Bientôt discutée à l'Assemblée nationale, une proposition de loi, portée par un député LR, vise à restreindre l'accès des produits agricoles importés, y compris ceux du Maroc, au marché français. Une nouvelle initiative qui s'ajoute à tant d'autres au moment où les accords commerciaux deviennent une pomme de discorde entre le Royaume et l'Union européenne. Explications. Très à cheval sur les questions de souveraineté économique, la droite française veut durcir l'accès des produits agricoles importés en France sous prétexte de concurrence déloyale. Déposée le 3 décembre par le député LR Antoine Vermorel-Marques, la proposition de loi n°659 sera discutée, le 6 février, à l'Assemblée nationale. Le texte vise à "interdire l'importation de produits agricoles non autorisés en France".
L'auteur du texte s'est plaint de "l'injustice" que subiraient les agriculteurs français face aux produits importés ne respectant pas les normes françaises. Allusion faite à la loi EGALIM qui interdit la vente de produits agricoles ou de denrées alimentaires qui ne sont pas autorisés à la production ou à la vente en France. "Cependant, cette interdiction ne concerne que la vente, et non l'importation", rappelle le député au préambule de la proposition de loi. Ce dernier veut appliquer la loi EGALIM sur les produits importés, en l'occurrence ceux en provenance du Maroc jugés non-conformes aux normes de l'Hexagone. Ce qui pourrait, selon le député, compenser 10 milliards d'euros de manque à gagner » pour les agriculteurs français.
"Il est interdit d'importer en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation", dispose le texte consulté par L'Opinion, ajoutant : « L'autorité administrative et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail prennent toutes mesures de nature à faire respecter l'interdiction prévue au premier alinéa. » Les tomates marocaines en ligne de mire Certes, le texte ne cite pas nommément l'origine des produits ciblés, mais son auteur a d'ores et déjà fait allusion aux tomates marocaines dans une interview précédente accordée, le 14 janvier, au journal "Le Progrès". "On peut citer par exemple la tomate du Maghreb, qui est traitée avec un pesticide interdit depuis quinze ans en France", a-t-il expliqué en évoquant ce sujet. Selon lui, il y aurait, sur la base de rapports sénatoriaux, 10 à 25 % de produits agricoles importés qui ne respectent pas les normes sanitaires en vigueur.
L'initiative du député LR est soutenue par sa camarade du Rassemblement national, Hélène Laporte, qui, paradoxalement, vient d'obtenir la présidence du groupe d'amitié France-Maroc au Palais Bourbon. Elle a plaidé, dans un poste sur X, pour "mettre fin à l'accord commercial visant à exonérer de droits de douane la tomate marocaine" sous prétexte de protéger les agriculteurs français qui seraient, selon elle, dans une situation de concurrence déloyale invivable depuis 2012".
Il est curieux de constater que les produits agricoles marocains sont de plus en plus ciblés en France où la Confédération paysanne, un syndicat d'extrême gauche, a saisi le Conseil d'Etat pour demander l'interdiction des tomates importées du Sahara marocain. Sa requête a été, finalement, rejetée par la plus haute juridiction administrative française qui s'est déclarée incompétente étant donné que les traités commerciaux demeurent du ressort exclusif de l'Union européenne.
Jusqu'à présent, ces initiatives restent sans incidence politique. Le Maroc demeure serein depuis l'annulation des accords de pêche et d'agriculture par la Cour de Justice de l'Union européenne. Le Royaume a demandé aux Etats-membres de l'UE de trouver eux-mêmes une solution s'ils veulent préserver le partenariat économique euro-marocain. Le ministre des Affaires étrangères, Nasser, a rappelé, à maintes reprises, qu'aucun accord futur n'est envisageable sans que l'ensemble du territoire du Royaume y soit inclus.
Les polémiques liées à la concurrence déloyale surgissent de plus en plus souvent dans le débat politique en France sur fond de la colère des agriculteurs français qui ont plusieurs fois manifesté pour contester la politique agricole de l'UE et les accords de libre-échange. Les convois des produits marocains ont plusieurs fois été saccagés par des agriculteurs en colère.
Cette grogne semble récupérée politiquement par la droite française qui se fait désormais le porte-voix du protectionnisme agricole. Un sujet dont la droite s'empare pour séduire son électorat très sensible aux idées souverainistes.