rebelles dans le Nord, immense région désertique également en proie à des activités de groupes islamistes armés, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La mutinerie, partie de la ville garnison de Kita (15 km de Bamako), a gagné Koulouba (près de Bamako) où se trouve la présidence, puis la capitale et Gao (nord-est), abritant un commandement anti-rébellion de l'armée. Jeudi, les mutins ont annoncé avoir mis «fin au régime incompétent» du président Touré. Ils ont décrété la dissolution de «toutes les institutions» et un couvre-feu, de 18h00 à 06h00 GMT. Ils ont fermé les frontières du Mali «jusqu'à nouvel ordre» et invité les fonctionnaires à reprendre le travail mardi 27 mars. «Plus une seule caméra» Dans les combats avec la garde présidentielle près de Koulouba, un mutin a été tué mercredi, selon une source militaire, alors que l'ONG Amnesty International a recensé trois personnes tuées par balles. En deux jours, environ 40 blessés, dont «trois à quatre civils», la plupart touchés par des balles perdues, ont été hospitalisés à Bamako et Kati, selon la Croix-Rouge malienne. Plusieurs personnes ont été arrêtées, dont des membres du gouvernement de M. Touré et des chefs militaires loyalistes à Gao, selon des sources concordantes. Les autorités maliennes ont dû gérer ces dernières semaines la colère contre la guerre sur deux fronts: au sein des troupes, qui dénonçaient des soldats mal préparés et sous-équipés face à des adversaires lourdement armés, et au sein des familles de soldats, qui critiquaient une réaction molle et le silence officiel sur les conditions des leurs, dont certains ont été exécutés. Les putschistes ont fustigé «l'incapacité» du gouvernement «à gérer la crise» dans le Nord, promettant de «restaurer le pouvoir» civil et d'installer un gouvernement d'union nationale. Jeudi soir, ils semblaient peiner à contrôler des auteurs de saccages et de pillages. Au siège de la radio-télévision publique ORTM, «il ne reste plus une seule caméra», des soldats ont emporté divers biens publics et privés, selon des employés. La télévision privée panafricaine Africable, basée à Bamako, a vu son signal coupé plusieurs heures, selon un de ses responsables. Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé la «prise en otage» de l'information. Le putsch interrompt un processus électoral qui prévoyait une présidentielle le 29 avril, couplé à un référendum constitutionnel, avant des législatives en juillet. Elu en 2000 et en 2007, M. Touré devait céder son fauteuil après ses deux mandats, conformément à la Constitution.