La colère des militaires suite aux événements de ces derniers jours au nord du pays a finalement eu raison de la démocratie malienne. En effet, une partie de l'armée s'est rebellée dans la nuit du mercredi à jeudi et a réussi à renverser le régime du président Amadou Toumani Touré, selon les militaires. Après une protestation, mercredi matin à Kati, ville située à une quinzaine de kilomètres de la capitale Bamako, les mutins ont ensuite pris d'assaut l'ORTM (Office de radiodiffusion et de télévision du Mali) avant de se diriger vers le palais présidentiel. De violents combats ont ainsi éclaté entre la Garde républicaine et les mutins. Après une résistance de quelques heures, les bérets rouges de la Garde présidentielle n'ont eu de choix que de céder, et le Palais, en grande partie brûlé, a été investi. Plusieurs morts auraient été comptabilisés, mais aucune information fiable n'a circulé sur la localisation du chef de l'Etat, Amadou Toumani Touré. Ce coup d'état intervient alors que le chef de l'Etat, en fin de mandat, s'apprêtait à laisser le pouvoir à l'issue de la présidentielle au 29 avril. La démocratie mise à mal Ce putsh est un sérieux coup dur pour ce pays de l'Afrique de l'Ouest, souvent cité sur le plan international comme modèle de démocratie. Pour l'heure, la junte au pouvoir a décrété le couvre-feu dans la capitale et annoncé la suspension de « toutes les institutions » du Mali. La situation reste tendue car des tirs sporadiques se faisaient encore entendre, hier, à Bamako où les habitants, pris de peur, étaient en majorité restés terrés dans leurs maisons. Officiellement, les mutins ont agi de la sorte pour protester contre la tournure que prend le conflit au Nord-Mali. Ils dénoncent « l'incapacité du gouvernement à gérer la situation ». Selon un membre de la junte, c'est le « manque de matériel adéquat pour la défense du territoire national par l'armée malienne et l'incapacité du pouvoir à lutter contre le terrorisme » qui justifient leur acte. C'est donc le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE), mis en place dans la foulée par les mutins, qui dirige le pays depuis le putsh. « Nous avons agi de la sorte pour faire face à l'incapacité du régime du président Amadou Toumani Touré à gérer la crise au nord de notre pays, en proie à une rébellion touareg et aux activités de groupes islamistes armés depuis la mi-janvier », a affirmé hier matin sur la chaîne nationale Amadou Konaté, le porte-parole du CNRDRE. Plusieurs ministres et hommes politiques ont également été arrêtés. Condamnations Les condamnations fusent de partout. La CEDEAO,(Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), l'Union Africaine et l'Union européenne ont condamné, jeudi, le putsh. L'Algérie, pays frontalier, se dit également préoccupée par la situation. La France, quant à elle, s'est pressée de réclamer la tenue d'élection présidentielle le plus vite possible. « La France condamne le coup d'état militaire parce que nous sommes attachés au respect des règles démocratiques et constitutionnelles. Le rétablissement de l'ordre passe par l'organisation d'élections le plus vite possible », a déclaré sur Europe1, Alain Juppé, le chef de la diplomatie française. Déjà accusé par l'ancien pouvoir de soutenir l'insurrection touarègue, la réaction de Paris a suscité moult réactions au sein des Maliens. D'aucuns y voient une manière subreptice de cautionner le coup d'état militaire. L'heure est donc à l'incertitude dans ce pays où le trafic de drogue et le terrorisme se développent depuis quelques années. Après des années d'effort pour bâtir une vraie démocratie, tout porte à croire que le Mali doit encore tout reprendre.