Après l'affrontement, la négociation. Tel semble être le mot d'ordre des puissances occidentales avant l'ouverture ce jeudi de la conférence de Londres sur l'Afghanistan, qui va probablement donner lieu à des ouvertures en direction des taliban. "Un consensus semble en voie d'émergence autour de l'idée, qu'en fin de compte, sous une forme ou sous une autre, le mouvement djihadiste afghan fera partie du gouvernement de Kaboul", résument les experts du groupe de réflexion américain Stratfor. Une soixantaine de délégations seront réunies jeudi à Londres pour réfléchir au développement économique de l'Afghanistan et aux moyens à mettre en oeuvre pour inciter les taliban à déposer les armes. Ajouté aux renforts militaires - 30.000 GI's sont en cours de déploiement - qui permettront de négocier en position de force, ces mesures devaient esquisser une stratégie de sortie de crise, première préoccupation des Occidentaux, qui espèrent entamer leur retrait d'Afghanistan dès l'année prochaine. Un échec les laisserait face à un choix cornélien: poursuivre une guerre de plus en plus mal vécue par leurs opinions publiques ou ne laisser que quelques hommes pour assurer la survie d'un gouvernement de plus en plus démuni face à l'insurrection. En mars, Barack Obama évoquait encore "un noyau dur de taliban inflexibles" qu'il fallait coûte que coûte écraser. L'hostilité croissante de l'électorat face à un conflit entamé il y a neuf ans et la crise économique semblent avoir défini d'autres priorités. Washington et ses alliés se contenteraient désormais "d'une absence d'insurrection talibane", estime Steve Coll, membre de la fondation New America, qui juge "l'objectif réaliste". Le général Stanley McChrystal, commandant en chef des forces étrangères en Afghanistan, a donné un net aperçu du revirement stratégique en souhaitant que l'arrivée des renforts puisse convaincre les taliban qu'ils ne pourront prendre le dessus. "En tant que soldat, mon sentiment personnel est qu'il y a eu assez de combats. Je pense que tous les Afghans peuvent jouer un rôle s'ils se concentrent sur l'avenir et non le passé", a-t-il déclaré au Financial Times, qui l'interrogeait sur la présence de taliban dans un futur gouvernement. Un règlement politique sera toutefois extrêmement difficile à obtenir sans relancer les rivalités régionales qui vouent l'Afghanistan à la violence depuis trente ans. Les taliban n'ont en outre manifesté aucune volonté de négocier, bien que certains observateurs les disent eux aussi lassés des combats et conscients de l'impossibilité d'en sortir vainqueurs. "Je pense que nous approchons du point d'équilibre en Afghanistan", confirme Antonio Giustozzi, spécialiste de la milice islamiste à la London School of Economics. "Les deux parties partagent l'idée que personne ne peut l'emporter complètement. C'est exactement à ce point d'équilibre que les négociations deviennent possibles, mais ce n'est pas simple", poursuit-il. En préalable à toute négociation, la direction du mouvement djihadiste réclame le retrait de toutes les forces étrangères, tandis que les occidentaux attendent d'elle une rupture totale avec Al Qaïda. Or, le Mollah Omar, chef de file du mouvement, serait prêt à prendre ses distances avec la nébuleuse islamiste, disent certains observateurs. Autre signe encourageant, cinq anciens hauts responsables du gouvernement taliban renversé en novembre 2001 ont été retirés de la liste des individus soumis à des sanctions de l'Onu, ce que réclamait le président afghan Hamid Karzaï. La décision, prise lundi par un comité de sanctions du Conseil de sécurité de l'Onu, a été qualifiée mercredi de "mesure due de longue date" par le représentant spécial du président Obama pour l'Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke.