Les élections législatives en Turquie ont offert une victoire attendue au parti conservateur AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui n'obtient toutefois pas le nombre de sièges requis pour convoquer un référendum constitutionnel. Après le décompte de 99,7 % des bulletins, le parti conservateur est crédité de 49,9% des suffrages, mais cela n'est pas suffisant pour réunir les 330 élus nécessaires sur les 550 que compte le Parlement. Selon les projections, l'AKP devrait obtenir 325 sièges, soit cinq de moins que le nombre exigé pour la convocation d'une consultation référendaire. Aux précédentes élections de 2007, l'AKP, créé à partir d'une formation islamiste interdite à la fin des années 1990, libéral au plan économique et conservateur sur les questions de société, avait recueilli 46,5% des voix et 331 élus. Les conservateurs vont donc devoir passer des alliances avec d'autres formations politiques pour mettre en oeuvre leur projet de réforme de la loi fondamentale rédigée il y a près de 30 ans lors de la période militaire. Erdogan a lui-même pris acte du message transmis par les électeurs turcs en annonçant qu'il allait travailler à dégager un consensus avec ses opposants pour donner au pays une nouvelle Constitution. "Le peuple nous a transmis le message d'élaborer une nouvelle Constitution à travers le consensus et la négociation", a-t-il déclaré dans une allocution à l'adresse de ses supporters depuis le balcon du siège de son parti à Ankara. Des observateurs-satisfecit L'AKP s'assure une troisième législature mais l'absence de majorité qualifiée a été accueillie favorablement par les observateurs qui y voient une chance pour la démocratie et pour l'économie de la Turquie. "Les résultats de cette élection pointent vers le meilleur scénario possible pour les marchés: une solide majorité de l'AKP mais pas de majorité à 330 sièges requise pour amender la Constitution et la soumettre à référendum", a dit Wolfango Piccoli, un analyste basé à Londres. "En n'atteignant pas les 330 élus, l'AKP va devoir entamer des négociations avec l'opposition pour obtenir les changements qu'il souhaite", a-t-il ajouté. Le principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche) obtient 25,9% des suffrages (135 sièges) et la troisième force politique du pays, le parti du Mouvement nationaliste (MHP) est crédité de 13,1% des voix (54 sièges). Après avoir voté dans une école primaire transformée en bureau de vote sur la rive asiatique d'Istanbul, Erdogan a déclaré que ce scrutin devait donner la parole au peuple. "J'espère que ces élections contribueront à consolider la paix, les droits et les libertés", a-t-il dit devant les caméras de télévision en présence de son épouse et de sa fille, qui portaient un foulard sur la tête. Une fois reconduit, ce dont personne ne doutait, le Premier ministre entend modifier la Loi fondamentale élaborée en 1982 à la suite du coup d'Etat militaire de 1980. Erdogan assure que la nouvelle Constitution s'appuiera sur des principes démocratiques et pluralistes, mais ses détracteurs dénoncent ses tendances autocratiques et lui prêtent l'ambition de se hisser plus tard au poste de chef de l'Etat dans le cadre d'un système présidentiel renforcé. Quinze partis concouraient à ces élections pour 7.695 candidats, y compris les indépendants. Pour obtenir une représentation au Parlement, un parti doit obtenir au moins 10% des voix sur le plan national. Ce seuil, l'un des plus élevés au monde, empêche beaucoup de petites formations d'avoir des députés. Certains, comme le parti pro-kurde Paix et Démocratie (BDP), contournent la difficulté en présentant des candidats indépendants, qui peuvent ensuite les représenter au Parlement s'ils sont élus.