Vingt-deux personnes ont été tuées dans des affrontements en Egypte, a indiqué le ministère de la Santé, lundi 21 novembre. Des violences ont éclaté entre la police et des manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire, à une semaine du premier scrutin législatif depuis le départ d'Hosni Moubarak. Le précédent bilan, basé sur des sources officielles et médicales, était de 15 morts depuis le début des affrontements samedi, dont 14 au Caire et un à Alexandrie. Dans la nuit de dimanche à lundi, des milliers d'Egyptiens occupaient la place Tahrir, au Caire, après avoir repoussé la police, tandis que de violents affrontements se poursuivaient dans les rues adjacentes au site emblématique, foyer de la révolte qui a chassé le président Moubarak en février. Les manifestants installés place Tahrir, au Caire, pour réclamer une accélération du retour à un régime civil, ont fait échec lundi à une nouvelle tentative de dispersion des forces de l'ordre, rapportent des témoins. Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène et s'en sont pris à un hôpital de fortune, ont-ils précisé, ajoutant que les contestataires avaient riposté en leur lançant des morceaux de bétons arrachés à la chaussée. Douze personnes au moins ont été tuées ce week-end lors d'affrontements similaires. L'Egypte n'avait pas connu de telles scènes de violences depuis le renversement d'Hosni Moubarak, le 11 février, au terme de la "révolution du Nil". Selon la télévision publique, ces violences ont fait dix morts pour la seule journée dimanche, auxquels s'ajoutent les deux décès signalés samedi, au premier jour des affrontements. Les blessés se comptent par centaines. Des dizaines de personnes ont été arrêtées. Ces tensions interviennent une semaine avant le début des élections législatives le 28 novembre, premier scrutin de l'après-Moubarak. Les autorités affirment que la police n'a pas ouvert le feu sur les manifestants mais ces derniers ont brandi des cartouches, des douilles et des grenades vides de gaz lacrymogènes. "Le peuple veut la chute du régime", ont scandé des milliers de manifestants avant et après la charge de la police, appuyée par des militaires qui étaient jusqu'à présent restés en retrait. D'autres slogans visaient directement le maréchal Hussein Tantaoui, qui fut pendant vingt ans le ministre de la Défense de Moubarak et dirige le Conseil suprême des forces armées (CSFA), à la tête de l'Egypte depuis le renversement du "raïs". Les forces de l'ordre étaient déjà intervenues dimanche soir pour tenter d'évacuer la place Tahrir à coups de matraques et de grenades lacrymogènes, mais des manifestants se sont regroupés et ont passé une troisième nuit sur ce site-symbole de la révolution de l'hiver dernier. Le Mouvement du 6-Avril, qui fut en pointe dans la contestation contre le régime de Moubarak, a prévenu qu'il resterait place Tahrir tant que ses exigences n'auraient pas été acceptées. Il réclame notamment un engagement sur la tenue de l'élection présidentielle d'ici avril prochain et la constitution d'un gouvernement de salut national en lieu et place du CSFA. Des milliers de manifestants à Alexandrie, à Suez et Ismaïlia, et dans le nord du Sinaï L'armée a pris les rênes du pays après la chute d'Hosni Moubarak et les manifestants soupçonnent les militaires d'oeuvrer en coulisses pour conserver le pouvoir tandis qu'ils supervisent le processus de transition. Les généraux du CSFA démentent ces accusations et le gouvernement qu'ils ont formé a répété dimanche que les élections débuteraient bien le 28 novembre. Ce scrutin, étalé sur plusieurs semaines, doit aboutir à la formation d'une assemblée qui désignera une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Une élection présidentielle sera ensuite organisée, certainement pas avant fin 2012. Des manifestations ont aussi eu lieu dans d'autres villes du pays dimanche. A Alexandrie, sur la côte méditerranéenne, plus de 2.000 personnes ont assisté aux obsèques de Bahaa el Senoussi, un manifestant tué. Plusieurs centaines d'entre elles se sont ensuite rassemblées devant la préfecture en criant "Les responsables du ministère de l'Intérieur sont des voyous". Des manifestants ont aussi défilé dans l'est de l'Egypte, à Suez et Ismaïlia, et dans le nord du Sinaï, par solidarité. Au Caire, les heurts ont éclaté samedi lorsque les policiers ont tenté une première fois d'évacuer les quelque 500 manifestants qui se trouvaient toujours sur la place, au lendemain d'une grande manifestation qui avait réuni 50.000 personnes. "Des pratiques de l'ancien régime" "Nous sommes au bord du danger", a dit le général Mohsen Fangary, membre du CSFA. "Ceux qui demandent la chute du gouvernement demandent la chute de l'Etat." Les Frères musulmans, dont le parti Liberté et justice fait figure de favori des élections, ont condamné l'intervention des forces de sécurité au Caire même si eux-mêmes s'étaient auparavant retiré de la place Tahrir. "Cela rappelle les pratiques du ministère de l'Intérieur de l'ancien régime", disent-ils dans un communiqué. Mohamed ElBaradeï et Abdallah al Achaal, tous deux candidats potentiels à l'élection présidentielle, ont dénoncé les violences contre les manifestants et réclamé la formation d'un gouvernement de salut national, a rapporté l'agence de presse Mena. Par la voix de Catherine Ashton, sa représentante diplomatique, l'Union européenne a invité les autorités égyptiennes à mettre fin aux violences contre les manifestants et à garantir le bon déroulement de la transition vers la démocratie. Catherine Ashton a fait part de sa "profonde préoccupation" et a demandé le respect des droits de l'homme dans les opérations de maintien de l'ordre.