Dans toute économie libérale, le secteur privé est censé être la locomotive de l'investissement. Une règle économique de base qui ne s'applique pas au Maroc, où la croissance dépend quasiment des investissements publics. Cette année, nous avons certes dépassé les prévisions avec une croissance de 4,3%, mais c'est le fruit d'un effort budgétaire exceptionnel dû à la hausse inédite de l'investissement étatique à 340 MMDH. La part du privé dans l'investissement global est en revanche passée en dessous de 30% au moment où le gouvernement s'efforce de l'amener à 50% d'ici 2027. A scruter le marasme actuel, on ne peut que douter de la capacité des opérateurs économiques à s'emparer des deux tiers de l'investissement total à l'horizon 2035. Le pari sur le tout étatique arrive à ses limites car, quoi qu'il advienne, le rendement de l'investissement public reste toujours en termes de croissance et de rendement financier. Preuve en est que le Maroc investit plus de 30% de son PIB, soit 5% de plus que la moyenne mondiale, sans récolter assez de croissance, tandis que des pays comparables au nôtre investissent moins et obtiennent plus. Un état des lieux qui entrave la capacité du Royaume à rejoindre le club des puissances économiques émergentes. Et si le privé peine à faire le pas, bien que toutes les incitations imaginables soient offertes : subventions de la Charte de l'Investissement, amnisties fiscales, Fonds Mohammed VI, commande publique, simplifications administratives, prêts-garantis, relance du crédit bancaire... l'Exécutif devrait identifier où réside le couac et répondre adéquatement à ce blocage, qui peut avoir des racines bien plus profondes que la capacité de financement. Le problème pourrait être d'ordre culturel, lié à une certaine réticence de nos entrepreneurs face au risque entrepreneurial. Cependant, cela n'explique pas à lui seul la progression timide des investissements directs étrangers (IDE), certes louables, mais en deçà des véritables potentialités du pays. Cela témoigne d'un dysfonctionnement latent dont l'origine reste difficile à cerner. Peut-être est-il temps d'organiser des Assises Nationales de l'Investissement, afin de recueillir les perceptions de l'ensemble des acteurs de l'écosystème économique à même de les convaincre de mettre la main dans leurs poches.