Le complexe artisanal de l'Oulja à Salé, berceau séculaire du savoir-faire marocain, est voué à la démolition. 700 artisans se retrouvent déracinés, leur art menacé par un projet de modernisation controversé. Sur les rives du Bouregreg, à Salé, un drame silencieux se prépare. Le complexe artisanal de l'Oulja, joyau séculaire de tradition et de labeur, est menacé de démolition. Ce sanctuaire du savoir-faire marocain, qui abrite 700 artisans, risque de disparaître, emportant avec lui un pan entier de l'âme créative du pays. Depuis des générations, l'Oulja vibrait au rythme des gestes ancestraux. Les potiers y façonnaient l'argile avec une dextérité héritée de leurs aïeux, les dinandiers y faisaient chanter le métal, tandis que les vanniers tissaient l'osier avec la patience des sages. Ce sanctuaire du savoir-faire marocain, véritable musée vivant, accueillait quelque 700 artisans, gardiens d'un patrimoine immatériel inestimable. Mais voilà que le couperet est tombé, brutal et sans appel. Les autorités locales, dans leur sagesse insondable, ont décrété la fin de ce havre artisanal. La décision, aussi soudaine qu'un éclair dans un ciel azur, a frappé de stupeur la communauté des artisans. Les voilà désormais confrontés à un avenir aussi incertain que l'argile molle sur le tour du potier. Les compensations proposées, telles des miettes jetées à des affamés, ne sauraient apaiser l'amertume de ceux qui voient leur vie déracinée. Les solutions de relogement, quant à elles, apparaissent comme des mirages dans le désert de l'incompréhension. Comment pourrait-on transplanter un arbre centenaire sans en briser les racines ? Dans ce tumulte, un espoir ténu subsiste, fragile comme une brindille dans la tempête. Les artisans, dans un ultime sursaut, en appellent à la bienveillance royale. Leur cri du cœur s'élève vers le palais, porteur de leurs rêves brisés et de leur désir ardent de préserver un art qui fait la fierté du Royaume. Pendant ce temps, l'Agence pour l'Aménagement de la Vallée du Bouregreg dessine les contours d'un avenir rutilant. Une nouvelle Cité de l'artisanat et des arts est promise, projet pharaonique censé incarner le renouveau de l'artisanat local. Mais pour les maîtres de l'Oulja, cette vision futuriste sonne comme une mélodie dissonante, en décalage avec la symphonie séculaire de leur art. Ainsi s'écrit, sous nos yeux, la chronique d'une mort annoncée. L'Oulja, ce creuset d'Histoire et de tradition, s'efface peu à peu du paysage, emportant avec lui les échos des marteaux sur l'enclume et le parfum enivrant de l'argile fraîche. Dans le cœur des artisans, une question demeure, lancinante : l'âme de leur art survivra-t-elle à ce déracinement forcé ? Houda BELABD
Une lueur d'espoir pour les artisans
Dans les bureaux feutrés de l'Agence pour l'Aménagement de la Vallée du Bouregreg, Ahmed, maître potier sexagénaire, et Fatima, vannière émérite, ont vu leurs doléances portées aux oreilles des décideurs.
Le récit d'Ahmed, empreint d'émotion, a résonné dans la salle. Sa vie entière, vouée à l'art de la poterie, héritage paternel, se trouve menacée par la démolition imminente. Fatima, quant à elle, a mis en lumière l'enjeu vital de leur clientèle, essentiellement touristique.
Ces témoignages, porteurs de l'âme de l'Oulja, ont semblé ébranler les certitudes des responsables de l'agence. Une promesse a filtré : celle d'explorer des pistes pour insuffler l'esprit de l'Oulja dans le futur complexe artisanal, tout en veillant à une transition respectueuse pour ces gardiens d'un savoir-faire séculaire.