Lorsqu'on lit le dernier rapport de l'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC), on a l'impression de reculer irréversiblement dans la grande bataille contre la corruption. Chaque année, c'est la même ritournelle, le même constat affligeant qui reflète le marasme de notre pays englué dans une reculade continuelle dans l'Indice de perception de la corruption. Le bilan est sans appel : le Maroc a perdu cinq points en cinq ans pour se contenter d'un score de 38/100. On ne se rend pas compte à quel point un tel marasme est préjudiciable à notre économie et à notre volonté de décoller vers le club des pays émergents. La facture est onéreuse. La corruption nous coûte 50 milliards de dirhams par an, soit près de 3,5 points de PIB, voire plus. Cela fait maintenant deux décennies que les indicateurs sont au rouge, bien que d'innombrables efforts soient consentis pour cesser l'hémorragie. Malgré la mise en place de l'Instance anti-corruption, celle-ci n'a pas encore atteint l'âge de maturité qui lui permettrait de s'acquitter pleinement de son rôle de gendarme et d'exercer pleinement son pouvoir d'investigation. Les saisines et les enquêtes sont peu nombreuses. C'est là le coeur du problème qui ne concerne pas uniquement l'Instance, mais toute la réponse pénale qui devrait s'abattre impitoyablement sur les foyers latents des malversations et des turpitudes financières et administratives, ô combien nombreuses. Il suffit de constater que 85 plaintes seulement ont été déposées, pour comprendre à quel point les citoyens ne sont pas encore convaincus de l'utilité des dénonciations. Il en va de même pour la protection des lanceurs d'alerte. C'est ce qui peut expliquer aussi le faible recours au numéro vert du Ministère public, bien que ce soit un outil précieux. D'où cette impression que la corruption se banalise chez l'opinion publique, qui semble en proie à un sentiment de résignation, au moment où s'aggravent les entraves au journalisme d'investigation, sur lequel parie l'INPPLC. Par conséquent, il ne faut pas s'étonner que l'on reste si loin des objectifs de la stratégie nationale anti-corruption. Cependant et malgré les reculs successifs, la bataille est loin d'être totalement perdue. La bataille pour la moralisation de la vie publique que mène le Royaume ouvre une lueur d'espoir. En définitive, la solution, on la connaît. On a beau élaborer autant de stratégies nationales que l'on veut, sans dissuasion pénale implacable, on se berce d'illusions.