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Reflexion : Réformes constitutionnelles: Les 7 piliers de la sagesse
Publié dans L'opinion le 16 - 05 - 2011

Le vent s'est levé sur le monde islamo-arabe. L'appel, pour un éveil conquérant à l'Histoire, ouvre une occasion prodigieuse.
Le mal vivre, l'insatisfaction, le malaise ayant accompagné les contraintes et les difficultés de la mise en place de l'Etat moderne post colonial s'expriment, de façon à exiger, au-delà de la protestation ou de la lutte pour assurer le pouvoir, les solutions, la solution de cet état des choses. Une génération, au sens d'ensemble de comportements, de profils d'acteurs, de méthodes de travail, de proposition de sens, finit. Que ce soit l'activité, qui était souterraine, par rapport aux institutions, savoirs, façons de faire, en exercice dans nos Etats et dans nos sociétés, de la génération de la jeunesse, avec ses propres codes et expressions, que ce soit cette activité qui ait été le déclencheur est signe de vitalité d'une jeunesse, par l'apparition spontanée d'exigences nouvelles.
La jeunesse a été le nécessaire, la jeunesse est, et s'impose révélateur de la situation. Cette situation, si on se force de juger à froid – c'est difficile – est objectivement une accumulation d'acquis : institutionnels, juridiques, matériels, et qu'il faut hériter sous bénéfice d'inventaire, mais c'est aussi un cumul de matières à abandon. Contestera-t-on le leitmotiv, depuis longtemps, des dénonciations de ce qui revient sous le terme « fassade » sous le terme « dholm », sous le terme « zabounia » sous le terme «mahsoubia», etc...
Cela n'est pas particulier à tel choix ou tel genre de personnages, cela était senti comme tel. Et c'est cet état d'esprit qu'il faut envisager et ce qu'il exprime qu'il faut traiter. Et ce n'est pas une chose étrange que de prendre ces échos -trop sonores- ces temps, en sérieuse considération. C'est même, agitation du monde ou pas, ce qui est le lot naturel et attendu de la responsabilité politique. Appel à un plus, à un mieux, à un meilleur donc.
Ce plus, ce mieux, ce meilleur couvre toutes les dimensions du champ social, certes. Nous sommes devant une espérance, un enthousiasme et une ambition qui veulent un «dépassement» hégélien de l'état actuel des choses.
Dépassement qui, comme tout arbre bien né, et qui veut s'élever à son optimum légitime, se doit de bien s'appuyer sur ses racines les plus saines. On pouvait, et c'est l'essentiel en termes de résultat, traiter les points de dysfonctionnements directement. Et cela doit être entrepris. Cependant, comme on se sera aperçu que la liste peut être étendue, et les domaines en interaction, il a été jugé, en bonne raison, et en sagesse ordinaire, plus pertinent de se concentrer sur le code général, sur les règles fondamentales de fonctionnement, bref sur les questions constitutionnelles.
La constitutionnalité ne règle pas «tout », mais le « tout » a besoin de la régularité constitutionnelle. On aurait pu bien sûr faire pragmatique, empirique même, avec la sûreté et la réalité du corps à corps direct avec les problèmes. Il se fait que, dans notre culture intellectuelle et morale, la notion d'une règle bien dessinée, connue - coutume devenue norme ou référence textuelle.... il y a le penchant - ce n'est pas un handicap - de toute façon - pour l'architecture institutionnelle et donc constitutionnelle, formelle (les façons de la formalisation peuvent être diverses; on veut dire par là que selon les « Statuts du pouvoir» - « al ahkam assoultaniya » - selon les textes de « Politique Légitime», « Âssiyassa acharaiya » selon les comportements de l'art de comportement politique «al adab assoultaniya» selon l'empreinte historique de la coutume consacrée, « al qaida »…, comme selon la culture constitutionnelle moderne (où nous raisonnons dans une influente et imposante mesure selon l'école française), selon tous ces déterminants donc, nous abordons les questions constitutionnelles avec le formalisme le plus visible – du moins en référence – et dont l'écrit est le privilégié moteur.
La question de la Constitution écrite, de toute façon depuis les commencements, se présente selon un texte que l'on voudra, d'une certaine manière, être l'alpha et l'oméga de notre droit politique.
Le Discours Royal du 09 Mars - les Discours Royaux n'ont-ils pas pour fonction de montrer le bon choix, d'éclairer et de baliser la voie –royale ? - est évidemment dans son statut historique, politique et moral de transcription dans une orientation politique, impatiences et vœux.
Il y aura ainsi une nouvelle Constitution, ou plutôt une Constitution nouvelle. Cette nouvelle construction juridique, intellectuelle et psychologique annonce une nouvelle donne. Les axes qui la portent proposent les chantiers fondamentaux. Entrer avec fougue dans cette immense carrière!
L'importance de ce traitement par le haut constitutionnel – faut-il le rappeler - est donc dans le rôle du pouvoir dans sa plus haute détermination au Maroc, c.à.d le pouvoir royal, du fait de sa «présence» stratégique, à la fois soumise à la référence canonique, héritière d'une noble Histoire, active selon la démarche moderne. Et le rôle d'initiateur dans le champ particulier de la construction constitutionnelle n'a-t-il pas été traditionnel, depuis, et avant «l'archéologique » des propositions de textes constitutionnels.
-Quelques considérations générales sur l'allure du mouvement constitutionnel.
L'intérêt et l'importance de la chose constitutionnelle ont, d'une manière non interrompue, constitué un thème de réflexion et de positions politiques dans notre pays. Et cela pendant les siècles d'Histoire, avec d'autres vocables et d'autres façons d'aborder («beia» (écrite) références scripturaires, citations, rappels canoniques... ..etc. ). Cela a animé, de manière contemporaine, et accompagné les mouvements de l'époque moderne dans sa période de lutte pour l'indépendance comme après le retour de souveraineté. Ce qu'il y avait, ce qu'il y a à observer, c'est la tonalité particulière, que l'approche constitutionnelle a révélée. On y perçoit deux dimensions: d'une part la continuité, voire la ténacité du rappel, ou de la revendication, ou de la démarche de l'invocation constitutionnalisante, et, d'autre part et en même temps que cette présence récurrente, et réelle, de la pression du discours politique constitutionnaliste, la non irréductibilité, la non « hard » façon dont cette pression là s'exerçait. On pourra, dans un autre espace, et en une autre occasion, discuter plus longuement et plus finement sur les va-et-vient, les arrières pensées, les élans enthousiastes, les stratégies orientées, les conceptions convaincantes, les pauses politiciennes ou réalisatrices, les opportunismes contraints et les desseins larges.. ..etc.
Aujourd'hui, et alors que l'on s'était habitué peut-être à une sorte d'antenne répétée du thème : « réforme de la Constitution ! », avec un panel de visions et de possibilités (révision ordinaire, adaptation, définition de . quelques alinéas, « toilette» , arme de combat politique, effort pratique .. ..etc,) mais sans sentiment d'impératif préalable, voici que l'interpellation réapparaît. La chose constitutionnelle réapparaît d'abord dans les manifestations populaires, dans le cadre du grand mouvement qui soulève les peuples de l'arabo-islamie. Ceux qui avaient peut-être tendance à croire que le (s) «peuple (s) » ne s'occupai(ent) que de « pain» , et éventuellement de «cirque», et que le (s) peuple (s) n'étaient pas aiguillonnés -au delà d'un salut - quelque peu «absent», par le besoin de l'existence politique visible, auront pu s'apercevoir que les slogans et les affiches, les banderoles, plus politiques, plus globaux, parlant aussi de Constitution (en chargeant le mot de beaucoup d'attentes), étaient brandis.
Il y avait certes des attitudes ambivalentes dans l'expression du rapport à l'idée constitutionnelle, tant et complexe, parce que non immédiate, non directe et « savante », la construction constitutionnelle. On aura pu entendre, et voir la gestuelle, l'appel à « l'islah » général et à des thèmes plus particuliers: à la fois à la demande d'un Parlement avec des pouvoirs et en même temps des poings levés stigmatisant, devant ses grilles, ce même parlement. On s'arrêtera…
L'intérêt constitutionnel réapparaît -il n'était pas exclusif, ni exprimé avec une intensité « technique» majeure - mais il était exprimé de façon telle qu'il n'était ni intelligent ni moral de ne pas l'entendre. Cependant il était présenté de telle manière (sagesse immanente du peuple) que large attitude -cela ne se disait pas mais allait sans être dit (consulter les spécialistes de décodage de formes de communication), large attitude donc était laissée au Pouvoir national de voir et d'organiser ce qu'il avait à faire. Les répétitives et partisanes références traditionnelles à la révision constitutionnelle étaient désormais absorbées par une intervention plus globale, qui rend le mode politique d' « avant » un peu trop bien « peigné», et changeait le sens de l'approche constitutionnaliste comme méthode opérationnelle, pour en faire un acquis général. D'où à la fois son importance civique et sa «politicianisation » possible.
Et voici que le propos constitutionnaliste sort en majesté. Arrive le Discours Royal. Pourra-t-on faire, sans son incontournable repère ? Un « moment » !
En toute rigueur, et en toute justice, il y a à dire que les développements du discours royal ont défini ce qu'il faut. Les 7 points du discours ont touché les principales et fondamentales dimensions d'un travail sur la Constitution, comme plan cadre et architecture générale d'un chantier historico-politique.
Les 7 points, que nous appellerons les «sept piliers de la sagesse » constitueront des fondements imposants pour l'action. Ces piliers doivent être lus, non seulement par les clercs, les professionnels, mais affectent et interpellent au premier point, au plus haut point, le citoyen. (1)
C'est en tant que participation de citoyen que cette prise de plume est faite, en vue d'émettre quelques observations sur ce qui intéresse, nous paraît-il, tout citoyen, futur «consommateur» (gouverné et dirigeant) de cette future Constitution nouvelle.
1) On observera que, depuis, beaucoup de tribunes disent, sollicitées ou spontanées, leur avis (officiel ou ordinaire) , que l'on parle d'expliquer au(x) citoyen(s) comme récepteur, mais qu'il n' y a pas d'esplanade citoyenne d'envergure, en vue de faire parler le principal intéressé sur sa vision, ( même, et surtout, globale) de la Constitution.
Disons dès ici et de manière éclatante, que nous lui souhaitons le meilleur.
Le citoyen ainsi voudra dire comment il conçoit le rôle et l'impact réel de la nouvelle grande loi. Et ceci pour, à la fois exprimer l'adhésion candide aux positifs et socliques concepts, offerts par l'initiative royale, pour aussi, évidemment, oser quelques légitimes interrogations sur à la fois les dimensions de la suveraineté d'un texte auquel il faudra obéir, mais avec (libre arbitre), et sur les craintes d'effets pervers à l'affut _ malheureusement- des meilleures dispositions ( d'esprit, d'intention, de volonté .....), tout en pariant, dans un état de confiance et de mentalité d'entreprise, sur la compétence et la sagesse de nos légistes.
Il faudra ici avertir que nous n'entrerons pas outre mesure dans des développements -Iégitimes-, nécessaires, ouverts -sur les grandes philosophies et conceptions du monde autour du pouvoir, choses imposantes, qui nous prègnent, mais qui seront abordées dans leur cadre.
Nous ne nous placerons pas, non plus, puisqu'il faut agir et penser réalisable, dans le syndrome, familier, dans l'abord de l'affaire de pouvoir, chose toujours complexe, toujours mystérieuse, toujours disponible ( nous sommes en humanie et en politie ) syndrome qui ouvre à tout vent les:« vouloir plus », les: « vouloir encore », les: «et pourquoi pas ainsi », les: « il fallait que ce soit comme cela », les:« de toute façon il y aura toujours une difficulté») les:« avant tout », les:« après tout », les: «telle condition n'a pas été évoquée», les: «telle clause n'a pas été retenue» ... etc. élément d'un débat qui ne peut que rester ouvert, souvent fécond/toujours repris.
Cependant, cet espace indéfini mais présent, sera, pour l'instant, laissé, par façon de faire du possible (historique, politique et moral) juste et opportun. A chaque jour suffit sa peine, et c'est une peine qui va à l'honneur. Nous disions que le citoyen était le principal sujet de l'esprit et de la pratique de la réforme. C'est le (s) citoyen(s) qui est le (s) gouverné (s) et c'est lui qui est l'agent participatif, donc, à la fois individu(s) privé(s) et acteur(s) public(s), étant concerné (s), de qualité centrale, par la question constitutionnelle.
Dans cette perspective, comment concevra-t-on chaque implication des sept grands concepts en chantier. Proposons de commencer, à l'inverse du clerc en constitutionnalisme, non pas par le haut de la pyramide institutionnelle, mais d'y remonter, à partir des attentes du citoyen de base.
1) De la gouvernance
Tout en se rappelant que le citoyen a besoin d'un climat de liberté, de sécurité, de confiance sociale, il y aura lieu sans doute d'insister sur le fait que l'Etat étant aussi un prestateur de nécessaires « services publics», ces prestations doivent être le critère de la bonne santé d'une société et de la sereine adhésion d'un citoyen.
Le seul formalisme constitutionnel n'y suffit pas. On peut avoir une excellente forme constitutionnelle et avoir des citoyens atteints dans leurs droits et mal convaincus de leurs devoirs. Et l'inverse est vrai, puisqu'il est possible qu'un peuple soit bien gouverné et que ses membres ne soient pas dans état de perturbation amoindrissante sans qu'un texte soit toujours écrit. Mais un texte est une garantie qu'il faudrait -c'est cela la vie- rendre valorisante.
Pour dire rapidement, le citoyen, dans ses relations privées, dans ses situations publiques, a besoin, et les plaintes sont nombreuses, que:
- Face à une nécessité administrative: il ne se retrouve pas devant l'opacité, devant le manque de mémoire, devant la négligence, devant l'erreur ;
- Face à telle prescription, devant les pertes de temps qui peuvent être fatales à ses intérêts légitimes et surtout face à la marche des affaires, devant des abus individuels ou de gestion collective et surtout pour parler communément/qu'il n'ait pas à voir ou à entendre que tel(s) ont porté atteinte au patrimoine commun » que «tel(s) ont été avantagés dans les prestations publiques » (diplômes, concours, compétitions, marchés publics, appels d'offres… etc.)
Ces dysfonctionnements, le citoyen ne comprend pas (ou alors comprendrait trop) que les gens qui font marcher les affaires publiques ne puissent pas - ne veuillent pas ? - les traiter.
Nécessité de lisibilité, d'efficacité, d'équité, est-ce, dans la réelle réalité, impossible? Devrait-on attendre la colère, la contrainte ou le désarroi pour mener les choses selon la bonne conduite. Le citoyen ne se plaint pas des difficultés objectivables, mais il ne peut pas ne pas sentir le cynisme. Il y a une chance -ici et maintenant, que tout le monde ne soit pas persuadé que tout est cynisme -c'eut été un état d'esprit terrible! - chance énorme à mettre à profit pour arriver à la rupture psychologique avec le mal vivre, avec l'incrédibilité, avec le repli ou le déversement, et faire - cela est réalistement possible- que l'on sente qu'on est porté par une action qui croit en l'excellence. Ces belles espérances peuvent être mises en des règles, des institutions, . des comportements, dont une partie a existé, existe et qui se développeront sans effort(s) surhumain(s), à moins que les mauvais génies ne s'affairent pour contrer des dispositions positives.
Les grands traits de la gouvernance.
A- la conception de l'administration
Il est difficile, pour l'enseignement savant comme pour l'observation commune, de continuer à soutenir que l'administration n'est que le bras -dans son droit comme dans sa méthode- du pouvoir politique, censé être situé en dehors et au dessus d'elle.
L'administration est devenue -est -un pouvoir. Dans ce cas, elle ne peut se prévaloir de l'irresponsabilité politique devant les problèmes que subit ou que rencontre le citoyen. C'est à partir de ce constat qu'il faudra penser à la réforme de l'administration (complexe, indéfinie, multidimensionnelle, défi). Mais on ne peut s'y soustraire, on devra faire ce qui est possible et convaincant.
Le citoyen veut être servi par la machine administrative sans en être écrasé. Il faut être juste aussi et dire que la population qui anime la structure administrative appelle elle aussi à une reconsidération des règles, des comportements, des missions, des moyens, des usages à l'intérieur de l'appareil lui-même. On peut s'y atteler, pas en quelques jours, mais en décidant d'y porter attention, à la fois de manière intellectuelle (droit, analyse, modèles, pistes de réflexion.. ...) et de manière pragmatique (esprit de travail, civisme quotidien, suivi...)
-Le recours
Si on pose le principe que toute contestation aura un recours, en vérité et en réalité, c'est un pas absolument bénéfique. Il y a eu les «madhalims », il y aura le médiateur. Si on entre avec capacité, et sans arrière pensée, dans cette voie, tout sera possible et le profit en sera immense, de la paix, de l'esprit aux retombées matérielles.
- L'administration de mission plutôt qu'instrument de domination.
- Qualifications claires plutôt que « droit exorbitant »
- De la rationalité en cases fonctionnelles-nécessaires-étanches à la rationalité en termes d'interfaces face aux problèmes à plusieurs faces. De la relation entre une machine étatique puissante face à des individus-atomes, à une relation où, à chaque cas ou contestation, l'individu se trouve dans une même égalité avec l'administration.
- Une justice administrative qui doit impressionner les justiciables (citoyens ou administration) par sa distribution convaincante du bon droit et du vrai devoir, plutôt que par son intimidante apparence.
- Ajouter à cela -c'est essentiel, et l'arsenal régulier peut exister et existe déjà - une façon sans équivoque de gérer marchés, lotissements, recrutements, subventions, délégations.... etc. avec possibilité d'un continu travail sur la façon de faire. Cela n'est point impossible. Il y a à préciser que l'exigence de bon fonctionnement et de correcte conduite n'est pas dirigée seulement - il y aurait asymétrie et handicap – contre l'institutionnel, mais elle vise aussi le comportement de tous. De ce point de vue, la vraie « hisba » est des plus nécessaires : le citoyen doit être fourni en prestations (commerciales, artisanales, industrielles, culturelles...) de manière responsable, comme il est de son devoir de remplir ce qu'il doit selon le bon code. C'est de commune attente, et ce n'est pas utopique. Dans ces domaines entrent évidemment (on y a d'ailleurs commencé à porter une attention) les habitudes non directement saisissables, comme le choix des bureaux d'études, l'appel d'offres techniquement valables mais réductrices de l'effort national, «l'expertise» essentiellement exogène et exorbitante, etc. (Faut-il répéter, ici) que le choix de capacités nationales pour l'élaboration d'un projet de réforme (s) constitutionnelle (s), régionale(s) ou nationale(s), est une initiative qu'il faut saluer. Nous avons été des maîtres de «fikh », nous pouvons faire du droit contemporain. Cela, évidemment non-limitatif, pour la gouvernance directement perçue par le citoyen. Nous proposons d'aborder la gouvernance au(x) sommet(s) de l'Etat plus loin.
2- De la justice
Un des piliers a été l'élévation du statut de la justice du rang, d'«autorité» à celui de «pouvoir». Sans ici, doctement, (Est-ce simple ?) disserter sur les deux concepts, nous voudrions, en citoyen, nous interroger sur ce que nous pourrions attendre de ce grand passage. Nous comprenons qu'il signifie: passer à plus de justice. Comment, pour cela, s'y prendra-t-on ?
-Première aspiration, le principe ( fondamental): pour tout problème on doit pouvoir compter sur un recours
-Deuxième aspiration: qu'un texte législatif ne puisse devenir, comme cela arrive, un appui à des décisions iniques
- Troisième aspiration: que la procédure – nécessaire, justifiée, indispensable, -ne puisse pas devenir un handicap - désespérant de toute issue réconfortante
-Quatrième aspiration: que «l'autorité de la chose jugée» signifie la délivrance qualitative d'une situation-problème et non la fermeture d'un dossier pour une question de forme.
En résumé, une justice-équité et non une justice-gestion : non seulement « appliquer la loi » mais « rendre la justice ».
Pour cela, une série de questions doivent – et peuvent – être traitées.
Justice-pouvoir : Certes et fort bien !
Cependant :
a- Ce pouvoir, comment sera-t-il contrôlé dans la réalité, et puisque la justice atteint les corps et les biens, comment être garanti contre une souveraineté judiciaire – souhaitable -, mais qui serait inacessible à la contestation et au contrôle. On a pu exiger des Souverains et des Assemblées des visibilités et des règles, on est en droit d'exiger la même chose du pouvoir de la justice.
b- Comment ne pas dire qu'il faut un continuel travail sur :
1- Le « ciel » des références invoquées, pour qu'on soit confiant en leur sublimité, universalité humaine, qualité anthropologique, allégeance à l'idéal, comme leur entrer dans le souffle du quotidien et dans la pâte du vécu.
2- Sur la formation, qui doit dépasser les diplômes consacrés et les stages convenus, pour établir un profil de science, d'expérience, d'équilibre, de sens de la condition du justiciable, .. .etc. Le cadi ne peut être que fonctionnaire, qu'expert, que membre d'une corporation. Son statut, sa place dans la société, son crédit, doivent être éclairés de nouveau.
c- indépendance de la justice; Certes! Mais cela ne peut signifier isolement, éloignement. Les autres pouvoirs (Le Roi, le gouvernement, le parlement, le peuple -de toute façon-) doivent, non pas, évidemment, intervenir dans l'ordonnance de la justice, mais doivent pouvoir avoir avec elle des relations telles que la décision judiciaire ne pêche ni par abus ni par irréalisme. Nos docteurs, nos juristes, nos maîtres en sciences humaines et sociales peuvent et savent agencer ces idées en forme pratique.
d- Le droit de recourir à « l'exception de constitutionnalité» et même à l'invocation de plus Haut doit être reconnue au(x) citoyen(s). On disait bien, dans nos systèmes traditionnels, face à la volonté d'un caïd, d'un pacha ou de tout autre grand agent du makhzen « ana bellah wbechraa »; et le justiciable était alors renvoyé devant la canonique législation. Aujourd'hui sans que l'invocation de l'enseignement de l'islam soit méconnue, il faudra que le(s) citoyen(s) puisse(nt) dire:« je fais appel à la Constitution!».
- De la justice constitutionnelle:
Dans cette perspective, et quelle que soit la forme retenue : Conseil, Cour ou Assemblée, on ne peut laisser les points suivants sans les évoquer:
1- La justice constitutionnelle est saisissable non seulement par recours pour des droits individuels (civil, pénal...etc.) mais aussi pour des questions de conformité et de bon fonctionnement politique. La réflexion sur l'élargissement et le renforcement de la compétence de la justice constitutionnelle est à l'ordre du jour.
2- L'importance et les pouvoirs de la justice constitutionnelle ne sauraient signifier ni «gouvernement des juges », ni omnipotence sans mesure. Il est évidemment possible de prévenir cela par le jeu des règles, des nominations, de la procédure, par l'activité de débat, d'analyse, de doctrine, qui ne peut être arrêtée. Et en tout, être dans un esprit de justice. Si cela est vu par les cyniques comme de l'utopie, on n'a qu'à arrêter tout et réciter le « latif »!
3-Du gouvernement
Pour le citoyen, le gouvernement organe, doit à la fois conduire la mise en œuvre de la politique du pays et devoir être comptable de son action. Le Gouvernement, c'est à la fois le suivi des affaires dites courantes, mais aussi la responsabilité d'une direction plus générale qui d'une certaine manière dépasse le gouvernement comme organe. Ici un rôle de regard général, comme de détermination globale- vu son site élevé- de ce qui est le plus haut pour l'Etat de la voie majeure à suivre, implique la fonction royale. Il faut cependant que ces deux dimensions du gouvernement, participation à la détermination politique générale - où pouvoir d'influence du roi- et gestion de cette politique soient entrepris avec responsabilité, et donc intervention de manière formalisée du peuple « comme mandant et comme contrôleur ». Cela ne signifiera pas aussi autre chose que le rôle de l'élection. Le Premier ministre, chef du Gouvernement (pourquoi, dans ce cas, ne pas le dénommer, justement, chef de Gouvernement) serait nommé en fonction des résultats des élections. Cela a été dit expressément. Le Premier ministre appelé par le Roi sera investi par le Parlement, avant d'être nommé définitivement par le Souverain. Ici, une question à la fois d'analyse politique et de pratique constitutionnelle doit être évoquée.
Ce serait donner une interprétation et une lecture étroites du système majoritaire préconisé aussi par le discours royal que de dire, formellement : « le Premier Ministre doit appartenir au parti qui a obtenu la majorité ». II suffit amplement de dire : « le Premier Ministre doit obtenir l'investiture du Parlement » (dans les conditions classiques, et en réaménageant l'intervention de la Chambre élue au suffrage indirect) cela laissera la voie ouverte aux autres possibilités
a- Les coalitions: il n'est pas dit qu'un seul parti aura la majorité
b- Le Premier Ministre est un homme de l'Etat, et un homme d'Etat: II doit, d'une certaine façon, même seulement suggérée, avoir une certaine autonomie par rapport aux partis, même le sien, surtout le sien, pour mener, en tenant compte des pesanteurs, la conduite du Gouvernement - qui est l'organe de l'Etat et non d'un groupe.
c- II est même possible, en théorie, que le Premier Ministre ne soit ni le leader du parti majoritaire ni même d'un parti.
La seule condition est l'appui du Parlement.
d- Le Premier Ministre ou Chef du Gouvernement, pour autonome qu'il est voulu et attendu qu'il soit, et en contact de travail direct avec la responsabilité générale - de principe royal... et il ne saurait, selon une acception saine et harmonieuse de sa fonction, être en face du Roi comme homme de parti. Il est en réunion avec le Roi en tant que responsable de Gouvernement, nominalement et traditionnellement titré « Gouvernement de Sa Majesté».
e- Puisque le Premier Ministre, et son gouvernement, défendront leur action, en leur responsabilité, il faut que le contrôle ne se réduise pas au seul Parlement. Cela paraît évident si l'on considère le fonctionnement du système majoritaire, c'est-à-dire le système où le Chef du Gouvernement est assuré dès le commencement d'une majorité qui lui garantit des voix pour l'investir, le soutenir, voter les lois dont il présentera les projets ou dont il pourra inspirer les propositions. Le système majoritaire donne donc une autre figure à la fonction législative et à la fonction de contrôle, traditionnellement comme fonctions essentielles du Parlement. Si le syndrome suivant se produit, et il se produit, quel serait le sens de l'idée:« contrôle parlementaire sur le gouvernement ». Le schéma est le suivant:
- Un parti ou groupe a la majorité
- Le Chef du Gouvernement et ses ministres sont parmi les leaders. de ce parti
- Ils sont par destination leaders de la majorité parlementaire
- Le vote de cette majorité engage le Parlement
- La majorité, sauf extraordinaire, ne vote pas contre son leader.
Conclusion:
Le contrôle, ou se fera ailleurs, (on attendra les élections ou des pressions externes) ou sera un contrôle, non de sanction, mais de protestation ou d'accompagnement, ou d'exutoire, (telles les questions écrites ou orales- l'éloquence des élus, l'influence en commission, le rappel des règles, l'exception d'inconstitutionnalité ....etc.), mais la vie du gouvernement n'est pas inquiétée. ( Ce qui n'est pas toujours une mauvaise chose, par ailleurs).
f- Il y a lieu d'imaginer quelques pistes pour à la fois garantir la fonction de Premier Ministre des chutes inconsidérées par quelque mouvement de majorité, mais aussi garantir le droit des citoyens à un gouvernement des choses crédible et qui ne soit pas abus d'une formation majoritaire. Les pistes existent: (exception d'inconstitutionnalité, charte des droits, espaces privés sanctuarisés, droit de saisir les tribunaux pour dénoncer une prévarication ou un détournement de biens publics, recours au médiateur... ..etc.) et aussi force de l'opinion publique profonde, ce qui est autre chose que la seule expression des professionnels des médias.... Cela, la pratique dans un esprit de civisme -que nous ne dénierons pas aux hommes qui nous gouvernent -du travail gouvernemental amènera à un dépassement de ces inquiétudes. Il reste que le Premier Ministre ou chef du gouvernement doit avoir un rôle, en tout cas, de toute visibilité et de toute lisibilité. Nous insisterons avec répétition sur le fait que si le Premier Ministre ou plus précisément chef du gouvernement, chef d'un parti ou d'une coalition majoritaire dans un Parlement qu'il contrôlerait, ce ne serait plus de la séparation des pouvoirs.
4) Du parlement
II faut bien, s'il y a un système où il y a un « Parlement, que ce Parlement ait les possibilités pour exercer toutes ces responsabilités. Dans ce cas:
• II est bon, et cela a été retenu qu'il y ait au moins deux Chambres (maturation, réalisme, expérience, consensus, savoir faire, mobilisation de tous, efficacité du résultat, etc.), mais non deux « parlements ».
II faut qu'il y ait une Chambre, avec un statut et une organisation à déterminer -quoique la chose est classique- qui ait le dernier mot, et donc aussi la responsabilité parlementaire pour la législation et pour le contrôle.
• Cependant, l'omnipotence sans prudence d'une seule Chambre, avec toute sa latitude, peut être contestée dans telles ou telles décisions (n'allons pas jusqu'au risque de lois scélérates).
Simplement il ne saurait passer que les mandataires captent l'exclusivité de la volonté de leurs mandants, ou qu'ils se pensent, non pas mandataires, mais dépositaires de souveraineté.
Il y a bien sûr quelques voies pour éviter ce risque (risque que nous évoquons par théorie, que nous ne posons pas comme une fatalité) : les voies peuvent être:
a- Le regard du Roi
b- La place du référendum
c- L'étude préalable et l'évaluation à lois
d- Etc.
Ceci dit, le parlement doit posséder, dans la mesure la plus large, la possibilité et la capacité du débat. Pour cela, sur les moyens d'information, d'étude, d'archives, de documentation, de bibliothèque.. ...on ne devra pas lésiner. Une capacité particulière doit lui être accordée dans les domaines des finances et de l'appréciation législative des traités internationaux.
Cet élargissement des domaines d'intervention parlementaire peut aussi -on pourra le démontrer à telles conditions réalistes - éviter le cumul des pouvoirs alors que le principe des séparations des pouvoirs (et non leur cloisonnement) doit être effectif.
5) DES PARTIS
Que les partis existent et doivent exister, cela ne se discute plus. Ils doivent exister et ils existent. Pour le citoyen, en général, et ici et maintenant, il est en droit de dire ce qu'il en attend et ce qu'il ne peut leur reconnaître. Il en attend: de constituer des structures où il peut s'assembler, s'organiser, développer une position, se mobiliser avec ses semblables, entreprendre une campagne.
Il ne peut leur reconnaître :
a- De se penser comme les canaux exclusifs de l'expression politique
b- D'être tentés d'être les matrices exclusives des candidatures aux élections
c- De revendiquer l'exclusivité (en droit) d'un encadrement; ce serait un embrigadement. L'expression « encadrer» devrait d'ailleurs être économisée: pourquoi le citoyen ne peut-il être qu' « encadré»? Il l'est politiquement dans les cadres institutionnels (Souveraineté, Justice, Parlement, Gouvernement etc…).
Les citoyens ont le droit:
• De se grouper en partis
• De présenter des programmes dans les cadres des partis, qu'ils auront créés ou choisis
• D'avoir des activités dans le cadre des partis
• De se présenter en dehors des partis.
Mais tout cela en toute liberté: c'est-à-dire qu'il ne faut surtout pas qu'on se laisse aller à aimer réduire l'activité politique à l'activité partisane. Donc: d'une manière fondamentale, liberté de participation des citoyens à tous les échelons quitte à ce que, en fait, ce soit les citoyens groupés dans des partis qui ont le plus de possibilités pratiques.
Dans ces perspectives, il faudrait - c'est le droit le plus absolu du citoyen en tant que tel - que les postes, pas seulement administratifs ou de magistrature, mais aussi et jusqu'aux ministériels puissent être accessibles à tous les citoyens qui ne seraient plus obligés à entrer par opportunisme ou par artifice dans un parti pour accéder au « poste » mais par libre choix.
Il n'y a pas de démocratie sans partis. S'il n'y a que des partis (unique ou unis), il n'y a pas de démocratie. La partitocratie est la déformation de la démocratie et l'ennemie du pluralisme. De toute façon, il y a même dans la production politiste actuellement en œuvre, une sorte de portion congrue concédée à la participation politique du citoyen en dehors de l'élection (ce qui est grosse chose en soi). Peut-être faudra-t-il intégrer, après les partis, après les multiples facettes de ce qu'on appelle la société civile, après l'irruption des forums de l'information à la fois globalisée et éclatée, intégrer la notion de participation du citoyen en tant que tel (évidemment «citoyen», devrait-on le rappeler, n'est pas synonyme seulement d'individu privé mais de personne à la fois privée et avec des droits publics même si elle s'exprime sans structure préétablie).
Les élections
Si il y avait eu une seule chose -provisoirement- à mettre dans le processus de réforme, au sens d'amélioration qualitative, c'eut le fait qu'il faut, si on tient aux élections, garantir des élections véritables, c'est-à-dire:
1. Que l'électeur, au moment du choix dans l'isoloir, soit tout à fait libre dans sa volonté
2. Que le mode de scrutin –quel que soit le mode choisi- soit:
ï Choisi assez tôt, et bien avant toute consultation afin de prévenir toute manipulation.
• Qu'il puisse -et cela est fondamental- assurer le choix libre du votant pour un candidat qui sera désigné parce qu'il serait connu par le citoyen et reconnu comme le candidat répondant aux voeux de ses concitoyens. Il faut que le candidat puisse se présenter personnellement au suffrage; l'électeur doit savoir qu'il a voté pour tel (telle) en connaissance de cause. Toute autre façon - dans la pratique - (liste qui fait que, à l'ombre du leader untel, un candidat se trouve député sans être connu par ses électeurs, ou quotas qui imposent aux citoyens des élu (e) s qui n'auraient pas été désiré (e) s etc.). Bien entendu, cela suppose que véritablement, des règles -formelles et de fait- puissent assurer le choix des électeurs. A vos urnes! Donc avoir tel (s) code (s) qui tien (nent) compte des composantes de la société et de leurs situations.


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