La Cour constitutionnelle turque a donné raison à l'opposition laïque, en annulant le premier tour de la présidentielle. À la défaveur du candidat islamiste Abdullah Gül. Un évènement sans précédent en Turquie. Pour la première fois de l'histoire du pays, la Cour constitutionnelle, saisie par l'opposition, annule le premier tour de l'élection présidentielle. L'instance a justifié sa décision par le fait que le quorum requis n'a pas été atteint. Le candidat unique à la présidentielle, Abdullah Gül, un proche du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a recueilli 357 voix, alors qu'il lui en fallait 367 sur un total de 550 sièges, soit deux tiers du Parlement, pour être élu. L'opposition avait boycotté le scrutin. Dans le passé, plusieurs présidents turcs, dont le chef de l'Etat sortant Ahmet Necdet Sezer, avaient été élus sans que le quorum ne soit atteint. Le verdict de la Cour constitutionnelle est donc inédit. Ainsi, la partie d'échecs à laquelle se livrent le PJD turc (AKP) et les défenseurs de la laïcité se voit prolongée. Face à ce revers, Recep Tayyip Erdogan n'y avait d'autres issus que de convoquer la tenue d'élections législatives anticipées. «Notre système parlementaire a été bloqué, nous allons rapidement nous tourner vers le peuple, c'est lui qui prendra les meilleures décisions», a-t-il déclaré à la télévision. «En démocratie, il n'y a pas de meilleur moyen pour s'adresser au gouvernement que de voter», a poursuivi M.Erdogan, visant ainsi l'armée qui se pose en garante de la laïcité républicaine. Des élections législatives anticipées vont être organisées le 24 juin ou le 1er juillet pour sortir le pays de la paralysie institutionnelle. Se tourner vers le peuple, c'est aussi l'avis des élus AKP. Sauf que ces derniers sont allés plus loin. L'AKP voulait, hier, soumettre au Parlement une proposition de scrutin présidentiel au suffrage universel. Mais pour modifier la constitution, l'AKP aura toujours besoin de la majorité des deux tiers au Parlement. Avant même la désignation d'Abdullah Gül, les laïcs avaient mobilisé la rue pour exiger un candidat qui ne soit pas issu de l'AKP. Si le régime parlementaire en Turquie accorde plus de pouvoir au Premier ministre, le président, lui, dispose de prérogatives essentielles tels qu'un droit de veto des lois et un pouvoir de nomination. Les partisans de la laïcité se disent alarmés par les efforts de l'AKP pour libéraliser l'enseignement religieux, pour interdire l'alcool dans certaines municipalités ou encore pour nommer à de nombreux postes des responsables à tendances religieuses.